PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Le constat est connu. Les dernières évaluations internationales comme les études de la DEPP le confirment : les écarts de réussite se sont creusés de façon insupportable au sein de l’école française. En témoigne le fait que les enfants d’inactifs, d’employés de service et d’ouvriers non qualifiés qui étaient en sixième en 1995 ont vu leur espoir de devenir bachelier généraux diminuer par rapport à ceux qui étaient en sixième en 1989. Seulement 20 % des enfants d’inactifs et 41% des enfants d’ouvriers accèdent en seconde générale et technologique sans avoir redoublé depuis leur entrée en sixième, contre 85% des enfants de cadres et d’enseignants. Plus des deux tiers des enfants de cadres et d’enseignants ont obtenu un baccalauréat général mais c’est le cas de moins d’un enfant d’ouvrier qualifié sur quatre et d’un enfant d’ouvrier non qualifié ou d’inactif sur dix !

Du déterminisme social au déterminisme de l’échec scolaire

L’échec puis le décrochage des plus pauvres parmi notre jeunesse n’est pas seulement un drame humain, pas seulement un handicap économique, c’est aussi et d’abord une question centrale de politique éducative. La ministre Najat Vallaud-Belkacem a donc confirmé ma mission « grande pauvreté et réussite scolaire » souhaitée initialement par Benoît Hamon qui consiste à stimuler et à maintenir la mobilisation de notre système éducatif et de ses partenaires autour de cette problématique, la réussite scolaire des plus pauvres, qui concerne les zones urbaines comme les zones rurales. La refondation de l’école est bien au service de cet enjeu : lutter contre les déterminismes sociaux en tant que déterminants de l’échec scolaire pour faire en sorte que la France ne soit plus le pays dans lequel l’origine sociale pèse le plus sur les destins scolaires. Sans que cela soit exclusif d’autres thématiques, trois points d’attention ont été fixés à ma mission.

Etablir un réel focus sur la précarité

Tout d’abord une meilleure connaissance par tous les acteurs du système de la grande pauvreté. La France est un pays riche et pourtant un enfant sur cinq est pauvre, et dans les zones urbaines sensibles, c’est le cas d’un enfant sur deux. En raison de la crise économique qui frappe notre pays, on peut estimer aujourd’hui à plus de deux millions le nombre de jeunes scolarisés dans nos écoles et établissements dont les familles vivent sous le seuil de pauvreté. Cela nécessite à l’évidence une vigilance particulière.
Il faut que la précarité de vie des familles en grande difficulté, souvent peu connue, soit mieux prise en compte au sein de l’école. On observe aujourd’hui par exemple combien la question des fournitures scolaires, celle des matériels nécessaires pour certaines formations, le coût des sorties, etc. sont sensibles pour beaucoup de familles. Dans le second degré, il faut à cet égard accorder une attention accrue à la bonne utilisation des fonds sociaux.

Changer de regard et mieux impliquer les familles

Le deuxième point d’attention concerne les relations entre les familles pauvres et l’école. L’article 2 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école l’énonce avec force : « Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale ». Or, les parents en situation de grande pauvreté ont souvent peur de l’école, ne comprennent pas toujours ce qui s’y fait et, souvent, n’y viennent pas. Et c’est bien à tort qu’on les qualifie parfois de « parents démissionnaires ». Pour peu qu’on leur prête toute l’attention qu’ils méritent, les parents qui ont des conditions de vie difficile peuvent apporter leur propre réflexion sur l’école, une autre perception de leurs enfants et enrichir l’école par leur présence. Il faut changer de regard à l’endroit de ces familles et, dans un respect mutuel, les aider à prendre toute leur part dans la scolarisation de leurs enfants et à mieux comprendre les exigences de l’école. En liaison notamment avec le mouvement associatif et les fédérations de parents d’élèves, il y a là un travail d’impulsion et d’accompagnement à coordonner et, bien entendu, l’AFEV y aura toute sa place.

Ces pratiques pédagogiques qui favorisent la réussite de tous

Enfin, notre marge de progression en matière pédagogique est importante dans un pays qui a longtemps demandé à son système éducatif de trier et de sélectionner les élèves mais qui a pris conscience récemment qu’il est devenu le plus injuste des systèmes éducatifs des pays développés. La refondation pédagogique de notre école aura réussi si nous trouvons les moyens pédagogiques d’assurer la réussite de tous, ce qui n’est nullement à opposer avec la nécessité de former des élites.
La qualité de la formation des personnels pour notamment améliorer leur connaissance de la vie des familles en situation difficile, la scolarisation précoce en maternelle, le dispositif plus de maîtres que de classes, la refondation de l’éducation prioritaire, la lutte contre le décrochage dans tous ses aspects (prévention, remédiation), la réforme à venir du collège, la rénovation des contenus du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes, pour ne prendre que ces exemples, en sont les leviers essentiels. Il s’agit aussi d’utiliser les résultats de la recherche qui identifient des pratiques pédagogiques permettant la réussite de tous les élèves, pour permettre aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation d’en favoriser la diffusion. Il faut donc veiller tout particulièrement à ce que la formation initiale et continue des personnels d’enseignement et d’éducation intègre cette question, au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’Education nationale

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