PARIS : La réforme des rythmes scolaires sera appliquée à la rentrée 2013 ou 2014 selon les villes.
Après l’annonce par plusieurs grandes villes de gauche (Lyon, Montpellier et Lille) d’un report de l’application de la réforme des rythmes scolaires à 2014, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a reçu une première bonne nouvelle, lundi 18 mars : Paris appliquera son ambitieuse réforme dès cette année.
La réforme des rythmes scolaires s’appliquera à la rentrée 2013 dans la capitale, a annoncé le maire de Paris, Bertrand Delanoë, après avoir obtenu l’accord des Verts sur ce calendrier. Un vœu en ce sens devrait être adopté à la majorité des membres du Conseil de Paris lundi prochain, malgré l’opposition des élus de l’UMP, de l’UDI et du Front de gauche.
137 000 ENFANTS CONCERNÉS
"Il y a 137 000 enfants parisiens concernés. Or il y a unanimité sur un point, la semaine de quatre jours n’est pas bonne pour eux, pour leur santé (…) au bout de trois mois de travail de concertation, d’amélioration, d’enrichissement, je dis ‘ce progrès souhaitable et souhaité est possible dès septembre prochain’", a déclaré le maire. L’édile est confronté depuis plusieurs mois à une fronde sans précédent des enseignants contre le retour à la semaine de quatre jours et demi à l’école primaire.
Eclairage : Rythmes scolaires : tout comprendre de la réforme
Aux termes de la concertation, la ville prévoit "que des activités périscolaires soient organisées les mardi et vendredi de 15 heures à 16 h 30 (…), la demi-journée supplémentaire de classe ayant lieu le mercredi matin", selon le vœu qui sera soumis aux élus le 25 mars.
"SANS AUGMENTATION D’IMPÔTS EN 2014"
Les Verts, en position d’arbitre dans le dossier, ont obtenu satisfaction sur plusieurs points, notamment sur l’embauche d’ASEM (agents spécialisés des écoles maternelles) ou le rétablissement des crédits pour les classes découvertes à leur niveau de 2011.
Comme Bertrand Delanoë l’avait déjà promis, la Ville s’engage à embaucher et titulariser le personnel nécessaire pour mener à bien la réforme. 450 agents contractuels seront ainsi titularisés, 80 animateurs supplémentaires seront recrutés par concours dès 2013. 750 postes seront aussi créés, en sus des 250 déjà prévus, pour "déprécariser" les personnels vacataires des directions des affaires scolaires, culturelles et de la jeunesse et des sports.
Contrairement au souhait des Verts, le vœu ne comporte pas de prévisions budgétaires. "A ce stade, le coût ne peut être qu’estimatif", a-t-on dit dans l’entourage du maire de Paris. Le budget de la réforme devrait s’élever à "40 à 50 millions d’euros" en année pleine, selon cette source. La réforme sera financée "sans augmentation d’impôts en 2014", a affirmé M. Delanoë.
LILLE
La ville de Lille (PS) appliquera la réforme des rythmes scolaires en 2014, en demandant une dérogation pour ouvrir ses écoles le samedi matin, au lieu du mercredi matin. « Nous voulons profiter de ce réaménagement pour relancer, consolider, renforcer notre projet éducatif global », affirme lundi 18 mars 2013 Martine Aubry, maire de Lille, lors d’une conférence de presse. « Nous vivons dans un pays bizarre où le passage en 2013 ou 2014 est présenté comme un enjeu politique : j’étais encore ce matin au téléphone avec Vincent Peillon [ministre de l’Éducation nationale] et je peux vous dire qu’il n’y a aucune difficulté », ajoute-t-elle. Plusieurs options seront prises ce lundi soir par le conseil municipal : la ville ne veut pas allonger la pause méridienne au-delà de deux heures et envisage de regrouper l’ensemble des activités périscolaires sur une après-midi dans la semaine, au lieu de les proposer chaque jour après l’école. « Cela n’a pas beaucoup de sens de mettre trois quart d’heure de périscolaire le soir : mieux vaut utiliser ce temps pour accompagner les enfants qui ont des difficultés ou proposer des études surveillées et mettre en place d’autres apprentissages sur un temps plus long », estime Martine Aubry.
La ville de Lille compte ainsi proposer au Dasen du Nord un emploi du temps comportant huit demi-journées d’enseignement (avec des matinées allongées) et une demi-journée d’activités périscolaires pour 2014. Or, le décret publié le 26 janvier dernier ne le permet pas, car il prévoit de répartir neuf demi-journées d’enseignement par semaine. « Nous allons travailler à la rédaction d’un amendement qui sera déposé au Sénat [pendant l’examen du projet de loi sur la refondation de l’école] », indique Martine Aubry, répondant à une question d’AEF à ce sujet. « Le ministre est au clair sur ce que nous voulons faire et il m’a dit que c’était une très belle idée », ajoute-t-elle, évoquant aussi la possibilité d’un assouplissement des possibilités de dérogations. Le 15 mars, un amendement a été déposé par Sandrine Mazetier (députée PS de Paris) à l’Assemblée nationale pour modifier le cadre posé par le décret. Vincent Peillon l’a rejeté, estimant que certaines communes pourraient choisir de libérer le vendredi après-midi. « L’avis du gouvernement est que nous ne pouvons pas ouvrir cette possibilité qui donnerait des week-ends de deux jours et demi », explique le ministre.
« REMETTRE L’ÉCOLE LE MERCREDI MATIN AURAIT COÛTÉ MOINS CHER »
« Remettre l’école le mercredi matin et ajouter la cantine le midi aurait un coût de 1,2 million d’euros : ce serait beaucoup moins cher et beaucoup plus simple que ce que nous voulons faire », souligne Martine Aubry. Son projet ne donne pas encore lieu à un chiffrage public. « Ce ne serait pas raisonnable de donner un chiffre précis pour le moment », affirme-t-elle, remarquant qu’il reste beaucoup de travail pour établir une organisation.
Lille va s’appuyer sur son projet éducatif global (financé à hauteur d’un million d’euros, pour mener à bien la réforme. « Nous avons déjà déployé depuis 2005 un plan lecture, un plan musique, des actions pour le développement durable ou encore, à titre expérimental, des cours d’anglais dans cinq écoles le samedi matin », décrit Martine Aubry. « Ce PEG a été mis à mal par le passage à la semaine de 4 jours, qui a été une catastrophe pour les enfants en difficulté », ajoute-t-elle, pour expliquer son soutien à la réforme menée par Vincent Peillon.
En 2009 déjà, la mairie de Lille avait organisé une concertation avec les enseignants et les parents d’élèves pour revenir à une semaine de 4,5 jours mais avait fini par renoncer Nous avons fait face à une bronca générale », reconnaît aujourd’hui Martine Aubry. Depuis un mois, plusieurs réunions ont été organisées avec les syndicats enseignants, les directeurs d’écoles, les représentants des parents d’élèves et les associations qui interviennent sur le temps périscolaire, dans un climat que plusieurs participants décrivent comme apaisé.
LE CHOIX DU SAMEDI MATIN
« Choisir entre le mercredi et le samedi matin n’est pas une décision facile à prendre », reconnaît la maire de Lille. « Chacun a tendance – ce qui est normal – à répondre en fonction de son organisation de vie. Mais les arguments essentiels du choix du samedi matin sont avant tout biologiques et pédagogiques : travailler le samedi matin permet de garantir une continuité de la semaine, en évitant aux enfants une coupure trop longue le week-end, marqué souvent par des couchers plus tardifs », plaide-t-elle, se fondant notamment sur les travaux de la chronobiologiste Claire Leconte, présente lors de la conférence de presse. Autre argument en faveur de cette demi-journée : « Les contacts entre les enseignants et les parents sont plus faciles ».
« De plus, sur un plan pratique, cette solution permet de ne pas changer les organisations familiales qui se sont mises en place pour le mercredi : de nombreux parents ne pourraient pas venir chercher leurs enfants le mercredi avant ou après le repas du midi », observe Martine Aubry. « J’ajoute, en tant que maire, que l’école le mercredi viderait les équipements culturels et sportifs de la ville, ce qui ne constituerait pas une bonne utilisation de ses ressources ». Le choix du samedi matin a été défendu à Lille par la FCPE et la Peep lors de la concertation avec les représentants des parents d’élèves.
« ADAPTER LE PROJET ÉDUCATIF GLOBAL »
« Nous avons aussi décidé de ne pas allonger la pause méridienne car cela n’irait pas dans le sens de l’intérêt de l’enfant », explique Martine Aubry. « Cette pause ne doit pas durer plus de 2 heures : 45 minutes pour le repas et 1h15 de temps disponible pour la détente et le repos », préconise-t-elle. Un travail d’amélioration de cette pause méridienne est en cours à Lille, qui passe par une formation des animateurs : 8 000 enfants sont concernés (sur 12 000 enfants scolarisés). « Si l’on allonge la pause méridienne au-delà de deux heures, les enfants commencent à s’exciter. De plus, cela n’a pas de sens pour les enseignants d’attendre deux heures et demi ou plus avant de reprendre la classe », estime la maire de Lille.
« Nous allons lancer une concertation avec l’ensemble des écoles pour avoir d’ici la fin de l’année une idée précise de ce que nous allons faire, mais aussi du nombre d’éducateurs dont nous aurons besoin pour y parvenir », indique Martine Aubry. La ville de Lille veut en effet « adapter » son PEG à la réalité de chaque école, autour de quatre objectifs : « prolonger les acquisitions des savoirs de base réalisés en classe, autour du lire-écrire-compter », « sensibiliser tous les enfants aux nouvelles technologies et à l’anglais », « favoriser l’épanouissement des enfants par la culture, l’art, le sport » ainsi que promouvoir « l’apprentissage de la citoyenneté ». « Ce projet nécessitera des moyens importants mais est une priorité pour la majorité municipale », affirme Martine Aubry.