Après des années de baisse continue, la pratique du redoublement va tendre à devenir exceptionnelle au sein du système scolaire français. En novembre 2014, un décret paru au Journal officiel est très explicite sur ce point (voir notre article).
Il reste à savoir ce que l’Education nationale va proposer à la place car, si le redoublement n’était pas la panacée, ne rien proposer aux élèves les plus en difficulté est proprement aberrant. La première idée qui vient immédiatement à l’esprit est de réaffecter les sommes économisées à la suite de la suppression du redoublement vers des solutions alternatives, comme la prise en charge par des profs expérimentés et volontaires de petits groupes d’élèves en très grande difficulté.
Mais sur la question de l’argent économisé suite à la disparition du redoublement, il est difficile d’y voir clair. On annonce deux milliards d’euros d’économisé. Mais, dans une note de janvier 2015, l’Institut des Politiques publiques a essayé de faire toute la lumière sur cette épineuse question.
Pour cet organisme, deux milliards d’euros, c’est un maximum car « il faut noter que ce coût n’est pas supporté entièrement par l’Éducation nationale et le budget de l’État, mais également par les collectivités territoriales. Par ailleurs, il existe des coûts fixes dans le fonctionnement du système scolaire (équipements scolaires, contraintes d’ouvertures et de fermetures de classes, etc.) qu’une suppression du redoublement ne permettrait pas de réduire à proportion. Aussi, le chiffre de 2 milliards est-il une borne supérieure des économies que l’on pourrait espérer à terme. »
Pour arriver aux deux milliards, voici comment on s’y prend : « En appliquant aux années redoublées le coût par élève dans le niveau et la filière (professionnelle ou non) concernée, on obtient un coût du redoublement en primaire et au collège d’environ 1 milliard d’euros (dont 500 millions pour le redoublement en primaire et 600 millions au collège). Le coût du redoublement au lycée est, quant à lui, estimé à environ 900 millions d’euros. Au total, le coût du redoublement (hors classes diplômantes) est estimé à 2 milliards d’euros par an. Par comparaison, le budget de l’Éducation nationale est de 65 milliards environ. »
(Source : Institut des Politiques Publiques)
Quant à l’impact du redoublement sur la scolarité d’un élève, il est assez simple : cela « augmente la durée totale des études primaires et secondaires presque exactement du nombre d’années redoublées. Autrement dit, un redoublant termine ses études avec, en moyenne, le même niveau de formation secondaire que s’il n’avait pas redoublé, si bien qu’une année de redoublement retarde d’un an sa sortie du système scolaire.
Ce résultat n’a rien d’une évidence, dans la mesure où le redoublement aurait parfaitement pu avoir un effet positif (ou, au contraire, négatif) sur le niveau de formation atteint à l’issue de la scolarité secondaire, et donc sur la durée moyenne de scolarisation. L’analyse montre cependant que la nature des études est modifiée par le redoublement : celui-ci augmente de façon statistiquement significative la probabilité d’être orienté dans la voie professionnelle plutôt que dans la voie générale et technologique. »
Mais le point très important mis en valeur par cette analyse est que les économies espérées n’apparaitront que très progressivement. « Contrairement à une idée largement répandue, les économies budgétaires engendrées par la suppression du redoublement ne se réalisent pas instantanément, mais seulement à l’issue d’une période transitoire relativement longue. En effet, à court terme, un élève de CP qui ne redouble plus ne réduit pas la dépense éducative: il coûte une année de CE1 au lieu d’une année de CP. L’économie qui résulte d’une sortie plus rapide du système scolaire ne se réalise donc qu’à la fin de chaque carrière scolaire. »
Ainsi, « deux résultats principaux peuvent être dégagés. Le premier est que la suppression du redoublement coûte, sa première année, près de 20 millions d’euros. Ce coût est lié à l’afflux plus rapide à court terme des effectifs scolaires vers des niveaux de formation plus élevés et donc plus coûteux (afflux transitoire d’élèves du primaire vers le secondaire et, au sein du secondaire, afflux transitoire d’élèves du collège vers le lycée).
Le deuxième résultat est que les premières économies budgétaires (environ 240 millions d’euros par an) sont réalisées à partir de la rentrée 2017. Les économies augmentent ensuite année après année et l’état stationnaire est atteint à la rentrée 2027. C’est seulement à partir de cette date que la suppression du redoublement permet de réaliser l’économie budgétaire annuelle d’environ 2 milliards d’euros. »
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