In Fondation Jean Jaurès – le 23 septembre 2013 :
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Une distance toujours plus grande se creuse entre les citoyens et le personnel politique, particulièrement au sein des quartiers populaires. Empowerment et community organizing sont présentés comme de nouveaux outils pour remobiliser les populations des quartiers. Mais à quoi renvoient précisément ces notions ?
Synthèse :
Empowerment et community organizing : retour sur deux notions
L’empowerment a été traduit au Canada par la notion de « développement du pouvoir d’agir des personnes ou des collectivités » ou encore d’« encapacitation ». Ce terme indique un mouvement d’accession au pouvoir. Aux Etats-Unis, il est utilisé par différents acteurs qui développent des outils de community organizing visant à faire émerger une organisation locale d’habitants pour faire pression sur les décideurs politiques, économiques et médiatiques. Ce mouvement s’est développé au sein de la gauche mais a aussi intéressé dernièrement le Tea Party. Il est aussi utilisé historiquement par le mouvement des suffragettes, des droits civiques des Afro-Américains, puis des homosexuels et les mouvements sociaux. Les community actions agencies, dites CAAS, agences d’action communautaire destinées à aider les quartiers les plus déshérités, sont créées en 1970 pour lutter contre l’apathie sociale des habitants et produire une plus grande efficacité des projets urbains. La notion d’empowerment s’est aujourd’hui largement diffusée dans le champ associatif américain pour sensibiliser et conscientiser les habitants de leurs propres problèmes.
D’hier à demain, des collectifs locaux en France ?
La construction de collectifs locaux citoyens trouve ses origines dans le milieu de l’éducation populaire et du travail social. Si des dynamiques proches de l’empowerment sont apparues selon une démarche ascendante, portées par des associations, elles ont été aussi appropriées par les pouvoirs publics comme le montre la création des GAM, groupes d’action municipale créés dans les années 1960, et surtout la politique de la ville. Aujourd’hui, il existe de nombreuses associations qui par leur action locale souvent invisible cherchent à développer l’empowerment afin que les citoyens se constituent en collectif. Pour se former, les collectifs sont confrontés à la difficulté de mobiliser les gens ayant perdu foi dans les institutions et leurs représentants et de mobiliser de l’argent dans un contexte d’affaiblissement des financements publics et de faiblesse des financements privés.
La community organizing au Royaume-Uni et ses ambivalences : de London Citizens à la Big Society
London Citizens représente un très large éventail d’organisations – congrégations religieuses, établissements scolaires, syndicats et autres associations – qui cherchent collectivement à faire entendre leur voix en interpellant les responsables politiques mais aussi les acteurs économiques. London Citizens est un modèle particulier d’organisation de la société civile qui peut être qualifié d’organisation communautaire « à large base ». Elle est utilisée de manière ambivalente par ceux qui revendiquent plus de justice sociale et par ceux qui sont porteurs d’une conception critique des institutions publiques de l’Etat-providence. Cette tension est illustrée par l’action de London Citizens et par son influence sur un des axes de la politique de la Big Society de David Cameron. Les rapports d’influence que London Citizens entretient avec la sphère politique alimentent en tout cas cette ambiguïté au risque de mettre en péril l’une des caractéristiques intrinsèques à l’organisation, à savoir son indépendance vis-à-vis du gouvernement et des partis politiques. Quant au projet de Big Society, il s’inscrit dans une certaine continuité des politiques de responsabilisation des citoyens menées depuis Margaret Thatcher et reprises par les gouvernements néo-travaillistes. De récentes études montrent que plutôt qu’être une réponse pertinente à la crise économique, la promotion de la « Grande Société » permet de déguiser une véritable « stratégie de choc » néolibérale de casse du service public.
Le point de vue d’un organizer américain (William D. Burns)
Le community organizing dépend de la forme d’action citoyenne : les tactiques et les stratégies mises en œuvre sont contingentes de la force de l’organisation, de ses buts politiques, des acteurs politiques la portant et de ses opposants. Alors que tactiques et stratégies peuvent être infléchies, de bonnes community organizations ne peuvent se constituer sans certains incontournables, notamment celui de construire de réelles capacités de leadership dans les communities.