Valeurs mutualistes : Qu’est-ce qui caractérise les politiques des pays européens dans leur lutte contre la pauvreté ?
Serge Paugam : Tout au long du XX siècle, les pauvres pris en charge par les services sociaux ont été avant tout les inactifs (handicapés, invalides, personnes âgées, familles monoparentales), mais aussi les chômeurs de longue durée et, de façon plus générale, les exclus du travail dont les droits aux assurances sociales n’étaient pas suffisants. Puis, la situation a rapidement évolué. Les organismes délivrant l’aide sociale et les associations caritatives ont constaté une forte croissance de demandes d’assistance émanant des salariés régulièrement embauchés. Ainsi, au tournant du XX siècle, à la figure traditionnelle de l’assisté sans emploi a été couramment associé, tant dans les faits que dans les représentations sociales et institutionnelles, la figure du travailleur pauvre assisté. Tous les pays européens ont été plus ou moins confrontés à ce phénomène lié en grande partie au développement de la flexibilité du marché du travail. En France, la transformation récente du revenu minimum d’insertion (RMI) en revenu de solidarité active (RSA) renforce cette représentation de la pauvreté. Cette nouvelle politique s’inscrit en effet dans une vaste reconfiguration du statut social de la pauvreté. Pour réduire le chômage de longue durée, dont de nombreux allocataires des minima sociaux sont victimes, on postule qu’il est souhaitable pour eux de pouvoir cumuler un petit revenu d’activité et une allocation d’assistance. Des mesures semblables ont été prises aussi bien en Grande-Bretagne qu’en Allemagne. On crée donc officiellement un nouveau statut : celui de travailleur pauvre assisté.