In Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) – juin 2014 :
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Avant-propos
Avec la création du Conseil national d’évaluation du système scolaire le Cnesco c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour l’évaluation de l’école en France. Le modèle de l’éducation à la française est reconnu et il suffit de sortir de nos frontières pour se rendre compte, par exemple, que les lycées français à l’étranger font recette mais depuis deux décennies certaines de ses faiblesses se sont amplifiées, notamment notre école peine davantage à faire réussir les élèves des milieux les plus défavorisés socialement.
Cette panne de l’ascension sociale par l’éducation menace à terme la cohésion sociale dans un pays largement structuré socialement et économiquement autour et par l’école. La situation de l’école française pivot social de notre société mérite en conséquence une évaluation étayée scientifiquement, indépendante de tout parti pris.
Notre école mérite mieux que les discours actuels, souvent monolithiques qui évacuent toute la diversité et les richesses du système éducatif français dans une affirmation caricaturale d’une «crise de l’école française» généralisée, elle mérite mieux que notre trop fréquente auto-flagellation, si tragiquement française, elle mérite mieux que des thèses déclinistes et catastrophistes que traversent des postures idéologiques.
Il est important d’offrir aux parents et plus largement aux citoyens un bilan scientifiquement fondé des faiblesses mais aussi des forces de notre système éducatif, pour savoir d’où nous venons, à partir de quel héritage revendiqué notre société peut construire sa jeunesse et donc son futur.
Au-delà de l’instantané qui fait diagnostic, notre société doit et veut aussi comprendre quels sont les facteurs, les cercles vicieux, les erreurs, les oublis, les lâchetés, les négligences de politiques publiques qui ont conduit notre pays à ne plus progresser depuis deux décennies dans la voie de l’école républicaine, ce mythe mobilisateur qui avait soutenu les ardeurs des éducateurs, des familles, des élèves pendant des décennies. En effet, il y a encore trop de questions auxquelles nous ne pouvons paradoxalement pas apporter de réponses alors qu’elles nous taraudent collectivement depuis des années : pourquoi les inégalités sociales dans l’école se sont-elles amplifiées durant les dix dernières années ? Pourquoi ne pas avoir de diplôme déclasse nos jeunes en France plus significativement et plus durablement que dans les autres pays de l’OCDE ? Pourquoi les métiers d’enseignants sont devenus moins attractifs alors que la France traverse une crise de l’emploi significative ? Pourquoi nos jeunes peinent à maîtriser les langues étrangères ?
Sur toutes ces questions et bien d’autres encore, des diagnostics ont déjà été posés, il faut maintenant les affiner, les expliquer, les diffuser dans l’école et hors des murs de l’école pour les partager et permettre à l’école d’avancer sereinement. Car l’évaluation est aussi une ressource stabilisatrice pour l’école, la recherche en éducation peut enrichir les pratiques des enseignants, des cadres du système scolaire, des décideurs politiques et administratifs.
Elle peut aider à tracer des voies de long terme pour une école française qui a désormais besoin de trouver un cap dans les réformes et de s’y tenir, au-delà des alternances politiques.
L’évaluation ne doit pas être conçue comme un diktat ou comme une dénonciation qui se développe dans l’arène médiatique pour délégitimer l’institution scolaire et rompre le lien de confiance avec les parents. Elle doit être conçue, au contraire, comme une aide à la décision des praticiens, comme une ressource pour enrichir un débat public de qualité que l’école doit entretenir avec la société civile, les parents au premier rang, mais aussi plus largement le citoyen qui est également le contribuable du premier budget de l’État.
Dans cette nouvelle évaluation nécessaire à l’école et à notre société civile, le Cnesco va jouer un rôle central et innovant.
Il va impulser, grâce à une série de partenariats internes et externes à l’Éducation nationale, une nouvelle façon de penser l’évaluation, transparente, impartiale, ouverte au-delà des frontières de l’Éducation nationale, tournée vers l’international et vers l’intelligence collective.
Avec le Cnesco, c’est donc la première fois que l’institution scolaire ose créer un organisme dans lequel les chercheurs, spécialistes en évaluation scolaire sont prédominants, dans lequel, en direct, parlementaires de la majorité et de l’opposition et membres du Conseil économique, social et environnemental portent la voix et le regard de la Nation et de la société civile sur l’école. C’est également la première fois que l’institution scolaire invite à la table de l’évaluation de l’école des experts internationaux qui questionneront l’école française depuis les expériences étrangères, avec l’impartialité d’universitaires qu’aucun lien local n’entrave dans leur jugement. Enfin, c’est la première fois que le législateur dote une telle institution de missions aussi larges : l’analyse du fonctionnement et des résultats de l’école, l’étude des méthodologies internationales et nationales internes à l’Éducation nationale, mais aussi, la contribution à la diffusion des évaluations et des principaux résultats de la recherche qui peuvent éclairer les praticiens du système scolaire. Il s’agit là d’une mission centrale pour le Cnesco.
La France produit en effet beaucoup d’évaluations, comparativement à d’autres pays, souvent de qualité mais elles sont segmentées, spécialisées, sans connexion.
Le Cnesco en offrira des synthèses intelligibles et pertinentes pour les praticiens de l’école et le citoyen qui font face à un trop plein d’information. Trop d’évaluations ponctuelles et non synthétisées tuent l’évaluation.
Le Cnesco s’adressera ainsi aux acteurs de l’école mais aussi plus largement aux citoyens, il produira des rapports mais innovera également en lançant des «conférences de consensus scientifiques» qui permettent la rencontre entre les praticiens et la recherche, des «forums en région» pour aller à la rencontre des citoyens et entamer des débats fondés sur des données scientifiques afin de faire avancer des représentations autour de l’école parfois erronées, des «conférence de comparaisons internationales» pour ouvrir l’école sur les expériences étrangères car nous importons souvent en France des politiques qui ont déjà échoué dans d’autres pays…
C’est l’ensemble de ces activités que les membres du Cnesco ont souhaité que vous découvriez dans ce document d’Orientations stratégiques qui couvre la première période de notre mandat de 6 ans (2014-2017).
Tout en répondant aux demandes de court terme, car l’école doit faire face à des urgences, notre travail s’inscrit dans la durée, dans une respiration de moyen-long terme, à l’image des apprentissages de l’enfant qui s’inscrivent dans un temps long. Vous lirez entre ces lignes que mettre la recherche et l’ouverture internationale au service d’une nouvelle évaluation de l’école qui soit partagée par les acteurs de l’école et la société civile est au cœur de l’ambition du Cnesco.
C’est grâce à ce dialogue, à cette confiance qui est au cœur du contrat qui lie l’école et notre société que notre système scolaire pourra progresser.
Nathalie Mons,
Présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire