In les Cahiers pédagogiques :
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Qu’est-ce qui selon vous pourrait faire avancer l’école ? Quel élément entre tous choisiriez-vous, pour changer un fonctionnement, améliorer un point critique, débloquer des tensions, simplifier des procédés, rendre plus efficace un dispositif ?
C’est aujourd’hui Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, qui nous répond.
Les spécialistes du génie civil vous le diront, il existe deux sortes de fondations, superficielles et profondes. De quelle sorte sera la re-fondation de Vincent Peillon ? Le projet de loi s’attaque-t-il aux fondements historiques, culturels, politiques et sociaux du fonctionnement élitiste de notre système éducatif ? Autrement dit quels sont les fondamentaux structurants, les causes profondes de la crise de l’école française auxquels s’attaquer si l’on ose affirmer sa refondation ? Ils sont me semble-t-il au nombre de trois.
Tout d’abord sa structure : un collège conçu depuis 1975 comme la propédeutique du lycée général, lui-même antichambre des classes préparatoires. Ceux qui peinent sont progressivement éjectés : vers l’apprentissage, le lycée professionnel, l’université. Avant ce « collège inique » l’enseignement primaire supérieur, avec ses PEGC, accueillait la majorité des élèves et assurait bien mieux la promotion des enfants des classes populaires. Il faut donc re-tourner le collège vers l’école primaire et en faire la seconde partie d’une école fondamentale, de l’école du socle sur laquelle construire ensuite des voies différenciées de réussite.
Ensuite un recrutement et une formation des enseignants purement académiques et calqués sur le modèle des professeurs du lycée d’avant 1965. Qu’ont gagné nos enfants à troquer des instituteurs normaliens pour des « agrégés du primaire » et leurs 5 années d’université ? Les études internationales ne décèlent aucune corrélation entre la qualification universitaire des maîtres et la réussite des élèves ; mais leur formation professionnelle est en revanche un facteur déterminant.
Enfin la mixité sociale des établissements et des classes apparaît, tant dans les études internationales que françaises, comme le 3ème élément-clé de l’équité et de la performance scolaire. Or elle n’a fait que régresser sous l’effet conjugué des dynamiques sociales et des politiques libérales ; ce qui explique en bonne partie les dernières régressions scolaires de notre pays.
C’est sur ces 3 éléments que l’on jugera in fine du caractère de la « refondation » : profonde ou superficielle ; et moins un homme –sans doute convaincu de tout cela- que l’on jugera à cette aune, qu’un Gouvernement et un Parlement dont la responsabilité historique, morale et politique est aujourd’hui immense.