In Eduveille – le 2 septembre 2013 :
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Dans le cadre d’un symposium intitulé « Echec scolaire, redoublement ou décrochage : les croyances des enseignants sous la loupe » (AREF 2013), Virginie Dupont, doctorante au sein du service d’analyse des systèmes et des pratiques d’enseignement (aSPe) de l’université de Liège, a présenté une recherche visant à analyser les causes et les conséquences du « maintien en 3ème maternelle » (Grande section, en France) et notamment les pratiques et représentations des enseignants de dernière année de maternelle (3M) et de première année de primaire (1P), en fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
Entre maintien et redoublement, quelles différences de représentations ?
V. Dupont rappelle le constat fait par Crahay, en 2003, quant au redoublement : le redoublement « est conçu comme un outil de remédiation susceptible de remettre à flot les élèves en difficulté. Si les enseignants n’accordent pas une confiance absolue à cette mesure, ils ne lui reconnaissent aucun méfait ». Le fait de « maintenir » les élèves en maternelle procède-t-il du même argumentaire ?
Face à un constat d’échec …
Les suivis de cohorte des élèves maintenus montrent que plus d’un quart d’entre eux se retrouvent dans l’enseignement spécialisé dans les quatre années qui suivent leur sortie de la maternelle ; un autre quart connaissent au moins un autre redoublement au primaire : « Ainsi, le maintien en 3e maternelle apparaît comme l’antichambre de l’échec et de l’enseignement spécialisé ». Les études portant sur les parcours confirment les effets négatifs, à moyen et long termes, dénoncés par de nombreux chercheurs, depuis de longues années.
En 2010-2011, 4% des élèves de 3ème année de maternelle sont touchés par le maintien et abordent donc l’enseignement primaire avec une année de retard (alors que la maternelle n’est pas obligatoire en FWB). Le portrait robot de l’élève maintenu est le suivant : un garçon né au quatrième trimestre et issu d’un milieu défavorisé.
… Des enseignants convaincus
86 % des enseignants de 3M et 82% des enseignants de 1P trouvent que le maintien est utile et efficace. Ce pourcentage est encore plus important pour les enseignants ayant pratiqué le maintien. Pour ces enseignants, une année supplémentaire en maternelle permet à l’élève de continuer à évoluer à son rythme, de grandir, de mûrir ; cela est bénéfique pour la suite de sa scolarité en lui permettant de mieux redémarrer et en lui donnant des chances de réussir grâce à des bases solides. Ils ne sont pas d’accord (à plus de 90%) avec les propositions relatives à des effets négatifs comme la perte de confiance, un sentiment d’échec.
Les entretiens ont permis, par ailleurs, de mettre au jour des motivations et attentes d’un autre ordre : les décisions de maintien sont influencées par des attentes mutuelles entre enseignants de 3M et de 1P : 80% des enseignants de 1P attendent de leurs collègues qu’ils maintiennent les élèves en difficultés et 60% des enseignants de 3M considèrent que vis-à-vis de leurs collègues de 1P, ils ne peuvent le faire. A contrario, dans les écoles maternelles n’étant pas rattachée à une école primaire, les enseignantes pratiquent moins le maintien.
V. Dupont lie cette attitude des enseignants à ce que Draelants appelle une fonction latente du redoublement, à savoir « la gestion de l’hétérogénéité et de tri des élèves au sein des établissements.
Et les multiples fonctions du redoublement semblent dès lors justifier des pratiques (ou représentations) en contradiction avec les résultats de la recherche.
Pour les chercheurs de l’université de Liège, il s’agit dès lors de provoquer, motiver, susciter des échanges entre enseignants sur les pratiques efficaces [pour éviter le redoublement].