In Démocratisation-scolaire.fr – le 16 mars 2013 :
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La loi Fillon de 2005 porte l’objectif du « socle commun », la formation de « compétences », l’usage d’un « livret de compétences » au fronton de la nouvelle politique scolaire. C’est une étape marquante dans la transformation de la vision qu’ont les pouvoirs publics de ce que doivent être les missions et les fonctionnements de notre système éducatif.
Cette évolution est profonde, et elle fait l’objet d’un large consensus, de la droite à une partie de la gauche : deux raisons de la prendre au sérieux, et d’interroger sa pertinence au regard de l’ambition démocratique pour l’école qu’avec d’autres forces le GRDS s’efforce de promouvoir.
Il y a, dans l’objectif de transmission d’un « socle commun de connaissances et de compétences », deux idées bien distinctes : celle selon laquelle l’école doit assurer à tous un bagage minimum désigné comme « socle » ; et celle selon laquelle la formation de « compétences » doit désormais devenir un objectif majeur de l’action scolaire [1].
Ces deux idées sont en règle générale évoquées simultanément. La question de la formation de compétences, ou si l’on préfère de « savoir agir », perd en effet de son acuité au fur et à mesure que s’approfondit l’appropriation des secteurs de connaissances correspondants, pour les élèves qui poursuivent leurs études : soit parce que les connaissances disciplinaires développées incluent nécessairement des formes variées de savoir agir ; soit parce que leur détenteur peut les convertir par lui-même en savoir agir sans trop de difficultés ; soit enfin parce que la formation spécifique de savoir agir s’inscrit de façon naturelle dans la continuité de la formation disciplinaire antérieure (s’agissant par exemple aujourd’hui d’un master professionnel).
La formation des compétences paraît ainsi problématique dans le cas surtout des élèves qui interrompent précocement leurs études et risquent de se retrouver « dans la vie » dotés d’un bagage savant insuffisant pour être aisément négocié en compétences existentielles. Comme Philippe Perrenoud, éminent promoteur de la formation des compétences à l’école, le souligne avec force, ce sont les « élèves en réelle difficulté » qui ont tout « à gagner dans une redéfinition des programmes en termes de compétences » [2]. C’est le bagage minimum avec lequel ils sortiront de l’école, le « socle commun », qui doit être pensé en termes de compétences.
La politique scolaire actuellement à l’œuvre, et le relatif consensus qui l’entoure, associent donc étroitement les deux questions de la formation scolaire des compétences et de la définition d’un bagage minimum au sortir de l’école. C’est à cette association qu’on s’intéressera ici ; sans oublier cependant, s’agissant de réfléchir aux perspectives d’une école démocratique, que l’indépendance logique de ces deux thèmes permet de les dissocier, et notamment de poser la question de la formation des « compétences » s’agissant de la transmission d’une culture commune qui n’aurait plus rien à voir avec l’actuelle visée d’un « socle commun ».
Nous traiterons successivement, dans cette étude, de la genèse historique de la politique du socle commun ; de ses impasses théoriques et pratiques ; et enfin des perspectives alternatives. [3]
La genèse d’un consensus
Le contexte du dernier demi-siècle
Du côté du patronat
Du côté des organismes internationaux
Du côté des politiques
Du côté des experts de l’école : un ralliement progressif
Les propositions du Collège de France
Chercheurs et pédagogues
La cristallisation du consensus dans les années 2000
La visée du socle et ses impasses
Des savoirs aux compétences ?
La formation des compétences, une ambition démocratique ?
Une impasse pédagogique
Les effets du socle
Les conséquences de la « formation des compétences »
Enseignants : mécontentement et mobilisations
Quelles perspectives démocratiques ?
Sauver le socle ?
Former des compétences ?
Compétences et culture commune