In Les Cahiers Pédagogiques – le 8 juin 2013 :
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Du 5 au 8 juin s’est déroulé à Tours un congrès fort attendu : celui de la FNAREN, fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale, organisé par les AREN d’Indre-et-Loire et Loir-et-Cher. Dans un contexte fragilisé, le congrès voulait préparer l’avenir et reconstruiert ce qui avait été détruit.
Entretien avec Maryse Charmet, présidente de la FNAREN, par Dominique Seghetchian.
Pouvez-vous nous présenter l’association que vous présidez ?
La FNAREN a été créée en 1984. Elle compte 82 associations départementales. Sur 1600 rééducateurs encore en poste, elle compte 1025 adhérents, effectif stable ces deux dernières années, malgré la diminution de moitié du nombre de professionnels dans les cinq dernières années, signe de notre mobilisation. Le congrès est un moment important de formation.
Vous évoquez la profession de "rééducateur". Pour moi qui travaille en collège, l’aide s’incarne dans des "RASED", quelle place et quelle spécialité pour les rééducateurs ?
Un "RASED complet" associe un psychologue scolaire, d’un enseignant spécialisé dans l’aide pédagogique ("maitre E", ou maitre d’adaptation), et un rééducateur ("maitre G"). Les maitres d’adaptation prennent en charge des enfants qui sont déjà des élèves mais rencontrent des difficultés de compréhension, de mémoire, d’organisation. Les aides rééducatives concernent des enfants qui ne sont pas disponibles pour les apprentissages, ils peuvent être inhibés, agités. Le but est de leur permettre de s’autoriser à apprendre. Les rééducateurs travaillent avec des médiations comme les jeux, les récits, la créativité.
Nous sommes nombreux à nous être mobilisés face aux attaques de l’ancien gouvernement contre les RASED. A l’issue de cette première année de refondation, êtes-vous optimistes ?
L’an passé notre congrès était sous le signe de l’espoir ; lors des consultations de l’été, nous avons pu participer aux ateliers de la refondation. Les échanges ont été riches et la réflexion nourrie. Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus inquiets après une année de silence sur l’avenir des RASED. Nous avons entendu que nos missions vont évoluer mais aucun travail et aucune communication effectifs n’ont eu lieu.
Pouvez-vous préciser vos craintes ?
A la dernière rentrée, un budget d’urgence a accordé 1000 postes pour le primaire dont 97 seulement pour les rééducateurs. La rentrée prochaine ne prévoit que 72 créations ! Le budget de la rénovation laisse peu de place à la prise en charge de la difficulté et, pour mesurer ce que cela signifie, il suffit de dire que 5000 postes RASED supprimés, c’est 250 000 enfants sans accès à l’aide spécialisée.
D’autres craintes naissent des dérives constatées au niveau des départements : certains DASEN ont décidé des départs en formation spécialisée mais d’autres, comme ceux des Bouches-du-Rhône ou de Seine-et-Marne se livrent à une éradication, les rééducateurs y deviennent "référents troubles du comportement". C’est pourquoi nous demandons un cadrage national.
Enfin, sans formation des enseignants sur le développement, la socialisation, le poids des exigences cognitives continuera à ruiner les espoirs d’une école accueillante aux plus fragiles.
Ne reste-t-il aucun espoir ?
Nous avons été consultés par l’Inspection Générale qui va remettre le 15 juin un rapport sur le traitement de la grande difficulté. Nous espérons que la réflexion à suivre sur les nouvelles missions des RASED associera les associations professionnelles et les parents. Pas de refondation réussie sans les acteurs de terrain.
Fin mai a eu lieu la Journée de la réussite éducative. Une des tensions qui s’est manifestée concerne, me semble-t-il, l’opposition entre réussite éducative et scolaire, comment vous situez-vous ?
Avec la FNAME et la FCPE nous avons écrit un texte : "Pour une école bienveillante et prévenante". On oublie trop souvent, et de plus en plus, la violence institutionnelle. De plus en plus d’enfants vivent dans un univers à mille lieues de l’univers scolaire et c’est à eux qu’on demande de s’adapter ! C’est aussi un des enjeux de la formation. Être parent d’élève peut aussi être un parcours du combattant. Nous avons la possibilité de jouer le rôle de tiers entre école, enfants, familles. L’école que l’on veut doit prendre en compte l’humain, ses fragilités, son inscription dans le temps.
Les professionnels de votre fédération interviennent dans le primaire, pourtant la difficulté scolaire ne s’arrête pas là…
Notre comité scientifique a publié une charte, Pour une école humaniste qui propose des pôles d’aide au bienêtre et à la réussite de l’enfant scolarisé dont l’action se poursuivrait jusqu’à 16 ans.
Propos recueillis par Dominique Seghetchian