PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Pour Jean-Louis Auduc, ancien directeur d’IUFM, il est urgent d’apporter des réponses à ces questions concernant la formation des enseignants : quelles compétences pour l’enseignant du 21ème siècle, quels contenus pour quels concours, et surtout quelles ESPE voulons nous ? 

Il est, dans la période actuelle, extrêmement positif que concernant le recrutement des futurs enseignants, Vincent Peillon ait pris trois décisions importantes qui vont dans le bon sens :

–           Mise en place dès janvier 2013 de 6000 pré-recrutements au niveau Bac+2 au travers de « contrats d’avenir » spécifiques.

–           Organisation entre mars et juillet 2013 de deux sessions de concours pour permettre le recrutement des 40 000 postes nécessaires aux besoins du système éducatif et le financement des décharges indispensables à la formation des reçus aux concours de recrutement.

–           Remise en place pour les professeurs stagiaires après leur réussite aux concours «  d’une entrée progressive dans le métier avec seulement six heures par semaine devant élèves ».

 

Ces mesures indispensables prises, il serait erroné de penser que le dossier formation des maîtres est clos et que la formation des enseignants a été rénovée. Des dossiers restent à examiner, des décisions restent à prendre qui seront souvent décisifs dans leurs contenus concernant la refondation de l’école :

Le référentiel des compétences attendues d’un enseignant

Ce qui est important, c’est que les étudiants qui souhaitent devenir enseignant aient une claire vision de ce que l’on attend d’eux, que la société ait clarifié ses demandes, ses exigences vis-à-vis de l’école. Quelle feuille de route la société veut-elle donner à l’école et à ses personnels ? Souvent, on décrit le métier enseignant comme « faire cours » alors que tout démontre qu’enseigner, c’est « faire classe ». Faire cours, c’est donner à penser qu’enseigner un savoir, ne nécessite pas de réfléchir sur ceux à qui on l’enseigne.  Faire classe, c’est considérer que le cœur du métier d’enseignant, c’est transmettre des savoirs et mettre en apprentissage des élèves en faisant dans la classe des choix raisonnés face à des situations complexes en se dotant de repères conceptuels, méthodologiques et éthiques permettant de viser la réussite de tous et de chacun. Faire classe, c’est aussi réfléchir à : Nous enseignons, mais qu’apprennent-ils ? Ne pas réfléchir à cette question pendant la formation initiale des enseignants serait un manque important.

Les contenus des épreuves des concours de recrutement

Est-ce que les concours de recrutement tels qu’ils sont conçus actuellement répondent aux défis posés par l’exercice du métier enseignant ? La réponse apparaît négative face à ce qu’est aujourd’hui la réalité du travail enseignant et les exigences d’une professionnalisation accrue des enseignants.  Les concours de recrutement doivent  mieux être articulés au métier choisi par les étudiants aujourd’hui encore plus qu’hier pour tous les degrés d’enseignement. Les contenus des concours de recrutement doivent cesser d’être tourné vers l’amont, mais s’inscrire dans les exigences nécessaires à l’exercice du métier choisi et comporter dès l’écrit des parties d’épreuves concernant la didactique de la discipline permettant aux candidats une réflexion sur les enjeux de la transmission des savoirs.

Les concours de recrutement d’enseignants doivent répondre à un triple défi :

–           valider la connaissance des différents champs disciplinaires faisant partie des programmes d’enseignement ;

–           déceler les qualités indispensables à l’exercice du métier enseignant

–           commencer à travailler sur les compétences professionnelles nécessaires à l’enseignant

Ils doivent également pour tous les niveaux de recrutement s’inscrire dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences et ne pas l’ignorer comme c’est le cas actuellement de la quasi-totalité des concours de recrutement du second degré. Comment travailler à la continuité école-collège, à la fluidité des parcours des élèves si l’enseignant dès sa formation initiale ne perçoit pas la dynamique entre sa ou ses disciplines d’enseignement et les compétences du socle commun ? Comment prendre en compte pour les professeurs des écoles, la spécificité de la maternelle et pour ceux du second degré la spécificité du collège ? Autant de questions mal résolues  dans les concours actuels et auxquelles il est urgent d’apporter des réponses.

L’inscription dans un processus dynamique de continuité de la formation initiale et continuée donnant tout son sens aux ESPE ( Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education)

La création des ESPE n’est pas un « ripolinage » des IUFM. Ils ne doivent pas être seulement des structures de préparation de concours. Ils doivent être pleinement acteurs, sur certains points concepteurs, des trois temps de la formation initiale, de la construction d’une formation continuée de qualité aux côtés d’autres partenaires et devenir un lieu de certification de compétences pour les personnels de l’éducation nationale et peut-être d’autres secteurs…

Les trois temps de la formation initiale des enseignants  où l’ESPE doit avoir toute sa place sont :

–       Le temps des pré-recrutements avant la licence afin de permettre à ceux qui se destinent au métier enseignant de découvrir les caractéristiques de ce métier et de les accompagner, notamment par des formations spécifiques, dans les tâches qu’ils auront à accomplir dans les établissements scolaires.

–     Le temps de la préparation des concours et du master, où la mise en place d’une alternance  réfléchie doit permettre d’articuler l’ensemble des exigences indispensables à la réussite des étudiants et à une bonne entrée dans leur métier.

–        Le temps de l’adaptation à la prise de fonction, de l’année de stage à la seconde année d’exercice où un accompagnement des néo-recrutés comme la mise en place de formations spécifiques correspondant à leurs besoins, doivent trouver leur place. Ce temps doit déboucher sur un véritable bilan de compétences formatif de l’enseignant lui permettant de voir ses forces, ses faiblesses éventuelles et de se construire dans le cadre de la formation continuée son propre parcours. 

La place des ESPE dans la formation continuée des enseignants doit rapidement être précisée ainsi que la possibilité pour ceux-ci de délivrer des certifications diplômantes concernant un certain nombre de tâches effectuées par les enseignants comme le tutorat, l’accompagnement, le conseil pédagogique en direction des nouveaux enseignants.

En rester au quantitatif comme aujourd’hui et ne pas très vite refonder les contenus de la formation des enseignants pourrait être très lourd de conséquences pour l’avenir. Il faut à tout prix ne pas se trouver devant un « heurt des temporalités » entre l’urgence et les nécessités à moyen et à long terme, mais les gérer dans une complémentarité qui implique de modifier rapidement les contenus des épreuves des concours de recrutement et de publier dans les mêmes délais, un référentiel adapté aux enjeux de l’école du XXIe siècle des compétences attendues d’un enseignant.

Jean-Louis Auduc

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