PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Vous Nous Ils – le 30 mai 2013 :

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Florence Robine, rec­trice de l’académie de Créteil, a coor­donné le der­nier numéro de la Revue inter­na­tio­nale d’éducation, qui porte sur les attentes éduca­tives des familles. Entretien.

Comment les attentes éduca­tives des familles ont-elles évolué ?

Elles se sont extrê­me­ment déve­lop­pées, dans les pays riches et dans les familles aisées comme dans les familles pauvres ou moyennes, pour­tant sou­vent consi­dé­rées comme peu inté­res­sées par l’éducation, et dans bon nombre de pays en déve­lop­pe­ment. Les familles ont bien com­pris les enjeux de l’éducation et s’impliquent pour la réus­site sco­laire de leurs enfants. En ZEP, par exemple, on voit se déve­lop­per des attentes éduca­tives très pré­cises, ambi­tieuses et volon­ta­ristes, en par­ti­cu­lier des parents issus des caté­go­ries socio­pro­fes­sion­nelles les plus défa­vo­ri­sées. La majo­rité des familles pauvres en France sont très impli­quées dans la réus­site sco­laire de leurs enfants, mais elles ne com­prennent pas for­cé­ment ce qui se passe à l’école. Elles ont des dif­fi­cul­tés à y trou­ver leur place, à com­mu­ni­quer avec les ensei­gnants et réciproquement.

Qu’est-ce que les parents attendent des enseignants ?

Les parents ont com­pris que la réus­site sociale passe par le diplôme et par des études de plus en plus longues. La pre­mière attente des parents, c’est que l’école – et donc les ensei­gnants – fasse réus­sir leurs enfants. Et c’est peut-être là qu’ils sont le plus déçus : les parents voient bien que l’école ne sait pas faire réus­sir tous les enfants. Le sys­tème fran­çais reste assez inéqui­table. L’école sait bien faire réus­sir les enfants qui se débrouillent tous seuls et moins bien les enfants qui ren­contrent de vraies dif­fi­cul­tés sco­laires. Nous but­tons sur ce pro­blème, qui est un enjeu majeur.

Loin du cli­ché des parents démis­sion­naires, vous iden­ti­fiez quatre caté­go­ries de parents : les « délé­ga­teurs », les « consom­ma­teurs », les « contrô­leurs » ou mons­ter parents et enfin les « bons » parents. Quelle est la ten­dance en France ?

Ces caté­go­ries se mêlent et se conjuguent. Tout parent est, à un moment donné, plus ou moins « délé­ga­teur » parce qu’il a confiance dans l’école, « consom­ma­teur » parce qu’il veut la réus­site de ses enfants avec ou sans les ensei­gnants – le tuto­rat extra­s­co­laire privé devient une éduca­tion paral­lèle – ou mons­ter parent parce qu’il est très exi­geant, intru­sif, voire agres­sif envers les ensei­gnants… Le pay­sage de la famille en France comme ailleurs est net­te­ment plus sub­til que la vision un peu sim­pliste des parents démis­sion­naires qu’ont sou­vent les ensei­gnants. Le parent soit-disant « démis­sion­naire » a en fait très envie que ses enfants réus­sissent, mais il ne com­prend plus ce que fait l’école. Il n’a plus confiance et il cherche d’autres moyens de réussite.

Comment redon­ner confiance aux parents ?

Entre les parents et les ensei­gnants, il y a une vraie crise de confiance mutuelle, parce que les condi­tions de tra­vail des ensei­gnants ne sont pas simples, qu’il y a des chocs cultu­rels impor­tants et que la pres­sion sur l’école est tel­le­ment forte que les ensei­gnants sentent ce poids sur leurs épaules. Les ensei­gnants sont très seuls. Les attentes des parents sont dif­fé­rentes de celles des ensei­gnants. Or, il n’existe pas d’espace – de lieu ou de moment – qui per­mette à ces attentes dif­fé­rentes de se ren­con­trer, de s’expliquer et de se com­prendre. Les réunions parents-enseignants sont une catas­trophe ! A l’école élémen­taire, on invite les parents à s’asseoir sur la petite chaise de leur enfant de manière tota­le­ment régres­sive : c’est une cari­ca­ture de dia­logue… Heureusement les choses évoluent, mais il manque un espace pour que les parents com­prennent que l’école leur appar­tient et que c’est l’endroit où ils peuvent se réunir, réflé­chir, échan­ger sur les pra­tiques péda­go­giques, sur les pro­jets dans les­quels leurs enfants peuvent s’investir, sur leur orien­ta­tion, leur ave­nir… Ces espaces de co-éducation res­tent à construire. Ce qui me paraît très impor­tant, c’est l’articulation des com­pé­tences, des exi­gences et des attentes, dans le res­pect de cha­cun : les parents n’ont pas le même rôle que les ensei­gnants ; ils ne doivent pas assu­mer les mêmes tâches. Il faut que les parents et les ensei­gnants apprennent à tra­vailler ensemble, recon­naissent les com­pé­tences et les res­pon­sa­bi­li­tés des uns comme des autres. Si les parents ne com­prennent pas les pra­tiques et les enjeux péda­go­giques, c’est égale­ment parce que l’école et la façon d’enseigner ont beau­coup changé.

Laurène Champalle

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