Dans un précédent post, j’avais évoqué le fait que notre système éducatif ne permet pas les transitions sociales, puisque le milieu social d’origine détermine majoritairement le parcours scolaire des jeunes générations françaises. D’autre part, les derniers résultats de la France au test PISA organisé par l’OCDE montre que l’écart du score en mathématique entre les populations majoritaires et celles issues de l’immigration a doublé entre 2006 et 2012. Le résultat en mathématique m’intéresse car la réussite dans cette discipline, très abstraite, comme les sciences, ne semble pas pouvoir être liée au milieu socio-culturel de l’apprenant. Nous pourrions conclure hâtivement que le système scolaire ne garantit pas le même niveau de connaissance, en mathématique, en fonction de l’origine de la population. Cette tendance se confirmerait pour le test de compréhension écrite.
Il m’a paru important de creuser cette question de l’inégalité ou de l’injustice scolaire, en lisant l’article de Y. Brinbaum et J-L Primon, intitulé « Parcours scolaires et sentiment d’injustice et de discrimination chez les descendants d’immigrés », disponible sur le site de l’INSEE.
Cet article se décompose en deux parties. La première s’attache à établir des liens factuels entre l’origine géographique et migratoire et le niveau scolaire atteint. La deuxième partie s’attache, elle, à rendre compte d’une étude sociologique intitulée « Trajectoires et Origines », qui vise à établir le degré d’injustice ressenti par les élèves de toutes origines et leurs causes.
Parmi les dix populations analysées, il apparaît que les élèves descendants de migrants de l’Asie du Sud Est et d’autres pays européens ont, en France, un parcours scolaire équivalent à celle de la population majoritaire.
Les descendants de migrants portugais (étrangement, dans cette étude, le Portugal n’est pas considéré comme un pays européen), quant à eux, aurait un parcours scolaire essentiellement axé sur la reproductibilité du modèle ouvrier, sans le vivre comme une injustice.
Pour les populations africaines, du Nord, Sahéliennes ou d’Afrique centrale, l’histoire semble un peu différente… Pour résumer, l’article établit que pour ces populations, à origine sociale égale, le taux de réussite est équivalent aux autres catégories de populations, sauf qu’elles sont sous-représentées dans les filières générales au profit des filières technologiques.
L’article établit que le niveau d’études des parents a une influence majeure dans le parcours scolaire des enfants. Or, pour ces populations, il est globalement plus bas que dans la population majoritaire. A titre d’exemple, 70% des immigrés maghrébins sont ouvriers.
La deuxième partie de l’article indique que 15% de ces catégories de population déclarent avoir subi une orientation scolaire injuste, ne correspondant pas à leur souhait. Cette perception, captée à postériori, ne dépend ni de leur origine sociale, ni de leur niveau d’étude.
D’autre part, la cause d’injustice évoquée par 58% de ces populations est la discrimination ethno-raciale : pays d’origine et couleur de peau.
Les résultats sont à nuancer en fonction du genre, puisque les filles ressentent moins d’injustice scolaire que les garçons, et réussissent mieux, dépassant le niveau d’éducation de la population majoritaire, toutes choses égales par ailleurs.
Toutes ces données, pas toujours faciles à synthétiser, m’ont conduite au raisonnement suivant :
Si vous êtes issu de l’immigration, vous avez une plus grande probabilité de naître dans une famille dont les parents sont, soit sans diplôme soit ouvrier. Il est également montré que vous vivez dans une zone à forte concentration de population immigrée, sans diplôme ou ouvrière. L’enseignement prodigué à l’école ne vous permettra pas d’accéder à un niveau de connaissances suffisant pour vous orienter vers une filière générale, et ce, quelles que soient vos capacités. Logiquement, le système tendra à vous orienter vers des filières pudiquement appelées professionnalisantes, qui mènent au mieux à des études supérieures courtes. Vous arriverez alors sur le marché du travail, sans doute un peu écœuré, mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Votre taux d’emploi est actuellement de 13% inférieur à celui des natifs… (source: OCDE 2012, se rendre dans le dossier demography and population, migration statistics, employment rates by place of birth).
Ce constat est clairement alarmant pour un pays qui a érigé l’égalité au rang de devise: il nécessite néanmoins de s’y pencher de manière plus approfondie. Mes prochains messages s’attacheront à analyser l’impact des réformes de l’enseignement votée par le gouvernement en juillet 2013. Je les rapprocherai également des recommandations faites par l’OCDE concernant l’éducation.
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