In Alternance TICTAC : au temps des apprentis numériques… – le 6 mai 2013 :
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Comme beaucoup d’internautes, j’ai été charmé à l’époque par le discours de Michel Serres qui nous dévoilait sa vision des jeunes d’aujourd’hui à travers son image de la "petite poucette tenant maintenant en main le monde". Nous sommes d’ailleurs tous témoins de l’incroyable dextérité et de l’appétit de nos petits derniers à chercher du bout du doigt le tactile ici ou là…
C’est donc avec ce même appétit de découverte et d’innovation que j’ai parcouru les territoires numériques cet hiver, sur le web et "IRL" (In Real Life), à l’occasion de salons et autres séminaires… Au final, beaucoup d’outils et peu de pratiques réellement innovantes dans mon escarcelle…
Comment donc accompagner les "petites poucettes" sur ces nouveaux territoires numériques ? Comment être certain qu’elle tire le bénéfice maximum de ses nouvelles compétences au cours de sa scolarité ? Question de formation des enseignants, ou de simple information des outils disponibles et des nouvelles méthodes pédagogiques qu’ils rendent possibles ? Question d’auto-censure ou de peur de l’inconnu ? Toujours est-il que le seul consensus que j’ai trouvé s’est situé autour des ENT des collèges et des lycées. Pauvre "Petite poucette"…
Contrôle administratif poussé à l’extrême des uns et des autres, usine à gaz de cases plus ou moins bien remplies par les équipes, motif supplémentaire de pression hiérarchique, support d’enquêtes inutiles du style : "combien d’élèves se sont connectés entre minuit et une heure du matin ?". On affiche également du côté des fans de cet outil, le rapport facilité avec la famille… à travers par exemple des envois de SMS (très convivial!) et surtout la consultation des notes à distance (très pédagogique!).
L’une des dernières briques de cet assemblage discutable est le cahier de texte numérique, qui permet notamment aux jeunes absentéistes de connaitre le contenu des cours et d’éventuellement les récupérer. Même plus besoin de venir à l’école pour échanger avec ses enseignants ou de s’organiser avec ses camarades pour chercher ses cours : c’est quand même pratique (!). Bref, ces ENT sont d’abord construits pour faciliter le travail administratif et n’ont pas grand-chose d’innovant, ni de pédagogique : attention donc aux ENT qui affichent des prétentions pseudo-pédagogiques ! Nous sommes encore très loin des EAP (espaces personnels d’apprentissage), ouverts et personnalisables, à la façon d’une page blanche que l’on aménage et sur laquelle on apprend à écrire… Le vrai travail de l’enseignant ne se situe-t-il pourtant pas là concernant la pédagogie numérique ? Accompagner les jeunes dans la construction de leur savoir au contact des outils numériques, les habituer à sélectionner les bons outils en fonction des besoins, à discriminer et à classer les informations, échanger avec eux autour des pratiques des uns et des autres : voilà les véritables enjeux d’une approche socio-constructiviste de l’apprentissage numérique…
Attention aux solutions uniques, et aux outils hégémoniques qui déshumanisent encore l’école. Si le numérique est à ce prix, mieux vaut s’abstenir et attendre des temps meilleurs…