PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Fondation Jean Jaurès – le 14 octobre 2013 :

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Depuis 2006, l’agglomération de Montpellier s’est emparée de la question temporelle sur le plan local afin d’adapter ses services aux évolutions des rythmes de vie. Pour l’Observatoire de l’innovation locale, Jean-Pierre Moure nous présente un processus inédit en France et en Europe.

Depuis 2006, Montpellier Agglomération s’est emparée de la question temporelle sur le plan local. Après avoir mené beaucoup d’actions temporelles sur son territoire et réaménagé de nombreux services en interne au vu des évolutions des rythmes de vie, elle souhaite aujourd’hui penser plus globalement l’aménagement temporel de son territoire et des services à la population.

Depuis la fin de l’année 2012, au même titre que le Schéma de cohérence territorial (Scot) dans lequel l’aménagement spatial du territoire est pensé et optimisé, Montpellier Agglomération a lancé l’élaboration d’un Schéma directeur temps et territoire (SDiTT) pour penser l’aménagement temporel de son territoire et de ses services, ce qui constituera une première en France et en Europe.

Pourquoi cet intérêt pour l’aménagement temporel du territoire et des services ? Il nous semble que les grandes mutations qui sont intervenues en l’espace de quelques décennies en matière de temps sociaux et économiques interrogent le modèle temporel que nous souhaitons pour notre territoire. Par ailleurs, nous avons pris conscience que les temps d’accès, les horaires des services à la population, les rythmes scolaires, les rythmes de travail, structurent la vie sur notre territoire et nécessitent d’être mieux pensés, organisés et coordonnés. En nous emparant de ces questions, nous souhaitons proposer collectivement un fonctionnement temporel de notre territoire qui soit efficient et qui offre à chacun une bonne articulation de ses temps de vie. De cette volonté est né le SDiTT. Son élaboration est en cours. La première phase a été consacrée à la réforme des rythmes scolaires, qui va modifier les rythmes de vie de 25 % de notre population. Notre objectif est de le finaliser dans le courant de l’année 2015.

Cette Note traite des grandes questions et des différents champs d’application qu’abordera le SDiTT.

DES TERRITOIRES ET DES INSTITUTIONS QUI PEINENT ENCORE À S’ADAPTER AUX MUTATIONS CONTEMPORAINES

Jamais dans l’histoire d’aussi grandes mutations temporelles sont intervenues en si peu de temps. Celles-ci questionnent nos politiques publiques, l’organisation de nos temps sociaux au niveau national, mais aussi au niveau local.

Nous avons gagné au XXe siècle trente et un ans d’espérance de vie (+ 65 %), notre existence n’est donc plus la même. Au cours d’une vie en effet de nombreuses ruptures, de nombreux changements interviennent (séparations, réorientation professionnelle, périodes de chômage, innovations technologiques, mutations sociales…), des évolutions que notre organisation peine encore à accompagner. Quels services, quelles protections sociales développer pour accompagner la population dans ces mutations ? L’allongement de l’espérance de vie pose également la question des fondements de la retraite et son financement, car lors de sa création, seulement 5 % de la population atteignait l’âge de 60 ans, alors qu’aujourd’hui nous avons une espérance de vie de 81 ans. Doit-on concentrer le temps libre en fin de vie ? Ne faudrait-il pas plutôt repenser l’aménagement des différents temps tout au long de la vie ? Comment faciliter l’accès à l’emploi le pluslongtemps possible (par exemple avec la garde des enfants, la prise en charge des personnes dépendantes) pour que le système par répartition puisse perdurer ?

La durée des études a augmenté de six ans au XXe siècle, elle s’élève aujourd’hui à 30 000 heures au cours d’une vie. L’âge moyen de sortie des études est désormais de 21 ans. Mais la formation demeure trop concentrée en début de vie, alors qu’il faudrait la repenser tout au long de l’existence pour maintenir dans l’emploi la population le plus longtemps possible au vu des évolutions technologiques et sociétales.

Le temps de travail rémunéré a été divisé par deux au XXe siècle et il ne représente plus que 10 % de la vie, soit environ 70 000 heures. Mais, du fait de la concentration de l’activité professionnelle entre 25 et 54 ans, à un moment où l’on est souvent parent, de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (84 % des 25-49 ans travaillent en 2010 contre 41 % en 1962) et de la répartition encore trop inégale des tâches domestiques et parentales entre les hommes et les femmes, la charge de travail (rémunéré et non rémunéré) est très inégalement répartie tout au long de la vie et s’est même alourdie à certaines étapes. Nous avons en effet d’un côté les parents actifs avec enfants qui cumulent une double journée de travail et rencontrent des difficultés pour articuler leurs différents temps de vie (pour s’occuper de leurs enfants, avoir une vie de couple, une vie sociale et citoyenne, prendre soin d’eux-mêmes) ce qui se répercute sur leur santé et le rythme de vie de leurs enfants. Et de l’autre côté, les jeunes et les quinquagénaires qui peinent à trouver un emploi, ainsi que les seniors, qui disposent de vingt années d’espérance de vie au cours desquelles ils doivent « occuper leur temps ». Faut-il maintenir cette organisation concentrée du temps de travail ? Ne faudrait-il pas plutôt la penser à l’échelle de l’existence, en permettant à chacun d’avoir une bonne articulation de ses temps de vie ? Comment inciter les entreprises à aller dans ce sens ?

L’entrée massive des femmes sur le marché du travail a aussi modifié en profondeur les temps sociaux et a généré des demandes en matière de garde d’enfants (crèches, dispositifs péri et extrascolaires…) sur les territoires. Le temps libre a été multiplié par quatre en l’espace de trois générations (les vacances, les loisirs, la retraite…) et représente de nos jours 400 000 heures au cours d’une vie. Cela signifie que, sur le territoire, il y a en permanence du monde qui pratique des activités de loisirs. Par ailleurs, l’usage du temps libre est extrêmement diversifié, en fonction de l’organisation des temps de vie, des pratiques, des moyens. Mais certains rencontrent aujourd’hui des difficultés pour trouver une offre adaptée à leur temps libre (par exemple le fait pour un intérimaire de s’engager à l’année dans une activité), ce qui ne leur permet pas d’en profiter. Quelle politique de temps libre, quelle offre de loisirs, promouvoir sur le territoire ? Quelle politique touristique ?

Sur le plan technologique, en un siècle, la vitesse des transports a augmenté de 102 % ; celle des communications, de 107 % ; celle du traitement de l’information, de 1 010 %.1 On se déplace donc plus, plus vite, plus loin – physiquement mais aussi virtuellement –, et les choses sont faites plus rapidement. La morphologie des territoires tels qu’ils sont vécus en est donc transformée. Par ailleurs, la localisation physique perd de son importance, car on peut faire de plus en plus de choses, de n’importe quel endroit et à n’importe quelle heure, grâce aux nouvelles technologies. Quelle nouvelle offre de mobilité, de services, d’aménagement du territoire proposer au regard de ces évolutions ?

Nous sommes passés dans les années 1970-1980 à une économie mondialisée, une société de services, de consommation, qui utilise les technologies de l’information et de la communication, le flux tendu et qui implique des taux de rentabilité élevés. Cela a induit un fonctionnement du travail 24 heures sur 24 7 jours sur 7, en temps réel, qui a conduit au développement de rythmes atypiques (travail de nuit, le dimanche, fragmenté, les trois-huit), de la flexibilité et de la précarité (CDD, intérim, chômage…). Ces changements ont généré des demandes de nouveaux services sur les territoires (par exemple des crèches, des transports, pour les travailleurs nocturnes, pour les intérimaires). Ils ont aussi engendré une opposition entre la ville qui dort et les activités nocturnes. Faut-il répondre à ces nouveaux besoins (les gardes d’enfants ou les transports le soir ou le dimanche) ? Quel compromis trouver entre les impératifs économiques et les rythmes humains ? Quel aménagement du territoire au regard de cette tendance au 24 heures sur 24, en sachant que les collectivités ne pourront pas financer partout des
services ouverts en continu ?

L’ensemble de ces évolutions nous a fait passer très rapidement d’une « société industrielle taylorienne », caractérisée par des rythmes massifs et standardisés ainsi que par une division du travail entre genres (l’homme actif et la femme au foyer), à une « société à mille temps », dans laquelle les femmes et les hommes travaillent, les rythmes de travail sont diversifiés, intensifiés, le temps libre a augmenté et où l’économie mondialisée fonctionne en permanence. Ces mutations temporelles, interrogent nos politiques publiques nationales, mais aussi locales en ce qui concerne les services à la population, l’aménagement du territoire, l’aménagement du temps de travail et les activités économiques.

1. Voir le dossier « L’Homme débordé : peut-on retrouver le temps ? », Philosophie magazine, no 57, mars 2012.

LE TEMPS, UN FACTEUR IMPORTANT DE LA QUALITÉ DE VIE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, TROP SOUVENT NÉGLIGÉ

Les temps d’accès, l’amplitude horaire des services à la population, les rythmes scolaires, les rythmes de travail, structurent la vie sur nos territoires. Mais la dimension temporelle est souvent négligée, alors qu’elle est aussi essentielle que l’espace.

Les temps d’accès aux services et activités du territoire structurent la vie quotidienne.

Le temps que l’on met pour emmener ses enfants à l’école, se rendre au travail, pratiquer une activité de loisirs, faire ses courses… conditionne notre pratique du territoire, facilite ou non l’organisation de nos temps quotidiens. Finalement ce n’est pas la distance, mais bien le temps nécessaire pour se déplacer qui est important. C’est au regard des temps d’accès et non de la distance que la personne fera ses choix d’habitation, fréquentera plutôt tel ou tel service à la population, optera pour un mode de transport plutôt qu’un autre. L’aménagement des bassins de vie du territoire, la localisation des équipements d’intérêt
communautaire doit donc se faire aussi au regard des temps d’accès.

Par ailleurs, on constate que l’augmentation de la vitesse des déplacements n’a pas conduit à la réduction du temps de transport quotidien, qui est resté constant au fil des décennies, mais qu’elle a au contraire favorisé l’allongement des distances parcourues et donc l’étalement urbain que nous connaissons. La maîtrise de l’étalement urbain passe donc par une meilleure maîtrise des temps d’accès, au-delà de la maîtrise foncière et de la qualité urbaine.

Il est donc essentiel que l’aménagement du territoire soit aussi pensé au regard des temps d’accès. Comment structurer les vitesses (voiries, transports en commun) pour favoriser une organisation du territoire autour de pôles urbains équilibrés et maîtrisés ?2 Quelle localisation pertinente au regard des temps d’accès et des différents bassins de vie pour les services, les commerces, les écoles, l’emploi, l’habitat ? Comment optimiser les temps de parcours en transports en commun et en modes actifs ?

2. Cf. le chrono-aménagement à Grenoble.

Aller vers une ville compacte, multifonctions, moins chronophage, qui concilie et gère des usages temporels différenciés

Pour faciliter une bonne gestion des temps quotidiens, il faut passer du modèle chronophage de la ville éclatée en différentes fonctions (logement, commerce, travail, loisirs) à un modèle de ville compacte avec une grande mixité des fonctions urbaines (par exemple, le fait de pouvoir manger, faire des courses, pratiquer une activité de loisirs… à proximité de son travail entre 12 heures et 14 heures).

Aller vers ce modèle de ville améliorera la gestion des temps quotidiens, mais risquera aussi de générer des conflits entre des régimes temporels divergents (par exemple entre ceux qui dorment et ceux qui font la fête). Il faut donc structurer la mixité des fonctions urbaines pour que leurs différents régimes temporels puissent cohabiter, mais aussi développer des outils de médiation pour gérer les conflits temporels existants.

Exemple : La mairie de Paris organise des concertations qui aboutissent à des « chartes locales des usages », qui  contractualisent des engagements réciproques, des aménagements. Cela permet d’apaiser les conflits liés aux pratiques divergentes des habitants.

Par ailleurs, de nombreux équipements sont sous-utilisés à certaines périodes (les salles de gymnastique dans les écoles par exemple) alors qu’ils pourraient répondre à d’autres besoins. Plutôt que de construire des équipements pour chaque usage, il vaudrait mieux optimiser l’usage temporel des équipements. Cela nécessite de réfléchir à leur polyvalence, à des modalités d’accès différenciés ainsi qu’à des modalités de gestion multipartenariale.

La morphologie du territoire, les usages des services évoluent en fonction des périodes, leur organisation doit donc en tenir compte

Selon le moment, la semaine ou le week-end, l’hiver ou l’été, la période scolaire ou les vacances, l’usage du territoire change. Ainsi, alors que pendant la semaine, les actifs des zones rurales et périurbaines viennent travailler à Montpellier, le dimanche et lors des vacances, ce sont les urbains qui investissent la campagne et les plages. De même, l’usage d’un parc n’est pas le même en hiver et en été.

Les usages, les lieux de centralité changent au cours du temps, et l’aménagement du territoire et des services doit en tenir compte.

Prendre en compte l’accessibilité horaire aux services en fonction des différentes populations présentes (habitants, étudiants, salariés, touristes) permet de répondre finement à la diversité des rythmes de vie et d’optimiser le fonctionnement des services Les rythmes de vie se sont énormément diversifiés et incitent à une réflexion sur l’offre de services. En voici quelques illustrations.

Alors qu’auparavant les transports étaient synchronisés sur les entrées et sorties d’usines à heures fixes, aujourd’hui on attend des transports une large amplitude horaire et une fréquence élevée, car ils doivent répondre à des mobilités plus diffuses, nombreuses et éclatées (horaires de travail variables des actifs, besoins de déplacements pour des motifs de loisirs et d’achats). Comment répondre à ces nouvelles attentes ? Jusqu’où doit-on s’adapter ? Quelles innovations apporter ?

Exemple : Les tramways de l’agglomération de Montpellier fonctionnent de 5 heures à 1 heure du matin tous les jours avec une fréquence en heure de pointe de 5 minutes en zone urbaine et de 15 minutes en zone périurbaine.

Le temps libre a été multiplié par quatre, mais il s’est aussi énormément diversifié. Or l’offre de loisirs reste très classique et ne répond pas à la diversité des besoins. Comment prendre un abonnement annuel quand on ne sait pas si on travaillera le lendemain ? Comment occuper son temps libre quand on travaille avec des horaires décalés et qu’il n’y a aucune offre au moment où l’on serait disponible ? Que faire quand on est à la retraite ? Comment gérer le temps libre des enfants quand on n’est pas là pour s’en occuper ? Quelle offre pour les touristes, les étudiants et autres usagers ponctuels de notre territoire ?

Montpellier Agglomération a réaménagé les horaires de ses médiathèques centrales (ouvertes le dimanche d’octobre à avril), de ses piscines, de son planétarium, de ses musées, pour mieux répondre à l’évolution des rythmes de vie.

Quelle accessibilité horaire des services et des commerces définir dans les zones d’activité économique, les campus, les zones commerciales, les zones périurbaines dortoirs… ? Quels nouveaux services développer ?

Exemple : A la suite d’une concertation locale et d’une enquête sur le parc d’activités du Millénaire, de nouveaux services ont été développés (crèche, restaurant et conciergerie interentreprises) et un plan de déplacement interentreprises a été signé.

Il est donc important d’analyser les besoins liés à la diversification des rythmes de vie pour bâtir une offre de services pertinente à destination des usagers présents sur le territoire (habitants, salariés, touristes…).

Par ailleurs, travailler la question de l’accessibilité horaire des équipements permet d’optimiser leur fonctionnement. Au vu de la diversité des demandes, quels sont les horaires d’ouverture les plus efficients ? Comment répartir les créneaux horaires entre les différents publics, les différentes activités, pour répondre à toutes les attentes ? Comment optimiser l’accessibilité horaire à un service pour un réseau d’équipements et par bassin de vie ? Comment améliorer l’aménagement du temps de travail des agents ?

Exemple : Montpellier Agglomération a réaménagé les horaires de ses douze piscines. Les horaires d’ouverture au grand public ont été élargis et coordonnés de manière à permettre à la population d’avoir au moins tous les soirs et les week-ends une piscine ouverte à proximité. Par ailleurs les créneaux horaires attribués aux clubs sportifs et à la natation scolaire ont été renégociés et rendus plus pertinents et les rythmes de travail des agents des piscines ont été réaménagés et améliorés.

Aider la population à organiser son temps, à l’utiliser au mieux, faire évoluer les mentalités…

De plus en plus de personnes courent après le temps, la gestion des temps quotidiens et l’optimisation du temps deviennent donc des enjeux forts. Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle dans ce domaine, en informant la population de l’offre  existante, en développant des guichets multiservices de médiation et de conseil, en développant les e-services ou les services 24 heures sur 24 et en simplifiant les démarches.

Dans les médiathèques de l’agglomération de Montpellier, il est désormais possible de prolonger ses emprunts ou de réserver des livres par Internet et de les rendre dans des boîtes aux livres accessibles 24 heures sur 24.

L’amélioration de l’articulation des temps passe aussi par une évolution des mentalités. Comment favoriser une meilleure répartition des tâches parentales et domestiques entre les hommes et les femmes ? Comment faire évoluer le modèle du présentéisme français (pour, par exemple, admettre que mieux vaut partir à 17 heures en ayant rempli ses objectifs, que traîner au travail jusqu’à 19 heures pour se faire bien voir) ?

Inciter les entreprises à mieux prendre en compte l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale pour mieux se développer

Dans l’agglomération de Montpellier, 46 % des actifs occupés ont au moins un enfant âgé de moins de 25 ans et sont donc aussi des parents. La question de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale est donc importante, surtout à l’aune de la réforme des rythmes scolaires du primaire, qui aura une incidence sur l’organisation de 22 % des actifs occupés. Cela passe bien sûr par des aménagements du temps de travail (aménagement horaire, temps partiel de 80 %, télétravail), mais aussi par le développement de services.

Montpellier Agglomération s’implique dans l’amélioration de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale de ses agents : élargissement des plages variables, formation à la maîtrise des temps, développement de services (plan de  déplacements entreprise, paniers de légumes…). Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, Montpellier Agglomération dirige actuellement un groupe de travail avec des organisations patronales, syndicales, des entreprises, des institutions sur la question : « Quels aménagements du temps de travail au vu de la réforme des rythmes scolaires ? »

Cet enjeu d’articulation ne répond pas qu’à un impératif de « bien-être familial » : le développement des activités de service, activités dominantes sur nos territoires, passe non seulement par leur solvabilisation financière, mais également par la disponibilité temporelle à la fois des salariés qui vont rendre le service et de ses bénéficiaires. L’articulation des temps, la disponibilité temporelle conditionnent donc également le développement économique des activités de service.

QUEL MODÈLE TEMPOREL SOUHAITONS-NOUS POUR NOTRE TERRITOIRE ET COMMENT Y PARVENIR ?

Quel modèle temporel souhaitons-nous pour notre territoire ?

Les grandes mutations temporelles ainsi que les évolutions récentes (par exemple la réforme des rythmes scolaires) remettent en question le modèle d’organisation temporelle que nous souhaitons promouvoir localement. Souhaitons-nous aller vers un territoire qui fonctionne 24 heures sur 24, vers le slow ?3 Quelles formes ce modèle doit-il prendre sur notre territoire (pôles accessibles 24 heures sur 24, pôles ouverts le dimanche) ? Quels modèles horaires pour le périurbain, pour le périscolaire, pour l’offre de mobilité, de loisirs ?

Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, nous débattons localement du nouveau modèle horaire à mettre en place. Faut-il maintenir les horaires actuels du périscolaire ? Comment inciter les parents à adopter le même aménagement horaire que leurs enfants (travailler plus de jours mais moins longtemps chaque jour) ? Faut-il choisir le mercredi ou le samedi matin ? Comment respecter la chronobiologie de l’enfant ? Faut-il mettre en place une garderie après l’école jusqu’à 12h30-13h pour permettre aux parents de venir récupérer leurs enfants à la sortie du travail ? Quel nouveau modèle horaire pour les acteurs culturels et sportifs qui interviennent sur le temps péri et extrascolaire ?…

Les modèles horaires locaux, une fois débattus, doivent être testés et évalués. Si finalement la fréquentation n’est pas au rendez-vous, il faut savoir revenir en arrière.

3. A l’instar des villes « cittaslow », qui prônent le bien vivre et s’engagent à ralentir le rythme de vie de leurs citoyens.

Exemple : Nous avions mis en place une nocturne au musée Fabre qui n’a pas eu le succès escompté. Lors de nouveaux aménagements horaires, elle a donc été supprimée.

Quels leviers pour y parvenir ?

Comme nous l’avons vu précédemment, la quête d’un nouveau modèle temporel nécessitera d’agir sur différents leviers :
– Structurer les temps d’accès,
– Aller vers une ville compacte, multifonctions et une optimisation temporelle de l’usage des équipements,
– Avoir une organisation des services, du territoire différenciée selon les périodes,
– Définir l’offre de services au regard des différentes dimensions temporelles : répondre à la diversité des rythmes de vie, mais aussi optimiser son fonctionnement temporel,
– Développer des outils pour organiser son temps, l’utiliser au mieux,
– Faire évoluer les mentalités,
– Inciter les entreprises à mieux prendre en compte l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale pour mieux se développer.

Quelle méthode ?

L’édification d’un nouveau modèle d’organisation temporelle du territoire, efficient, adapté à tous, impliquera une écoute des besoins, une approche systémique, une meilleure coordination, des outils de régulations, une contractualisation entre les différents partenaires locaux et nationaux, de l’évaluation.

De nouveaux usages des temps se développent, il faut les observer pour bâtir les services et l’organisation temporelle de demain. Cela passe par des enquêtes qualitatives, quantitatives, l’analyse de l’usage actuel, du design de services, de l’innovation.

Il arrive souvent que les acteurs locaux pensent leur positionnement horaire seuls, alors qu’une approche systémique permet un bien meilleur fonctionnement et un meilleur service aux usagers.

Exemple : A Montpellier, 60 000 étudiants commençaient tous les cours à 8 heures et saturaient la ligne 1 du tramway. Sans approche systémique temporelle, cela impliquait l’investissement dans une rame de tramway supplémentaire. En incitant les trois universités à décaler sur l’ensemble de la journée leurs cours d’un quart d’heure, nous avons divisé par deux les flux et résolu les problèmes de congestion.

Certaines décisions nationales ont des répercussions sur l’organisation temporelle locale. Les nouveaux modèles horaires locaux qui en découlent doivent être discutés avec l’ensemble des acteurs touchés et mis en place de manière concertée et coordonnée.

Montpellier Agglomération s’est saisie de la réforme des rythmes scolaires, dès son origine, dans le cadre de son Schéma directeur temps, car celle-ci va modifier les rythmes de vie de 25 % de la population, de 22 % des actifs occupés et l’organisation de l’ensemble des acteurs éducatifs, culturels et sportifs concernés par le primaire. Dans ce cadre, elle leur offre un lieu d’échange, de partage et de coordination (parents, communes, acteurs éducatifs, culturels et sportifs, autorité organisatrice des transports, entreprises, syndicats). Par ailleurs, dans le cadre de ses propres compétences, Montpellier Agglomération a adapté son offre culturelle, sportive ainsi que son offre de transport, de manière coordonnée avec les communes.

Aller vers un modèle temporel local, c’est aussi se donner des outils pour réguler de manière concertée les activités. Cela peut passer par les maires, le préfet, la Directe (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), l’Inspection du travail, le recteur et le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), le président du conseil général, qui disposent d’outils légaux relatifs à la régulation temporelle (par exemple les horaires des commerces, des bars, des écoles, les limites de vitesse sur les voiries, PUCE, la dérogation à la durée légale du travail…). Cela peut aussi passer par des instances de concertation et des engagements réciproques sous la forme d’une charte (comme pour l’ouverture des bars la nuit). Enfin, cela peut se faire par la définition d’un modèle horaire pour un service à la population (par exemple les horaires du périscolaire rythment l’activité professionnelle des parents).

Les modifications temporelles apportées doivent être évaluées et modifiées si elles ne sont pas pertinentes.

Bâtir un nouveau modèle d’organisation temporelle du territoire nécessite donc une approche systémique impliquant l’ensemble de ses acteurs. Cela nécessite de favoriser des dispositifs de compréhension mutuelle, d’innovation, de coordination, de régulation et une contractualisation entre acteurs publics, privés et citoyens.

CONCLUSION

Le Schéma directeur temps et territoire se veut un terrain de réflexion, d’innovation, de coordination, de régulation autour des questions de temps pour améliorer l’aménagement de notre territoire, de ses services et sa qualité de vie. Nous espérons que notre expérience contribuera à ce que d’autres territoires, l’Etat, la recherche se saisissent des questions temporelles. Le temps est un champ d’innovation, investissons-le.

Pour aller plus loin :
L’Observatoire de l’innovation locale de la Fondation Jean-Jaurès :
http://www.jean-jaures.org/index.php/La-fondation/Les-Observatoires/Observatoire-de-l-innovation-locale

 

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