In Apprendre avec un blog, un blog pour apprendre – le 15 mars 2014 :
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L’intégration du numérique dans les formations des enseignants est un enjeux de taille sur le court, moyen et long terme pour concilier les enjeux technologiques et leurs pendants pédagogiques. Par extension, elle l’est aussi pour leurs apprenants. L’expérience que j’ai pu en avoir, soit en tant que stagiaire, soit en tant que formateur est très généralement construire sur le principe d’une organisation calquée sur le modèle pyramidal hiérarchique séquentiel cloisonné :
- Une convocation ;
- Une journée de formation sur site. ;
- Le retour au métier avec ou sans feed back étant laissée à l’appréciation des enseignants (comme souvent dans notre métier le "faire" ou le "ne pas faire" sont sans véritable conséquence professionnelle)
Le problème que j’essaye de cerner dans mes réflexions est la tension entre l’injonction à se former venue du haut et le champ des possibles que l’on pourrait faire émerger à partir des besoins de la base (économie de la collaboration et de la confiance). De façon générale, il me semble que l’on invite rarement à la réflexion les principaux intéressés dans l’analyse de leurs propres besoins. Par exemple dans les colloques, les séminaires, les journées d’études auxquels je suis invité pour parler d’apprentissage, sont convoqués, les enseignants, les décideurs institutionnels, les chercheurs très rarement les apprenants (ce sont pourtant eux qui apprennent).
Je vais donc tenter de décrire la façon dont j’imagine la formation continue des enseignants (la formation par et avec le projet et non plus seulement le projet de formation). La pédagogie / de / projet, deux mots nécessaires pour bâtir une formation. Le projet en partant de la base par identification des besoins et la pédagogie en expliquant les enjeux de la formation aux intéressés, les attentes, les pré-requis et les productions attendues. C’est sur cette base que j’articulerai mon billet.
Je propose un possible modèle en l’argumentant, charge aux lecteurs d’en débattre, de faire des contre propositions, des ajouts structurés s’ils le souhaitent.
1 – La pédagogie
Former des enseignants c’est faire montre de pédagogie, c’est imaginer que les connaissances et les compétences acquises en stage seront mises en application sur le terrain. Je vais tenter de formuler quelques propositions en ce sens.
Certaines formations pourraient partir des besoins exprimés par le terrain enseignant eux mêmes mis en dialogue avec les besoins de l’institution. Le modèle de l’unité de temps et de lieu ne me semble plus entièrement adapté aux enjeux de la formation continue et de sa mise en application en situation professionnelle. La question première à soumettre au débat est la suivante : Les formations massives en présentiel situées au sein d’une structure patrimoniale sont-elle toujours pertinentes ? Comme nous cherchons à individualiser (nous tendons vers) les apprentissages des apprenants, ne devrions nous pas individualiser les formations des enseignants (sans renoncer à la massification) ?
Il semble utile de réaliser un audit croisé des besoins des enseignants et des besoins de l’institution comme premier temps de cette démarche. Le collationnement des besoins pourrait se faire sur la base de groupes de projets, les équipes d’établissement pouvant être la taille raisonnable.
- Demander aux enseignants quels sont leurs besoins de formation (inverser le principe en allant du bas vers le haut) et prendre en compte les demandes. Il faut ici absolument dédramatiser et accepter que le niveau d’acculturation puisse être de type grands débutants dans certains cas. Un travail de pédagogie est indispensable auprès des équipes, ce n’est pas le spécialiste de service qui doit donner le ton mais bien les besoins exprimés, les usages envisagés, parfois rêvés, souvent idéalisés. Il existe bien des réunions de bassin pour les chefs d’établissements, pourquoi ne pas l’imaginer dans un contexte incluant tous les acteurs de la formation ?
- Ne plus partir seulement de celui qui est en avance, celui qui sait comme le mètre-mesure mais aussi savoir tenir compte des aptitudes moyennes.
- Demander aux équipes de direction quels sont les moyens qu’elles souhaitent investir dans la formation des équipes. Dans les moyens j’inclue l’envie (ou la non envie) de s’investir avec les enseignants. J’entends ici passer effectivement du mode hiérarchique (vous devez … ) au mode transversal (nous pouvons ensemble …) c’est-à-dire le pas à franchir entre la force de l’injonction que l’on ne conteste pas et l’engagement collectif mutualisé. Dans ce type de travail préparatoire j’imagine bien une réunion de groupe consistant à réunir les divers acteurs engagés non sur la base des postures strictement hiérarchiques ("je décide", "j’exécute") mais sur l’objectif d’acculturer efficacement par procédé collaboratif. Faire entrer dans le projet une obligation de résultat de type "être capable de se former en collaborant". L’objectif est un changement de regard sur l’autre.
- Demander aux équipes enseignantes de formaliser leurs attentes en terme de formation et de décrire les moyens qui pourraient être mis en place pour aboutir. L’objectif est un changement de regard sur l’autre.
2 – Les moyens pédagogiques
La formation doit être dotée de moyens spécifiques pour atteindre les objectifs.
Le premier point est de déterminer le cadre temporel de la formation. Il me semble nécessaire de s’affranchir du cadre de la formation d’une journée (voire deux). Il faudrait s’orienter vers la notion de cycles continués c’est-à-dire des formations trimestrielles, semestrielles ou annuelles. C’est sur cette base temporelle revisitée qu’il faut orienter la formation.
Le second point est d’oser modifier le cadre spatial. Il serait peut être intéressant d’imaginer des formations hybrides avec des temps de présentiels pour lancer la formation, assoir les fondamentaux (j’image assez aisément l’intervention des profs des facs), fixer les objectifs et déterminer les rendus. Il me paraît indispensable que les tenants et les aboutissants de la formation soit spécifiés clairement. Il ne nous viendrait pas à l’idée d’engager un cours sans en expliquer les tenants et les aboutissants à nos élèves et étudiants, donc …
Le troisième point est que la détermination du cadre spatial doit amener très logiquement à envisager le temps de travail en dehors de l’institution scolaire et à l’inclure dans les temps de travail. Cela revient à dire que l’espace numérique est réellement considéré comme un espace pertinent de formation.
Le quatrième point est de déréférencer la formation de l’obligation de simple présence à une journée pour s’orienter vers un objectif de production pédagogique négocié (on conserve donc le principe de liberté pédagogique). Les espaces numériques sont des espaces qui permettent d’intégrer le travail en réseau collaboratif, une façon de donner réellement la parole aux enseignants et des les impliquer réellement dans la formation.
Voici la façon dont j’imagine la (ma) formation continue. Mes propos peuvent ne pas susciter l’adhésion, c’est le lieu pour vous exprimer que vous soyez enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs, chercheurs, décideurs. C’est l’occasion de mettre en application les discours théoriques sur les possibles du collaboratif.
À vos claviers …