En plein big-bang des collectivités régionales et à la veille de l’intervention de Manuel Valls à Toulouse, l’Association des Régions de France (ARF) a présenté ses « Dix propositions pour la réforme territoriale ». Alain Rousset, président de l’ARF attend des clarifications du Premier ministre.
Elles sont au nombre de dix. Dix propositions présentées ce matin à Toulouse dans le cadre du Congrès de l’Association des Régions de France (ARF) par les 27 présidents de conseils régionaux. Des propositions qui interviennent en plein contexte de redécoupage territorial, alors que le Premier ministre Manuel Valls interviendra demain dans la Ville rose en clôture du congrès.
« Mettre en cohérence les stratégies éducatives »
Pour « assurer la réussite de tous en accompagnant les jeunes du collège à l’emploi », l’ARF demande tout d’abord « le transfert de la gestion des collèges aux Régions pour mettre en cohérence les stratégies éducatives », mais aussi « l’expérimentation de la territorialisation du service public d’accompagnement vers l’emploi » et « la création d’une bourse régionale d’offres de stage et d’apprentissage ».
Concernant le développement économique, l’ARF propose que la Région soit la seule interlocutrice pour l’appui aux PME et ETI et que soit mis en place « un pacte de soutien en matière d’innovation ».
Sur le dossier des transports, l’ARF demande que l’on investisse « dans la modernisation des infrastructures et dans de nouveaux trains régionaux plus confortables, plus capacitaires et plus accessibles ». L’association souhaite par ailleurs que se développent les services de transport régionaux, que soient mises en place de nouvelles politiques tarifaires et que l’on coordonne davantage les différents mode de transports.
Pour un « service public régional de l’efficacité énergétique »
Côté environnement, l’ARF souhaite « rassembler l’ensemble des schémas régionaux thématiques concernant l’aménagement du territoire » et que soit confiée aux Régions la compétence espaces naturels sensibles. L’association s’engage par ailleurs directement au service de la transition énergétique dans les territoires, en demandant la création d’un « service public régional de l’efficacité énergétique ».
L’ARF souhaite d’autre part que soit désigné un responsable pour chaque politique publique. « Adoptons un principe clair : une compétence = un responsable », indique-t-elle.
Autre proposition : l’association souhaite que les ressources soient adaptées aux missions des collectivités locales, ce qui répond d’après elle à la fois à « un principe d’adéquation » et à « un principe de précaution financier ».
« Lutter contre le sentiment d’abandon de nos citoyens »
Afin de « réduire les inégalités territoriales » et de « lutter contre le sentiment d’abandon de nos citoyens », l’ARF souhaiterait que l’Etat se recentre sur « la définition des grands objectifs de la nation et ses compétences régaliennes et de péréquation » et que soit repensée « la relation État-Régions ». Elle préconise par ailleurs de « fusionner les différents schémas en un seul schéma prescriptif élaboré par les Régions ».
L’association souhaite que soit confiée aux Régions « la possibilité d’adapter leurs politiques publiques aux réalités de leurs territoires ». Il s’agirait de transférer aux conseils régionaux un pouvoir « de nature réglementaire », mais aussi de « renforcer leur capacité à demander des modifications législatives et réglementaires », de rendre effectif le droit pour chaque Région d’expérimenter d’exercice d’une compétence que les autres Régions n’exercent pas et, enfin, de « laisser aux Régions des latitudes pour mettre en place les outils de gouvernance adaptés et organiser les concertations entre collectivités ».
La dernière proposition faite au gouvernement prend la forme d’une promesse. Celle de « revivifier la République grâce à la démocratie locale ».
« On ne réforme pas, on fait la révolution »
Vingt présidents de conseils régionaux ont présenté ce projet à la mi journée à Toulouse. Selon Alain Rousset, président de la Région Aquitaine et président de l’ARF, « on ne réforme pas dans un pays centralisé, on fait la révolution. Pour réformer, il faut régionaliser ». L’élu le martèle : « Il faut faire bouger les lignes, la nouvelle carte de régions rendra les régions plus fortes. » Mais il ne le nie pas. Si certains points font consensus, d’autres, comme le périmètre des futures régions, fait encore débat, notamment en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon (lire notre article). « Sur la taille des régions, il y a des désaccords, admet Alain Rousset. C’est normal qu’il y ait des débats. La carte d’aujourd’hui a été redessinée par le parlement. Ce n’est pas la même que celle du gouvernement et nous ne savons pas ce que va donner le travail du Sénat. »
L’élu aquitain attend avec impatience les déclarations de Manuel Valls. « Le Premier ministre a des choses à nous dire, assure-t-il. D’abord sur le respect du calendrier. Les élections vont être un peu avancées. Le mandat des régions devrait se terminer en mars 2016. Il y a deux lois : celle qui redessine les Régions et celle qui précise leurs compétences. On ne peut aller vers une élection en décembre si aucune de ces deux lois n’est votée. Il conviendrait qu’elles le soient d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. »
Alain Rousset attend par ailleurs que le monde économique soit pris en compte. « Le couple qui marche en France, c’est le couple régions-PME. Ce sont les seuls qui créent de l’emploi. Ce ne sont pas les grands groupes. Nous attendons du Premier ministre que le deuxième texte de loi précisant les compétences aille plus loin que le brouillon qui existe aujourd’hui. »
Le pouvoir économique au centre des débats
Le diagnostic est partagé par Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées : « À ceux qui sont dans la réserve sur la réforme, je dis simplement et tristement : peut-on se dire que le soutien de l’État à la modernisation du tissu industriel est formidable et réussi ? Nous sommes en train de vivre quelques semaines qui sont essentielles. Si cette réforme n’aboutit pas, si ce pouvoir économique de pilotage n’est pas accordé aux Régions, alors nous allons continuer à nous enfoncer dans la crise et voir les PME et TPE reculer. Je n’admire pas le modèle allemand, mais qui exporte 175 milliards d’euros d’excédent commercial ? Les grands groupes ? Non, ce sont les PME et les entreprises intermédiaires. Qui exporte en France ? Avec 50 milliards d’euros de déficit ? Les grands groupes, pas les PME, ou bien trop peu. Nous devons redresser cette situation. Qui le fera, si ce ne sont pas les Régions ? »
De son côté, le président UMP du conseil régional d’Alsace, Philippe Richter, l’assure : « La question du périmètre n’est pas la plus importante. Il faut faire la réforme territoriale. Elle est nécessaire car elle va décider de l’avenir de notre pays. Nos dix propositions sont assez remarquables. Nous attendons des réponses du Premier ministre. »
Quant aux propos de Nicolas Sarkozy, qui a annoncé hier son intention de supprimer la réforme territoriale s’il revenait au pouvoir, ils n’appellent selon Alain Rousset aucun commentaire. « Je n’ai pas envie de commenter ses déclarations, sinon je vais déraper, glisse-t-il. Mais, l’histoire politique montre qu’on remet rarement en cause une loi votée. »