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Penser et vivre l’interculturel
Prélude :Une semaine avec mon quotidien
Introduction 1 : Une mentalité interculturelle
Introduction 2 : Balises interculturelles
Interlude
Première partie: Voyager dans le temps et l’espace
Chapitre 1 : Les origines du mouvement interculturel.
L’expérience en France
La tradition contestée
Comprendre la spécificité française
L’évolution des esprits
L’aspiration interculturelle
Quelques expériences multiculturalistes
La Grande-Bretagne
Les Pays-Bas
Les États-Unis
Le Canada
D’autres exemples de multiculturalisme
Un modèle critiquable .
Chapitre 2 : Un nouveau contexte
Effets de la globalisation
Le fait interculturel
Réactions diverses
L’autochtonie
Un refus de la peur
La pression de la modernité
L’éclatement de la société
Minorités et étrangers
Un appel d’air: vers l’interculturel… :
Deuxième partie: Les bases théoriques de l’interculturel….
Chapitre 3: Le chantier des notions
Chapitre 4 : Culture
Quelle conception de la culture ?
La culture évolutive et l’acculturation
La multiplicité des appartenances culturelles
La culture désacralisée
Culture et religion :
La déculturation
Les usages de la culture
Usage interne
Usage externe
Chapitre 5 : Civilisation
De la civilisation à la culture et vice versa
L’ évolution des civilisations
Vivre avec les différences
Chapitre 6 : Identité
De l’identité collective à l’identité personnelle
Rôle ambivalent de l’identité collective
Rôle de l’identité personnelle
Chapitre 7: La communauté
Mutations
L’héritage notionnel
Le besoin de communauté
Les communautés et les États
La réticence française
Le parti pris favorable des pays multiculturalistes
Mythes et réalités communautaires
Ambiguïtés communautaires
Caractéristiques de la société interculturelle
Interlude: Expériences musicales
Troisième partie: Vers une description de l’interculturel
Chapitre 8 : Qu’est-ce que l’interculturel ?
Inter, interculturalité et interculturel..
Information et connaissance
Communication
Négociation
Engagement
L’être relationnel
L’être autonome
Chapitre 9 : L’épreuve du changement..
Une vision du monde perturbée
L’ordre social menacé
Les dangers du « tout se vaut» et de la perte d’identité
L’étranger qui perturbe ,
Remèdes et sources de changement..
Chapitre 10 : L’interculturel est réaliste, possible, désirable
L’interculturel est raisonnable et réaliste
L’interculturel est désirable
Respect et tolérance
La différence et 1’indifférence
L’exotisme
L’interculturel"est possible
L’interculturel est exigeant
Interlude: Je me tisse
Quatrième partie: Quelques applications
Chapitre 11 : Pour ou contre le métissage?
Le métissage est de tous les temps
Résistances au métissage
La réhabilitation du métissage
Pour un métissage critique
Chapitre 12 : L’interculturel et les discriminations
Discriminations directes et indirectes
Etudier les discriminations
L’ambiguïté des catégories
Les effets pervers des catégories
Le choix des enquêtés
Effets de la « discrimination positive»
L’interculturel est préventif
Chapitre 13 : Pédagogie de l’interculturel
Une prise de conscience progressive
Apprendre à relativiser.
Un projet centré autour de l’autonomie
Le choix pour 1’hétérogène
Le réflexe interculturel
Apprendre à négocier
Conclusion :
Un discours politique déconnecté du réel
L’interculturel est normal.
L’interaction humaine est factuelle et volontariste
Pas d’interculture1 sans motivation éthique
Pourquoi la préférence pour l’adjectif?
L’exploration continue
Bibliographie
Identité
Il existe une parenté étroite entre la culture et l’identité. C’est pourquoi la mise à jour de la notion d’identité suit la même voie que celle qui a sorti la notion de culture de ses ornières. À la culture dynamique correspond l’identité évolutive, à la culture multiple correspond une identité composite, à la culture sacralisée correspond l’identité impure. La modernité a amené un revirement total: aujourd’hui l’identité exprime une singularité, une non ressemblance à l’autre, alors qu’autrefois l’identité exprimait la conformité avec la culture de la communauté, son appartenance, héritée et non construite individuellement. Les façons renouvelées d’envisager l’identité transparaissent ainsi dans le renouvellement des rapports qu’entretiennent les sujets modernes avec leurs communautés. Il n’est pas inutile d’ouvrir une perspective interculturelle dans le traitement de l’identité, d’autant plus que cette notion est utilisée pour galvaniser les esprits simples qui se raccrochent à un passé imaginaire pour créer une fausse communauté par l’exclusion des "autres".
La notion d’identité est assez récente dans son acception moderne, parce qu’elle survient avec le processus d’individualisation par les registres de l’état civil et l’intégration individuelle dans un État qui connaît seulement
des citoyens/individus 123. Dans la prémodernité, les identités existaient (pensons-nous aujourd’hui) sur le mode des relations villageoises: les statuts et les rôles de chacun s’emboîtaient dans un ordre familial et social et les individus pouvaient, celtes, se poser des questions sur cet ordre, mais il n’était pas question de crise d’identité: les valeurs étaient sûres, les repères sociaux solides, l’autorité de droit divin, la place dans la société assurée. Le villageois moyen n’avait pas de raison de se poser la question « Qui suis-je? ». En outre, les effets du nationalisme du XIXe siècle après ceux de la Révolution, avaient pour longtemps ancré dans les esprits que notre identité, c’était notre identité nationale. C’est quand les villageois partent en ville et que les institutions de la nation ne fournissent plus d’identité bien définissable que la notion de crise d’identité se popularise. Jean-Claude Kaufmann, au bout d’une passionnante recherche conclut non seulement que « leconcept d’identité doit être historiquement contextualisé avec précision », mais il va jusqu’à affirmer que « l’appliquer à des sociétés anciennes est souvent un contresens ; la quête identitaire est intrinsèquement liée à la modernité. Elle ne s’impose d’ailleurs véritablement que dans la période contemporaine, avec la généralisation de l’invention de soi individuelle ».Selon Kaufmann, « Apparu d’abord dans les marges de la société (tout en étant impulsé par la machine étatique), il s’imposa comme nouveau centre régulant la construction sociale de la réalité dans la seconde moitié du xxe siècle» .
C’est dans ce contexte qu’Erikson publie deux ouvrages qui deviennent pour plusieurs décennies la référence en la matière 126.Les lecteurs en retiennent surtout que la crise est un phénomène lié à l’immaturité propre à l’adolescence, période pendant laquelle l’identité se cherche, pour finir par se stabiliser à l’âge adulte. Ainsi les nostalgiques de l’identité stable retrouvent leur certitude tout en reconnaissant l’existence de crises. L’ouvrage d’Erikson, lu rapidement par un large public répond à un besoin historique plus ou moins conscient. « Ce qui émergeait aussi soudainement était dominé non par les préoccupations intellectuelles d’un programme de recherche mais par des aspirations sociales qui imposaient leur forme aux questions posées ».
Ce n’est pas pour rien que de nombreux intellectuels en France ont critiqué la création d’un ministère de l’identité nationale qui repose sur des présupposés idéologiques d’un autre temps. L’identité n’est plus une substance aux contours et au contenu bien définissables, mais un ressort qui construit un individu ou une communauté à la frontière du passé et de l’avenir. Comme pour la culture, une conception opératoire de l’identité doit à la fois inclure la référence à la mondialisation et à l’affirmation de la singularité.