PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Observatoire des inégalités :

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En apparence, les jeunes d’origine immigrée réussissent moins bien que les autres à l’école. Mais si l’on tient compte de leur milieu social, c’est tout l’inverse…

Entre 50 et 55 % des enfants dont la famille est originaire du Maghreb, d’Afrique sub-saharienne ou du Portugal obtiennent le bac, contre 64,2 % pour les enfants de famille non-immigrée, selon les données du ministère de l’éducation [1]. Le taux est de 33 % pour les enfants originaires de Turquie, mais de 66,8 % pour ceux dont la famille vient d’Asie du Sud-Est.

Taux de bacheliers selon l’origine
Unité : %
   
Origine de la famille  
Non immigrée 64,2
Immigrée du Maghreb 50,8
Immigrée d’Afrique sub-saharienne 55,0
Immigrée du Portugal 51,3
Immigrée de Turquie 32,9
Immigrée d’Asie du Sud-Est 66,8
 
Ensemble 62,8
Elèves du panel 1995.
Source : Ministère de l’éducation

Ces données sont trompeuses car les enfants d’origine immigrée sont, en moyenne, issus de milieux beaucoup moins qualifiés. Or, pour l’ensemble de la population, le taux de bacheliers parmi les enfants dont la mère n’a aucun diplôme est de 40 %, contre 90 % pour celles dont la mère est diplômée de l’enseignement supérieur. Bref : on compare des populations qui ne peuvent pas l’être.

Taux de bacheliers selon le diplôme de la mère
Unité : %
   
Diplôme  
Aucun 42,7
Certificat d’études 50,1
BEP 66,4
CAP 60,6
BEPC 70,7
Bac 81,0
Supérieur 90,2
 
Ensemble 62,8
Elèves du panel 1995.
Source : Ministère de l’éducation

Si on ne considère que les enfants dont aucun des parents n’a le bac, les écarts sont quasiment nuls entre immigrés et non-immigrés pour l’obtention du bac général ou technologique. Sauf pour deux types de populations : les enfants dont la famille est d’origine turque, qui réussissent moins bien que la moyenne, et ceux d’origine d’Asie du Sud-Est, qui réussissent mieux.

Taux de bacheliers généraux et technologiques parmi les enfants dont aucun des parents n’a le baccalauréat
Unité : %
   
Origine de la famille  
Non immigrée 37,0
Immigrée du Maghreb 37,0
Immigrée d’Afrique sub-saharienne 35,0
Immigrée du Portugal 38,0
Immigrée de Turquie 22,0
Immigrée d’Asie du Sud-Est 42,0
 
Ensemble 37,0
Elèves du panel 1995.
Source : Ministère de l’éducation

Pour aller encore plus loin dans l’analyse, il faut construire des "modèles" plus complexes. L’exercice consiste à déterminer la probabilité de réussite pour des populations comparables : à catégorie sociale, niveau de diplôme des parents ou composition familiale équivalents. "Toutes choses égales par ailleurs", comme disent les statisticiens. On prend comme référence les enfants dont la famille est d’origine non-immigrée, et on observe ce qui se passe pour les autres enfants. Si le coefficient est supérieur à 0, alors, les enfants d’une catégorie donnée ont tendance à mieux réussir "toutes choses égales par ailleurs" que les enfants de parents non-immigrés. C’est justement le cas : hormis pour les enfants d’origine turque où les résultats ne sont pas significatifs (l’écart est trop faible), les enfants d’origine immigrée réussissent toujours mieux ! Les enfants d’origine maghrébine ou asiatique ont la probabilité la plus forte de réussite.

Indice de réussite : probabilité d’avoir le bac général et technologique
   
Origine de la famille  
Non immigrée Référence
Immigrée du Maghreb 0,93
Immigrée d’Afrique sub-saharienne 0,71
Immigrée du Portugal 0,43
Immigrée de Turquie non signif.
Immigrée d’Asie du Sud-Est 1,08
* Si l’on raisonne à composition par sexe, par catégorie sociale, par niveau de diplôme des parents et par structure familiale équivalents.
Source : Ministère de l’éducation, élèves du panel 1995

Au total, les enfants d’immigrés ont de moins bons résultats scolaires, non parce qu’ils sont immigrés, mais parce que leurs parents appartiennent à des milieux sociaux défavorisés. A milieu équivalent, ils sont même plutôt meilleurs. Comment expliquer ce phénomène ? Selon une étude du ministère de l’Education, les aspirations scolaires des enfants d’immigrés et de leurs parents sont plus fortes. Pour deux grands types de raisons : ceux qui émigrent ont souvent un projet d’ascension sociale, pour eux comme pour leurs enfants ; ils n’ont pas ou peu été scolarisés et ils n’ont donc pas été mis en échec par le système éducatif, contrairement aux parents peu qualifiés qui ne sont pas d’origine immigrée. "Ils se positionnent donc de manière plus positive par rapport au système éducatif français", concluent les chercheurs.

L’une des raisons mise en avant pour refuser d’entrouvrir les frontières aux personnes venues de l’étranger est leur difficulté à s’intégrer en France. Les difficultés rencontrées par les immigrés à l’école et par la suite dans le monde du travail sont réelles. Sauf qu’elles n’ont pas grand chose à voir avec une question d’intégration, d’apprentissage de la langue ou autre. Les immigrés rencontrent les mêmes difficultés que les catégories modestes en général, en particulier une école taillée sur mesure pour les milieux favorisés. Renvoyer la responsabilité de l’échec scolaire ou du chômage sur les migrants n’est pas récent et, dans l’histoire de notre pays, se répète à chaque crise [2]. C’est une façon de déterminer des boucs-émissaires, mais aussi d’éviter de s’attaquer aux causes profondes des difficultés de ces couches sociales, de l’école au marché du travail.

Pour en savoir plus :

- "Les bacheliers du panel 1995 : évolution et analyse des parcours", Note d’information n°10.13, ministère de l’éducation, septembre 2010.

- "Les bacheliers de "première génération" : des trajectoires scolaires et des parcours dans l’enseignement supérieur "bridés" par de moindres ambitions", Jean-Paule Caille et Sylvie Lemaire, France Portrait social 2009, Insee, novembre 2009.

photo / © picsfive – Fotolia.com

 

[1] Données tirées du suivi d’une génération d’élèves entrés en sixième en 1995, qui a donc passé son bac autour de 2002.

[2] De même qu’à l’inverse l’optimisme béat sur cette question quand l’économie va mieux.

 

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