PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

MULTICULTURALISME : UN ATOUT ; ACCULTURATION : UN DEFI

Le vocabulaire français est riche en termes visant à évoquer l’existences de plusieurs cultures dans un même lieu : pluriculturel, multiculturel, interculturel, transculturel et multiculturalisme.

Comme le rappelle Jacques Demorgon (1996), « Il n’y a pas
là qu’une simple difficulté terminologique ».

Le terme, pluriculturel, suffisait généralement au début du siècle. Avec la mondialisation des flux migratoires, l’emploi de multiculturel est devenu nécessaire. En apparence, l’un et l’autre ne font que diagnostiquer la coprésence d’une pluralité ou d’une multiplicité de cultures en un même lieu, en un même temps.

La notion d’interculturel apporte une idée supplémentaire : celle d’une interaction des cultures à travers les déplacements et les échanges entre les personnes.

Cet interculturel peut être créateur « d’actions heureuses et créateur de valeurs. Mais, il risque toujours l’idéalisation s’il ne situe pas les limites de son travail en fonction des environnements plus larges et plus profonds auxquels il ne peut manquer de se confronter. ».( J.Demorgon) ;

La notion de transculturel , est souvent écartelée entre deux sens.. Selon le premier, c’est ce qui transite d’une culture à l’autre. Pour le second, c’est ce qui a transité à travers une multiplicité de cultures et se trouve désormais au-delà des cultures singulières.

La notion de multiculturalisme est né dans les années 1980 aux Etats-Unis . Ainsi un auteur français ( A. Semprini) a écrit à la fin des années 90 un ouvrage sur le multiculturalisme en précisant d’entrée qu’il ne traitera que du cas des Etats-Unis.
Cette notion est , en effet, tributaire des cultures historiques.

Certaines cultures ont pu au contraire privilégié au nom d’un patrimoine national héritage commun, l’unification culturelle sur leur propre territoire national.
C’est notamment le cas de la France par rapport à certaines cultures « périphériques » ( occitanes, bretonnes…..) au nom d’une citoyenneté née sous la révolution nationale.

Une telle politique assimilationniste servit d’idéologie centrale dans l’empire colonial français en niant, en dévalorisant les histoires, les cultures antérieures, ou en refusant tout travail de mémoire sur ce qu’avait représenté l’esclavage pour l’Afrique comme pour les Antilles.

Travailler donc sur une « rencontre » des cultures, une « prise ne compte » de celle-ci implique dans une démarche nécessairement universalisante de reconnaître l’Autre, la pluralité de ses modes d’appartenance, comme le fait que les relations entre les cultures ne sont pas toujours marquées par la réciprocité.

Alain Touraine décrit dans un article ce qu’il appelle la société multiculturelle : « La société multiculturelle est celle où le plus grand nombre possible de vies individuées se construisent et parviennent à combiner , de manière chaque fois différente, ce qui les rassemble et ce qui les différencie.

Autant ont été fragiles et se sont partout écroulés les empires multiethniques et multiculturels, autant sera vigoureux une société capable de reconnaître des individus, des groupes sociaux et des cultures, en même temps qu’elle saura faire communiquer entre eux, en suscitant chez chacun le désir de reconnaître en l’Autre le même travail de construction qu’il opère en lui-même. » (A. Touraine)

Le multiculturel peut prendre des formes diverses et même opposées : ségrégation hostile, juxtaposition indifférente, tolérance bienveillante….

Le multiculturalisme ne doit pas être appréhender de manière béate, car il peut se conjuguer avec des enfermements communautaires ou ethniques.
On peut ainsi arriver à une société multiculturelle composée d’individus monoculturels. ( J.H.H. Weiler) : « Si le multiculturalisme séduit en tant que conception et en tant que mouvement, c’est parce qu’il propose une compréhension et une acceptation pluraliste et toujours plus riche des potentialités humaines au sein d’une entité politique…mais…l’appel à une société multiculturelle, pluraliste… est trop fréquemment associé à un conformisme étouffant à l’intérieur de chaque groupe composant l’entité multiculturelle.

Ce conformisme privilégie un aspect de l’identité individuelle ( race, origine ethnique, sexe, etc…) – l’aspect même autour duquel s’est constitué le groupe qui demande une reconnaissance « multiculturelle »- et encourage chaque individu à définir son identité dans ces termes. »

Réfléchir sur le multiculturalisme, implique d’avoir présent à l’esprit deux repères :
· Il ne faut pas sacrifier le particulier à l’universel.
· Il faut toujours reconnaître la part d’universel qui fait partie, que contient chaque culture.

Aucune société, aucune culture ne peut se concevoir comme fermée.

C’est de la connaissance, de l’échange réciproque des cultures qu’ont surgi le développement du patrimoine mondial de l’humanité. Toute l’histoire des langues, des sciences et techniques en témoignent : La langue française a su pour se développer, s’enrichir intégrer des mots venus de l’arabe comme du scandinave ou du germanique…..
Le zéro venu de l’Inde, via le monde arabe, a permis le développement des mathématiques…..Que serait l’art sans les multiples échanges entre artistes de divers pays, de diverses cultures ?

Aujourd’hui en France avec de nombreux jeunes français issus à la seconde ou troisième génération d’une immigration extra-européenne , se trouve-t-on dans une situation qu’on peut qualifier de multiculturelle ?

Les jeunes de nos villes, de nos quartiers, sont souvent devant un « grand écart » d’identités ambivalentes et floues : ni d’ici, ni d’ailleurs.

Ils n’ont ni la langue, ni la fierté de leurs cultures .
Ils ne se reconnaissent pas par rapport à la globalité de la Ville, souvent une juxtaposition d’espaces où ségrégation sociale et spatiale se mêlent. Ils ont donc tendance à rechercher une culture d’identification en se repliant sur des groupes ethniques, religieux, voire des sectes…

La ghettoïsation de certains quartiers pousse au refus de l’autre et produise donc une certaine violence. Quand j’évoque ce phénomène, je pense à tous les ghettos, y compris à ceux des nantis qui, sous divers prétextes plus fallacieux les uns que les autres , refusent l’implantation près de chez eux d’un centre pour handicapés, d’une structure pour toxicomanes ou demandeurs d’asile……

Crise des « terroirs », crise de la nation

De moins en moins de jeunes ( et de moins jeunes) d’une France à plus de 80% urbaine se sentent accrochés, référents à un « terroir ».
Les déplacements de population, les mutations de l’habitat, la dislocation des familles ont rendu de plus en plus problématique la notion de « terroirs » d’origine.

Cette absence de « terroirs » de référence suscite d’ailleurs des besoins, comme le montre le succès des recherches généalogiques, des journées du patrimoine ou des initiatives visant à retrouver dans les banlieues urbaines et industrielles les origines horticoles ( vins, maraîchage, arbres fruitiers….) de celles-ci.

Cette crise des « terroirs » touche tous ceux qui résident en France quel que soit leur lieu de naissance ou celui de leurs parents.

Le(la) jeune d’origine malienne né(e) en France ou arrivé(e) très jeune ,n’est plus une dizaine d’années après ni totalement français, même s’il en a la nationalité, ni totalement instable.

Il est le plus souvent dans une situation instable où il rejette, il oublie ou il fantasme sa communauté de naissance, dont il ne maîtrise plus une partie de ses codes ce qui fait qu’il est le « français » en Afrique noire ou du Nord et « l’africain » ou le « maghrébin » en France…..

Il ne se sent pas non plus inséré , notamment en terme de logements et d’emploi dans une société française qui ne respecte pas toujours les règles qu’elle édicte pour l’accueil des immigrés.

Placé devant ce « grand écart » d’identités ambivalentes et floues , le jeune peut rechercher une culture d’identification qui ne soit ni celle de sa famille, de ses traditions, ni celle du pays d’accueil.
Celle-ci peut se forger en dehors de la famille, du quartier , dans une démarche de « retour au religion » ou par l’impact de campagnes publicitaires ou médiatiques.

L’identification de nombreux jeunes dans les périphéries des grandes villes aux « blacks » américains, aux modes de vie, d’habillement d’expression, d’activités des cités nord-américaines s’inscrit dans cette logique , comme l’identification des jeunes berbères kabyles à la « nation arabe » dont ils n’ont jamais fait partie……..

L’identité de certains jeunes est donc plus forgée par les médias, notamment par la télévision, que par la mémoire de leur histoire familial ou par le parcours migratoire, internes ou externes à la France, de leurs familles.

Le choc provoqué par cette crise des « terroirs » est d’autant plus fort que pendant de nombreuses années, la nation dans ses fondements familiaux, idéologiques et religieux a été relativement stable.

Elle reposait sur un certain nombre de mythes fondateurs et intégrait non seulement sur ses valeurs universalistes, mais au travers d’institutions comme l’Eglise, le syndicalisme, les partis politiques ou les associations sportives. ( Il suffit de se rappeler du cas des Italiens ou des Polonais).

Aujourd’hui, les dimensions messianiques religieuses sont-sauf pour l’Islam- un élément du passé de la même manière que l’espoir du « grand soir » social.

La société française est donc confrontée à un certain nombre de questions majeures qui relèvent de la représentation d’elle-même, rendent le dialogue inter-culturel plus difficile et rendent ses mythes de moins en moins opérants :

·Qui détient le pouvoir, la souveraineté, entre une Union européenne, apparaissant comme une bureaucratie lointaine et froide et des collectivités locales dotées de plus en plus de responsabilités ?
·Quel rôle de l’Etat face à la mondialisation des économies ?
·Quelles représentations des autres sous-tend l’imaginaire des différentes nations ?

Il apparaît décisif de réfléchir à ce que recouvre aujourd’hui les composantes de ce qui fait l’identité nationale française : « Cerner la diversité de nos racines et des cultures qui nous composent , c’est faire progresser dans la conscience collective le désir et la volonté de créer le mélange de demain.

Et dans cette remémoration de nos diversités, non seulement les enfants d’immigrés récents sauront mieux d’où ils viennent, mais des Français plus « anciens » déracinés dans l’anonymat des banlieues et dépourvus de tout repère, rencontreront ainsi les fragments d’un passé diversifié. » (S. Citron)

Cette refondation du projet national est d’autant plus fondamental que la notion de progrès est mise en cause aujourd’hui par des familles angoissées.
Leur angoisse vient du fait qu’aucune famille n’est à présent assurée que leur enfant vivra mieux que ses parents, ce qui marque une rupture profonde avec les eux siècles précédents où la notion mythifiée, fantasmée, de l’ascension sociale a été un moteur puissant de l’espoir dans le futur.

La laïcité, un atout pour les défis du futur

La République française s’est construite autour de la laïcité qui peut être un atout pour permettre à un jeune de se construire dans une démarche lui permettant à la fois de se forger un sentiment d’appartenance et de respecter son identité, sa culture et sa mémoire familiale.

La laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose, en effet, sur trois valeurs indissociables qui permettent la coexistence des religions et des cultures, car le cadre juridique et politique de la laïcité n’est pas une machine de guerre contre les religions:

·La liberté de conscience :permet à chaque citoyen de choisir sa vie spirituelle ou religieuse. Il n’y a pas de croyance obligée, pas de croyance interdite. La liberté de conscience, c’est la possibilité pour chacun de croire ou de ne pas croire, de pouvoir vivre avec une religion ou sans, de pouvoir même en changer s’il le souhaite

La liberté de culte permet à toutes les religions l’extériorisation, l’association et la
poursuite en commun de buts spirituels. Ainsi comprise, la laïcité s’interdit toute approche antireligieuse.

· L’égalité en droit des options spirituelles et religieuses prohibe toute discrimination ou contrainte et garantit que l’Etat ne privilégie aucune option.. Elle implique l’égalité de tous les hommes quelle que soit leur option spirituelle, qu’il croit ou ne croit pas en un Dieu.

Pas plus qu’il ne défend un dogme religieux, l’Etat laïque ne promeut une
conviction athée ou agnostique.

·La neutralité du pouvoir politique implique que le pouvoir politique reconnaît ses limites en s’abstenant de toute immixtion dans le domaine spirituel ou religieux. Pour que chaque citoyen puisse se reconnaître dans la République, elle soustrait le pouvoir politique à l’influence dominante de toute option spirituelle ou religieuse, afin que chacun puisse vivre ensemble.

Cette conception implique également que toutes les religions respectent les lois de l’Etat et ne considèrent pas qu’elles on un « droit de veto » sur les décisions prises par celui-ci.

La laïcité suppose l’indépendance du pouvoir politique et des différentes options
spirituelles ou religieuses. Celles-ci n’ont pas d’emprise sur l’Etat et ce dernier n’en a pas sur elles.
De même, le spirituel et le religieux doivent s’interdire toute emprise sur l’Etat et renoncer à leur dimension politique. La laïcité est incompatible avec toute conception de la religion qui souhaiterait régenter, au nom des principes supposés de celle-ci, le système social ou l’ordre politique.

Respect, garantie, exigence, vivre ensemble sont les principes cardinaux de la laïcité ; ils constituent un ensemble de droits et de devoirs pour l’Etat, les cultes et les personnes.

Dans le cadre laïque, les choix spirituels ou religieux relèvent de la liberté individuelle : cela ne signifie pas pour autant que ces questions soient confinées à l’intimité de la conscience, «privatisées», et que leur soient déniées toute dimension sociale ou capacité
d’expression publique.

La laïcité distingue la libre expression spirituelle ou religieuse dans l’espace public, légitime et essentielle au débat démocratique, de l’emprise sur celui-ci, qui est illégitime. Les représentants des différentes options spirituelles sont fondés à intervenir à ce titre dans le débat public, comme toute composante de la société.

Cette crise de la nation, des composantes de l’identité nationale, ces jeunes qui ne se sentent ni d’ici, ni d’ailleurs , pose d’autant plus question que la France est régi par le droit du sol.

Une telle acculturation par rapport aux valeurs qui fondent le contrat liant tous les êtres vivant sur un même territoire est un défi pour le futur, car pour savoir où l’on va , il faut savoir d’où l’on vient et ce que l’on veut….

Redéfinir le « Vivre ensemble » dans un cadre laïque

Le cadre laïque peut donc être le lieu de conciliation de cette double exigence : respecter la diversité culturelle de chacun et forger un sentiment commun d’appartenance. Cette exigence doit être pensé en liaison avec le droit du sol, qui n’existe pas dans d’autres pays européens.
Sur 40 000 enfants nés en France de parents étrangers, il n’y en aura que 500 qui ne deviendront pas français.
Sur 40 000 enfants allemands nés dans ce pays de parents étrangers, seuls 1000 deviendront allemands.

Construire un projet commun pour vivre ensemble est donc un enjeu pour la société. Elle doit se donner les moyens de faire coexister sur un même territoire des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions, au lieu de les juxtaposer en une mosaïque de communautés fermées
sur elles-mêmes et mutuellement exclusives. Elle est un moyen de faire coexister des individus qui ne partagent pas forcément les mêmes convictions.

-Respecter la diversité culturelle :
Il y a un siècle, le souci d’uniformité l’emportait sur toute expression de la différence perçue comme menaçante. C’est ainsi que les instituteurs vers 1900 combattaient l’utilisation des langues régionales , ce qui apparaît un siècle après comme la construction d’une « légende républicaine »faisant fi du mélange de cultures et d’ethnies qui ont constitué l’Etat français.

Aujourd’hui, conserver culture, langue, croyance, mémoire – réel ou imaginaire – apparaît comme une forme de protection tout en participant à un monde mouvant d’échanges.

Il est clair que l’enjeu des mémoires est un enjeu décisif dans la construction d’un projet collectif futur.
La nation française, une construction permanente, « un plébiscite permanent » disait Renan doit assumer la diversité, les contradictions de ces mémoires.

De la même manière, que l’Histoire de France a, avec difficulté , assumé la double mémoire de Saint-louis et des bûchers cathares, de Versailles et des dragonnades, elle doit assumer clairement aujourd’hui les crimes de la colonisation comme mettre en lumière les causes du développement des villes portuaires de l’Atlantique grâce à un « commerce triangulaire » reposant sur la mise en esclavage de millions de personnes.

Nous avons suffisamment dénoncé l’histoire « officielle » de « nos ancêtres les gaulois » ou « le mythe national » pour ne pas admettre qu’au XXIe siècle, on en revienne à de tels errements en imposant aux enseignants de « mettre en lumière les aspects positifs de la colonisation » comme le demande l’article 4 de la loi du 23 février 2005.

Un tel texte tourne le dos à la laïcité en privilégiant une vision particulière et partisane sur les valeurs de l’universel .

Mais l’exacerbation de l’identité culturelle ne saurait s’ériger en fanatisme de la différence porteuse d’oppression et d’exclusion.

La dérive du sentiment communautaire vers un communautarisme figé menace de fragmentation nos sociétés contemporaines, même si les véritables communautarismes dans la société française ne sont que rarement mis en lumière.

Quelle communautarisme plus important que celui des portugais avec un taux de mariage endogamique supérieur à toutes les autres immigrations, leurs propres magasins, banques, journaux, sociétés, clubs de football (y compris professionnel ! « les Lusitanos » )….Que dirait-on si cela concernait d’autres immigrations ?

. A l’inverse nier toute diversité ou pluralité en réaffirmant de façon incantatoire un pacte républicain qui n’a existé que dans la croyance ( et ce terme religieux s’avère parfaitement légitime) de ceux qui en ont la bouche pleine, serait tout aussi dévastateur pour la société française..


La laïcité d’aujourd’hui est mise au défi de forger l’unité tout en respectant la diversité de la société.

-Forger un sentiment commun d’appartenance :
La laïcité peut être le levain de l’intégration de tous dans la société : elle
équilibre reconnaissance du droit à une identité propre et effort nécessaire pour tisser les convictions individuelles avec le lien social. L’apprentissage de la citoyenneté dans notre société à cultures et origines diverses suppose qu’on apprenne à vivre ensemble.

En articulantunité nationale, neutralité de la République et reconnaissance de la diversité, la laïcité crée
par-delà les communautés traditionnelles de chacun la communauté d’affections, cet ensemble d’images, de valeurs, de rêves et de volontés qui fondent la République.

Comme le disait Renan au XIXe siècle : « L’existence d’une nation est un plébiscite permanent comme l’existence d’un individu est une affirmation perpétuelle de la vie. »

Faire vivre la laïcité, c’est défendre la liberté de conscience, c’est promouvoir l’universalisme et les droits de la personne humaine.

L’enjeu de la laïcité c’est la construction d’un projet collectif :approprié par tous, reposant sur un vivre ensemble :
-mettant en avant les valeurs, les savoirs faire, les savoirs qui réunissent et non ce qui peut diviser ;
-qui ne nie pas d’où l’on vient et ce qu’on est , mais qui sache où l’on va et sur quelles valeurs .

Marcher sur ses deux jambes pour construire le « Vivre ensemble »

L’établissement scolaire, espace laïque de savoir et de citoyenneté , doit développer des pratiques de citoyenneté , des initiatives citoyennes, créer des espaces de médiation, d’écoute et de dialogue avec les jeunes et les familles, parce qu’elle a compris que le lien social, déchiré par les inégalités et la crise, se reconstitue aussi dans la solidarité et par l’engagement, que le civisme n’est pas une règle froide et abstraite, mais un apprentissage collectif permanent.

Le développement d’une véritable communauté éducative regroupant tous les acteurs d’un établissement , quelles que soient leurs origines, leurs philosophies, leurs croyances est le meilleur antidote contre les replis communautaires.

Marcher sur les deux jambes, c’est lier un rappel ferme des textes sur la laïcité de l’école à des actions pour favoriser le collectif, le vivre ensemble aux dépends des dérives communautaristes

Souvent, la dérive communautariste repose sur la crise d’identité déjà décrite de la nation et du territoire où se mêlent ségrégation spatiale et discrimination sociale, mais aussi sur la situation des garçons et des filles :

Notre société doit s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui , entre 2 et 18 ans, les jeunes vont rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs, chefs d’établissements, assistantes sociales, infirmières, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie, voire juges, tous ces métiers sont très majoritairement féminins. Au fond, les seuls métiers masculins de proximité sont les policiers…..Cette situation peut entraîner une crise d’identité pour certains garçons qui peut amener certains à manifester leur masculinité par la force et la violence, voire à être tentés par des idéologies rabaissant le rôle de la femme…

Une absence de collectif montrant un projet global de vie en commun dans le futur

Face à une telle situation, il est important que la société s’interroge sur ce qui peut redonner sens à du collectif.

-N’avons-nous pas trop rapidement abandonner des rites collectifs ?: La construction de la personnalité, le sentiment d’appartenance à un groupe, à un établissement , à une nation passe par des rites.

S’il n’y a plus aucun rite organisé par la société, ceux-ci passeront par d’autres : la bande, les groupes ethniques ou religieux….

Il est important que de tels rites intégratifs puissent exister :
· Pourquoi ne pas organiser des distributions de prix dans les écoles, collèges, lycées ? Cela valoriserait les élèves en réussite scolaire .
· Pourquoi ne pas organiser des cérémonies dans le lycée ou la mairie pour tous les jeunes ayant la majorité dans l’année ?

– L’appartenance à un collectif est un élément important du Vivre ensemble. Pour dépasser les tensions communautaires, il faut proposer des éléments d’une appartenance collective.

Donner le sentiment qu’on appartient à un collectif doit être au cœur des projets d’établissements …..

L’établissement scolaire public doit se concevoir comme porteur d’un projet collectif approprié par tous, élément d’un projet national collectif.

Le défi de l’école inclusive n’est donc pas d’opposer des cultures , des traditions, mais en partant du principe que chaque culture porte une part d’universel , de donner sans attitude paternaliste ou néo-colonialiste des connaissances à la fois sur l’histoire, la culture des pays d’origine et sur le patrimoine national français et européen afin de forger un sentiment commun d’appartenance qui ne nie pas la diversité des identités .

JEAN-LOUIS AUDUC

Bibliographie :

Jean-Louis AUDUC : Le besoin d’identité(s) in Pratiques de Formation ( Analyses) : Le travail de l’interculturel. N°37-38 février 1999

Suzanne CITRON, Le mythe national, Editions ouvrières. 1987

Jacques DEMORGON : Complexité des cultures et de l’interculturel. Anthropos. 1996.

Guy HERMET, Multiculturalisme en Europe in Quelle identité pour l’Europe ? sous la direction de Kastoryano Riva . Presses de Sciences Po..

Remy HESS, Christoph WULF : Parcours , passages et paradoxes de l’interculturel. Anthropos. 1999

Andrea SEMPRINI : Le multiculturalisme Que sais-je ? P.U.F. 1997

Alain TOURAINE: Pouvons-nous vivre ensemble? Egaux et différents. Fayard 1997.

J.H.H. WEILER Les droits fondamentaux et les limites fondamentales – normes communes et valeurs antagoniques in Quelle identité pour l’Europe ? sous la direction de Kastoryano Riva . Presses de Sciences Po..

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Categories: 4.2 Société

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