Le Centre INFFO et le CNFPT organisaient les 20 et 21 mars à Metz des journées d’échanges autour de la question centrale : Quelles politiques régionales de formation au service de l’entrepreneuriat pour les territoires ? Le public était composé de membres des directions "formation professionnelle" et "développement économique" de 12 conseils régionaux. Vous trouverez ci-dessous l’intervention de clôture de ces journées qu’a faite Bruno RACINE, membre de l’asso-réseau de PRISME, soulignant le rôle déterminant du partenariat Éducation Économie dans les politiques régionales pour stimuler la croissance et l’emploi sur les territoires.
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L’ouverture des Régions vers de nouveaux partenariats Éducation Formation Économie Territoires, nouvel horizon pour l’innovation, la croissance et l’emploi
Il a été rappelé dans la première journée la lente évolution depuis trente ans au cours desquels les Régions ont conquis progressivement une large autonomie en matière de politiques de développement économique et de formation professionnelle. A chaque étape, ces politiques se sont accompagnées d’élargissements successifs des partenariats nécessaires pour mettre en œuvre ces politiques. Il a été noté hier que l’un des partenariats nouveaux que vont avoir à gérer les régions était celui avec les partenaires sociaux.
J’ai choisi, à partir de mon expérience d’animateur de réseaux d’acteurs du développement territorial en régions et de mon expertise en matière de coopérations écoles entreprises sur les territoires, de montrer, pour cette intervention de clôture, un autre partenariat qui prendra aussi beaucoup d’importance dans le court, moyen et long terme. Ce nouvel horizon partenarial, nécessaire pour développer l’innovation, l’entrepreneuriat, la croissance et d’emploi, concerne les rapports Éducation Formation Économie sur les Territoires.
Pour atteindre l’objectif de développement de l’entrepreneuriat et de l’innovation, porteur de croissance et d’emploi, ces politiques régionales (et territoriales) doivent s’appuyer, de manière classique, sur les acteurs de la formation, de l’emploi et ceux de l’entreprise, pour développer des politiques de développement économique et de formation professionnelle. Ce que l’on peut illustrer par le schéma simplifié suivant.
Mais, pour être plus massives, plus rapides et plus efficaces, ces politiques régionales doivent aussi s’appuyer sur de nouveaux partenariats, s’élargir aux acteurs de l’éducation (l’école, la formation initiale) et de l’économie (les branches, l’économie sociale et solidaire, les collectivités territoriales,…) sur les territoires, engagés dans un dialogue et des coopérations renouvelés entre eux à tous les niveaux.
Le schéma suivant illustre ce nouveau cercle vertueux, dans lequel les Régions sont appelées à concourir, en s’inscrivant dans la dynamique ouverte par la mise en place du Conseil National Éducation Économie.
C’est ce que nous essaierons de montrer dans cette intervention, en suivant le plan suivant :
1) L’éducation est un investissement majeur pour la compétitivité du pays et des territoires, et les Régions sont invitées à s’associer au dialogue national éducation économie engagé par le gouvernement.
2) Les nouvelles lois de décentralisation, de refondation de l’école, de formation professionnelle, et d’enseignement supérieur offrent aux Régions de nouvelles perspectives d’actions partenariales pour leur croissance et l’emploi.
3) Quelques pistes pour construire ces partenariats élargis.
1 – L’éducation est en effet un investissement d’avenir majeur et un facteur de compétitivité essentiel pour notre pays. Dans une économie marquée par l’accélération du progrès technique, l’élévation des niveaux de connaissance et de qualification, par l’éducation et la formation, constituent un facteur déterminant de la capacité à innover, essentielle pour la montée en gamme de l’économie dans la compétition internationale, la croissance et de l’emploi. Compte tenu de ce rôle déterminant de l’innovation, l’école doit amener le plus grand nombre d’élèves dans l’enseignement supérieur, contribuer au développement des qualifications professionnelles et lutter contre le décrochage scolaire. Autant d’objectifs auxquels les Régions sont directement ou devraient bientôt être pleinement associées.
Monsieur Jean-Claude Bouly, directeur du dispositif ARDAN (Action régionale pour le développement d’activités nouvelles) et professeur au CNAM, indiquait que le facteur limitant au développement de la TPE, ce n’était pas le marché, mais c’est le dirigeant d’entreprise, qui se limite à une partition de soliste, alors qu’il lui faudrait développer celle de chef d’orchestre. Et cela doit venir d’un renforcement d’un environnement managérial. Il s’agit là d’un changement de culture, cela passe en France fondamentalement par l’éducation, par un changement profond de l’éducation dans son dialogue avec l’économie, dans le développement de l’esprit d’entreprendre, "entreprendre sa vie", a-t-il été noté, qu’on peut acquérir dès l’école élémentaire.
Pour cela, l’École a un rôle important à jouer dans la construction de l’autonomie, de l’esprit d’initiative et d’entreprendre des jeunes, à leurs différents stades de développement. Cela passe nécessairement par son ouverture sur son environnement local, sur le monde économique et professionnel, à laquelle les collectivités territoriales peuvent concourir. La refondation de l’École passe aussi par ce dialogue avec le monde économique.
Le Conseil national éducation-économie, qui vient d’être mise place par le gouvernement le 18 octobre 2013, a vocation à être le lieu de ce dialogue et d’un partenariat renouvelé et équilibré entre le monde de l’éducation et le monde de l’économie. Outre les responsables économiques, éducatifs, les responsables des administrations centrales et les partenaires sociaux, deux présidents de Conseil régional en sont membres de plein droit. Et les Conseils régionaux seront constamment associés à ce dialogue, car l’échelon régional est déterminant à la fois pour les lycées et pour le développement économique territorial. En collaboration avec les régions, les rectorats moderniseront la carte des formations professionnelles initiales.
Parmi les projets les plus emblématiques de cette nouvelle ambition partagée entre l’Éducation nationale et ses partenaires pour la formation professionnelle initiale, il y a le développement des « Campus des métiers et des qualifications », qui valorise les synergies locales entre la formation professionnelle de l’éducation nationale, la recherche et les acteurs du monde industriel.
2 – Les nouvelles lois de décentralisation offrent aux régions de nouvelles responsabilités et potentialités d’actions pour s’ouvrir vers ces nouveaux partenariats et ces nouvelles orientations :
+ Que ce soit la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles qui clarifie les conditions d’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales en instaurant des chefs de file :
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la région pour le développement économique, les aides aux entreprises et les transports, la biodiversité, la transition énergétique, l’agenda 21,
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le département pour l’action sociale, l’aménagement numérique et la solidarité territoriale,
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les communes pour la mobilité durable et la qualité de l’air.
Le texte institue au niveau régional une conférence territoriale de l’action publique qui établira un pacte de gouvernance territoriale. Elle sera présidée par le président du Conseil régional et rassemblera les représentants de l’ensemble des exécutifs locaux – régions, départements, métropoles, agglomérations –, ainsi que des délégués de maires et de communautés de communes, et un représentant de l’État (le préfet). Cette discussion sur l’organisation des compétences mises en œuvre par chaque échelon territorial concernera bien sûr aussi les questions d’éducation et de formation au bénéfice des jeunes et des populations sur les territoires.
+ Que ce soit la prochaine loi sur la décentralisation concernant les compétences des régions qui devrait être déposé au conseil des ministres du 2 avril, et qui accordera des pouvoirs accrus aux régions, qui disposeront de compétences exclusives notamment en matière de développement économique.
+ Avec la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, les régions deviennent aussi les pilotes d’un service public régional qui va de l’orientation à la formation professionnelle tout au long de la vie, ce qu’elles réclamaient depuis des années.
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Elles doivent organiser la coordination en matière d’emploi, de formation et d’orientation, de tous les acteurs concernés, comme Pôle emploi, Cap emploi, les missions locales.
L’adaptation de l’éducation, et de la formation continue, au potentiel de développement particulier des territoires est un moyen essentiel à cet égard.
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La loi du 5 mars 2014 instaure un nouveau service public régional d’orientation. Là encore, la région jouera le rôle de chef d’orchestre, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici avec le service public de l’orientation. Elle organisera ainsi sur son territoire le réseau des centres et points d’information.
Avec six régions pilotes, les académies expérimentent à partir de cette rentrée un nouveau service public de l’orientation (Aquitaine, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, Rhône-Alpes).
Un « parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel », voté dans la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013, permettra aux élèves de construire progressivement leur orientation scolaire et professionnelle.
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Dans ce cadre, la région se voit aussi confier la responsabilité d’animer la lutte contre le décrochage scolaire.
Là aussi un partenariat actif entre les services des régions et des académies concernées devrait être indispensable pour prévenir et guérir ce fléau.
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La loi du 5 mars dernier leur donne aussi la possibilité de recourir à des services d’intérêt économique général (Sieg) pour les publics en difficulté et de coordonner l’achat de formations collectives pour les demandeurs d’emploi.
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En matière d’apprentissage, elles sont satisfaites de la transparence imposée aux acteurs dans l’attribution de la nouvelle taxe.
+ la loi de refondation de l’école (9-7-13) et celle sur l’enseignement supérieur et la recherche (22-7-13) concourent à l’élargissement de l’horizon des partenariats utiles au développement des Régions et des territoires.
3 – De quelles façons peuvent se tisser ces partenariats élargis ?
Il s’agit à la fois de :
Mieux prendre en compte les besoins de l’économie dans l’offre de formation initiale et continue :
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Renforcer la collaboration entre acteurs régionaux pour élaborer la carte régionale des formations professionnelles initiales et continues (conseil régional, académie, partenaires sociaux, branches, Économie Sociale et Solidaire,…)
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Développer des campus des métiers et des qualifications adossés à des filières économiques en développement
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Soutenir l’attractivité des filières scientifiques, technologiques et professionnelles
Favoriser l’insertion professionnelle et la qualification des jeunes :
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Mettre en place le service public territorial de l’orientation et contribuer à développer la compétence des jeunes à s’orienter
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Déployer des formations en alternance, qualifiante et de qualité (sous statut scolaire et en apprentissage), en partenariat étroit avec le monde professionnel, et former les tuteurs
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Encourager l’esprit d’entreprendre et sensibiliser aux différentes formes d’entrepreneuriat
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Prévenir l’échec scolaire, proposer à tout élève sorti sans qualification, une formation dans les filières de recrutement
Réussir la mise en œuvre de ces politiques est affaire de coopérations entre partenaires, dans des logiques régionales, mais aussi territoriales :
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Des exemples d’actions des conseils régionaux ont été donnés dans les journées (exemple des politiques d’emploi formation sur les bassins d’emploi du Nord Pas-de-Calais avec les maisons de l’emploi ; mais aussi sur les coopérations écoles formation entreprises dans l’éolien en Picardie)
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Se pose aussi la question de l’échelle territoriale à laquelle peuvent se poser ses politiques.