PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In le socle commun, promesse démocratique :

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Ce texte de Jean-Michel Zakhartchouk est une réponse au journal Libération qui a publié le 31 octobre 2012 un article sur le Livret Personnel de Compétences, en donnant la parole à quatre collègues.

Il est trop facile de se moquer du livret de compétences utilisé dans les écoles et collèges et qui va être « simplifié », comme le font les enseignants interrogés dans le numéro de mercredi 31 octobre de Libération, pages 14 et 15 « un livret de compétences qui perd des cases ». Oui, on peut toujours se gausser de telle formulation, en reprochant d’ailleurs aux compétences énoncées dans ce livret à la fois d’être trop générales et floues, et trop détaillées et relevant d’une « bureaucratisation du savoir ». Oui, on peut dénoncer l’ « usine à cases », une expression d’ailleurs due à quelques-uns dont je suis qui sont en réalité des défenseurs d’un vrai livret de suivi des compétences, fonctionnel et d’usage simple. Mais alors, on doit opérer une analyse critique rigoureuse des modes d’évaluation existants. Vraiment, on évaluerait mieux les progrès de l’élève avec un 8 ou un 12, ou à travers les sacro-saintes moyennes qui permettent à un 18 dans telle matière d’équilibrer un 2 par exemple en Français ?. La critique de la notation, qui date du début du XX° siècle a pointé son inefficacité, avec dans notre pays ses 40 échelons (si on compte les demi-points), où les critères sont bien plus flous et subjectifs que ce que prétendent ses défenseurs et qui s’accompagnent d’appréciations aussi sophistiquées que l’inénarrable « peut mieux faire ! »

Il est en revanche beaucoup moins facile de mettre en œuvre une évaluation qui aide les élèves à progresser, qui leur donne des indications sur là où ils en sont, une évaluation qui à la fois mette en confiance mais aussi soit plus exigeante, finalement, que la notation traditionnelle. Et au-delà de l’évaluation, il est moins facile de permettre aux élèves de se construire des compétences que de prétendre transmettre par une voie plus ou moins magistrale des connaissances, dont on voit bien qu’elles disparaissent très vite si on ne les mobilise pas, si on ne les utilise pas pour réaliser des tâches. On peut dire en fait que les compétences, ce sont les connaissances en action, ou encore que travailler sur des compétences, c’est prendre vraiment le savoir au sérieux. Il est très dommage que Libération, dans cette double page, ne donne pas la parole à des équipes qui dans telle école, dans tel collège, s’approprient ce travail, pas forcément avec cet outil technocratique qu’a été le livret, véritable sabotage en fait du socle commun, mais en se fabriquant des instruments adaptés, en adoptant une démarche sur le long terme, en reliant les savoirs entre eux et en leur donnant du sens. Je peux témoigner que ces équipes sont plus nombreuses qu’on ne le croit. La revue dont je suis un des rédacteurs Les Cahiers pédagogiques présentent régulièrement ce genre d’expériences, quitte à devoir bousculer l’excessive modestie des acteurs impliqués…1

Aujourd’hui, au XXI° siècle, de quelles compétences les futurs citoyens doivent-ils être armés ? Ne faut-il pas qu’ils sachent travailler en équipe, mener des recherches documentaires pertinentes, s’exprimer devant un groupe, rendre flexibles leurs manières de lire selon les contextes, faire preuve de persévérance dans un projet au long cours, argumenter ? L’école actuelle prépare très peu à tout cela et il n’est pas très sérieux de dire comme Mara Goyet que les élèves « font ça toute l’année » à propos de la capacité à mener un échange oral organisé.

Le ministre a réaffirmé sa volonté de bien mettre en place un socle commun « exigeant ». Les pédagogues qui, comme moi, dans leur classe, ont déjà largement devancé l’appel ne peuvent que l’approuver. Cela passe par un autre type d’outil de suivi, d’autres types d’évaluation. S’arc-bouter sur des postures défensives, faire semblant de croire que tout allait mieux avant, avant la « diabolique » introduction des compétences à l’école, est une impasse.

Enseignant, soucieux de justice et d’efficacité, plus que jamais je suis convaincu de l’inanité de ces oppositions idéologiques qui nous enferment dans de faux débats. Je ne suis pas contre la « culture du résultat » s’il s’agit du résultat à long terme et non des escroqueries de résultats immédiats trafiqués, chers aux ministères précédents. Pour tout cela, oui au socle commun de connaissances, de compétences et de culture

 

Jean-Michel Zakhartchouk, professeur en collège populaire et rédacteur aux Cahiers pédagogiques

auteur de Travail par compétences et socle commun (SCEREN et Cahiers pédagogiques)

1 Cahiers pédagogiques, n°491, « évaluer à l’heure des compétences », www.cahiers-pedagogiques.com

 

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Categories: 3.3 Compétences

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