PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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L’INVITÉE

Marie Choquel

Jeune retraitée, Marie Choquet a longtemps travaillé comme directrice de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) où elle a mené de nombreuses études sur la jeunesse. Quel est le champ de vos recherches?

Mes travaux sont consacrés aux jeunes âgés de 10 à 20ans, les «  teenagers». J’ai étudié deux types de population: les jeunes de la population générale et les jeunes en difficulté sociale ou psychologique (jeunes suicidants, jeunes de la protection judiciaire de la jeunesse). Au début, on disposait de peu d’éléments concernant la population générale et mon travail a consisté à reconstituer un puzzle pour aboutir à des résultats représentatifs de toute la population. Cela m’a amenée à des conclusions parfois inattendues. On constate, par exemple, que les jeunes qui font des tentatives de suicide n’appartiennent pas à un milieu social plutôt qu’à un autre, leur niveau scolaire est moyen, voire élevé. Ce qui les caractérise, ce sont des difficultés psychologiques et relationnelles souvent anciennes qui n’ont pas été détectées assez tôt. On n’a pas fait assez attention aux problèmes de sommeil, d’appétit ou de consommation de substances (tabac,alcool, cannabis) et on ne prend conscience de leurs difficultés qu’au moment de l’hospitalisation.

Vos études font-elles apparaître une peur des jeunes?

Elle apparaît de différentes manières. J’ai été époustouflée de constater que les jeunes sont beaucoup plus souvent victimes de violence que les adultes. 11 %, en particulier des filles, en connaissent à l’intérieur même de leur famille. Dans notre société, les jeunes sont les premières victimes des violences. On voit aussi que lorsqu’on parle des jeunes, c’est le plus souvent en termes négatifs, alors que la grande majorité d’entre eux se porte bien. Il est aussi frappant que le taux de chômage les concernant soit excessivement élevé, alors que leur niveau d’études a progressé. Ils subissent un véritable ostracisme. Leur âge est celui où on se construit, où on devrait avoir le droit de faire des erreurs et la répression à leur égard est parfois pire que pour les adultes. Un jeune malade par exemple ne bénéficie pas d’une véritable protection scolaire, rien n’est prévu pour les problèmes de dépression, ou pour les tentatives de suicide. Les jeunes dans ces situations sont souvent mis sur des voies de garage, compromettant ainsi leur avenir social, professionnel et personnel. Ils payent très cher des troubles souvent transitoires. Ainsi, leur vie peut en être transformée de fond en comble, tandis que des adultes qui rencontrent ces difficultés peuvent s’en sortir plus aisément. Quand il y a un problème de conduites violentes, on veut intervenir de façon répressive trop tôt et trop fort. Il faut punir, certes, pour donner des limites, mais la punition doit être compatible avec une vie normale d’adolescents dont on sait qu’en moyenne ils vont vivre jusqu’à plus de 80 ans! On assiste à une lente progression d’une société sécuritaire qui propose la sanction comme unique solution aux problèmes, en minorant l’apport éducatif…

Quels sont les principaux problèmes de santé auxquels sont exposés les adolescents?

Pour les garçons, les principaux risques sont la violence et la consommation d’alcool et de cannabis. Chez les filles, ils concernent la santé mentale, mais aussi les violences sexuelles subies et les malaises liés au corps. Elles sont plus oubliées que les garçons car les problèmes masculins dérangent davantage la société. On considère que les problèmes de dépression sont de l’ordre de l’intime, que chacun, finalement, doit pouvoir se débrouiller tout seul. Quand les garçons présentent des troubles traditionnellement plus féminins, (troubles alimentaires, tentatives de suicide). le contexte a un caractère de grande gravité. Il en est de même pour les filles qui adoptent des comportements masculins (consommation d’alcool, conduites violentes). Ces dernières années, la hausse la plus importante concerne le cumul des conduites à risque qui est passée de 10 % des jeunes en 1993 à 15 % dix ans plus tard. Quand les troubles s’installent petit à petit, et qu’ils se cumulent dans le temps, c’est qu’on n’est pas intervenu efficacement avant. En intervenant dès que les premiers troubles apparaissent, on pourrait apporter des solutions. Le rôle de la santé scolaire est primordial, en particulier au collège. Entre douze et quinze ans, les jeunes perdent leurs repères psychologiques et médicaux, ils quittent le pédiatre, ils sont dans une situation instable. Des moyens plus importants au collège pourraient les aider à franchir ce cap. Or, les collégiens sont un peu les oubliés de la santé scolaire.

Quels sont pour vous les tabous de la jeunesse?

Le tabou, c’est qu’on oublie trop souvent que les jeunes peuvent être des victimes, au niveau social, dans la famille, dans leur entourage adulte ou entre pairs. La première explication de la violence par exemple, c’est le fait de l’avoir subie. On estime qu’ils ne sont qu’acteurs, comme s’il s’agissait toujours d’un libre choix. Et comme on ne veut pas considérer que le jeune peut être une victime, on le rend responsable à part entière de tous ses actes et on le met dans une situation beaucoup plus répressive qu’on le devrait. En ce qui concerne les troubles psychologiques,on estime que cela ne peut se résoudre qu’en famille alors qu’une prise en charge est possible par l’ensemble des acteurs. L’École, d’un point de vue cognitif, est un lieu de réussite, on assiste à une hausse de qualification de générations entières, mais force est de constater qu’elle est beaucoup moins efficace pour le bien-être psychologique et social.

Depuis le début de vos recherches, quels progrès avez-vous constaté?

Les parents sont plus à l’écoute des adolescents qu’avant (peut-être trop ?). ils discutent davantage, les jeunes ont plus le droit à la parole qu’autrefois. C’est ce qui fait qu’ils vont bien dans l’ensemble. Mais quand ils connaissent des difficultés dans la famille, l’école n’apporte pas de compensation. Quand les parents ont des problèmes et qu’un jeune va mal, le système social et éducatif peine à le rattraper…

Propos recueillis par François Salaün

 

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