Un recours collectif en santé ?
Je n’ai malheureusement pas accès à un médecin de famille, de sorte que je dois me rabattre sur le privé depuis plus de 15 ans. Je suis entièrement satisfait des soins que je reçois, mais un peu choqué de devoir payer par mes impôts pour un service auquel je n’ai pas accès. Comme près de la moitié des impôts que je paie sont pour ces services, je crois que l’État devrait m’en rembourser une partie. À quand un recours collectif ?
— Luc Granger, Montréal
Notre système scolaire crée de l’échec
L’émergence d’un marché de l’éducation crée plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions
La concurrence en éducation est utile et donne de bons résultats, car elle pousse l’école publique à innover et à s’améliorer, en plus d’élargir les choix offerts aux parents, nous rappellent certains chroniqueurs. Mais pourquoi alors le Québec, champion canadien de l’école privée, n’affiche-t-il pas les meilleurs taux de diplomation au Canada ? Pourquoi les écoles publiques de l’île de Montréal ne sont-elles pas les plus performantes au Québec puisqu’elles bénéficient d’une saine émulation avec l’école privée ?
Peut-être parce que la concurrence en éducation n’est pas une bonne idée. Peut-être parce que l’émergence d’un marché de l’éducation crée plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions ; qu’il a des effets délétères sur la réussite au Québec parce qu’il creuse les écarts entre les élèves en fonction du lieu où ils vivent et des revenus de leurs parents.
Le déficit éducatif au Québec n’est pas conjoncturel, mais structurel. La concurrence entre les établissements et l’école privée rendue abordable grâce à un généreux financement ont favorisé le développement d’un réseau parallèle d’éducation et l’émergence au public de projets particuliers souvent sélectifs, parfois même à leur insu. Pour preuve, les élèves en difficulté ou issus de milieux défavorisés y sont généralement sous-représentés. Tout cela tire vers le bas les résultats scolaires et hypothèque l’avenir de ceux qui comptent parmi les plus vulnérables de notre société.
Notre système crée de l’échec et mine ses propres efforts, comme un quasi-noyé qui se tire vers le fond du lac en se débattant pour rester en surface. Avec les efforts et ressources consentis depuis 10 ans dans un « marché de l’éducation » qui aurait été comparable à celui de l’Ontario, nous aurions de bien meilleurs résultats.
Aveuglés par la peur du nivellement par le bas, nous tirons vers le haut les plus favorisés et vers le bas ceux qui le sont moins.
Je fais le constat amer que la volonté politique nécessaire pour changer cela n’existe pas. L’école publique est à risque et condamnée à une autre de ces réformes coûteuses qui papillonnera en périphérie des problèmes. Dans l’euphorie des grands changements, nos dirigeants se soulageront la conscience. On est loin de cette école que Camille Laurin aurait voulue communautaire, autonome et responsable. Pourtant, pour peu que nos politiques publiques en éducation s’appuient sur des données et des preuves vérifiées empiriquement, l’espoir pourrait renaître et le dialogue s’établir.
Si nos programmes d’études, la formation de nos maîtres, la façon dont on enseigne et on éduque prenaient appui sur des approches dont les effets ont été vérifiés, mesurés ; si nos enseignants prenaient acte de ces connaissances et y assoyaient leur autorité et leur autonomie professionnelle, alors il y aurait une lumière au bout du tunnel. Faire réussir tous les élèves serait une incontournable responsabilité sociale portée par tous.
J’en suis là : rêver d’un système d’éducation à l’épreuve des ministres, des intérêts particuliers, des colporteurs de légendes pédagogiques et des petits journaux qui carburent à l’indignation, exacerbant le mépris de l’école publique et contribuant à l’exode vers le privé. Je rêve d’un gouvernement des sages en éducation qui tirerait sa légitimité des avis éclairés et neutres d’un institut scientifique national d’éducation publique, indépendant et à l’abri des interférences politiques.
Je rêve pour tous les enfants du Québec d’une école publique, inclusive, communautaire où tous auraient droit gratuitement à la meilleure éducation possible, dans les meilleures conditions, toutes origines, conditions sociales ou personnelles confondues.
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