In Educavox – le 13 mai 2013 :
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Il était évident que l’école avait besoin d’être refondée, avec des finalités clairement définies et effectivement partagées, avec des programmes totalement repensés, avec des pratiques résolument nouvelles, avec une remise en cause du fonctionnement même de la pyramide de l’institution.
Il était évident qu’une refondation de l’école ne pouvait se concevoir sans être repositionnée par rapport à la conception globale de l’éducation tout au long de la vie, par rapport à un projet de territoire et par rapport à une vision prospective, notamment en raison du développement exponentiel du numérique.
Il était évident que dans un contexte résolument neuf, l’école ne pouvait pas rester isolée, sans s’ouvrir, sans prendre en considération l’importance des apprentissages et des savoirs acquis hors d’elle, sans s’engager dans une collaboration étroite avec l’éducation populaire.
Il était évident que l’éducation populaire pouvait retrouver toute sa place dans ce grand projet éducatif, social et culturel, attendu par toutes les forces de progrès que compte la Nation.
C’est vrai que, avec une conception globale de l’éducation, dans la perspective des apprentissages tout au long de la vie, dans le cadre d’un projet éducatif territorial, l’idée de relance et de refondation de l’éducation populaire trouvait toute sa justification et sa pertinence au regard des enjeux actuels et futurs pour l’école et pour la société.
C’est vrai que la Ligue de l’Enseignement, par exemple, avait raison de rêver…et pouvait même penser que sa philosophie pour « faire société », son texte fondateur sur l’éducation, ses établissements scolaires transformés en maisons des savoirs et de l’éducation tout au long de la vie, allaient être présentés et mobiliser l’intérêt de tous les citoyens.
Du rêve à la réalité, il y a, hélas, souvent des fossés. Les désillusions sont d’autant plus terribles que les espoirs de changement réel étaient grands après une longue période de destruction de l’école.
Pour l’éducation populaire, le problème du temps de l’élève a occulté totalement le grand débat national qui aurait du être organisé et a rendu impossible une organisation intelligente du hors temps scolaire. Il est évident que la journée scolaire était trop longue et qu’il fallait absolument l’alléger. Deux aspects ont été délibérément occultés :
1° la fatigue scolaire n’est pas seulement liée à la durée, elle ne peut pas être disjointe de l’ennui, de l’incompréhension des savoirs scolaires, de l’activité réelle des élèves, et donc des programmes et de la pédagogie.
2° en 45 minutes, il est impossible d’organiser des activités intéressantes. Il faut 10 minutes de préparation et de mise en place… et 20 minutes dans le 9.3, comme le dit excellemment Anne Roumanoff, il faut 10 minutes pour le rangement… Comment prévoir une activité culturelle, scientifique, artistique, de découverte, de rencontre avec d’autres porteurs de savoirs, d’autres « passeurs » en 20 ou 25 minutes. Tous ceux qui ont fait un peu l’école et qui ne l’ont pas oublié savent que c’est impossible et que c’est la porte ouverte à des exercices, à un soutien illusoire, à un formalisme très fatigant, à du remplissage de cases pour sauver les apparences.
On ne cesse de me dire que je suis impatient, que c’est compliqué, etc
J’espère encore qu’un grand projet pour le 21ème siècle, à l’échelle de celui de Jules Ferry pour la fin du 19ème et pour le 20ème, est possible. Mais il faudrait vraiment et enfin s’y mettre !
Pierre Frackowiak