PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Dans le cadre de la mobilisation de l’École pour les valeurs de la République, les recteurs ont été rassemblés en présence du Premier ministre Manuel Valls, de la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem et de la secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, Geneviève Fioraso, mardi 13 janvier. Consultez le discours de Najat Vallaud-Belkacem « Mobilisons l’École pour les valeurs de la République ».

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les recteurs d’académie et vice recteurs,
Monsieur le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale,
Monsieur le chef du service de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames les directeurs généraux et directeurs
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux d’académie,
Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie,
Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie adjoints,
Mesdames, Messieurs,
 
Notre pays vit une situation d’une gravité exceptionnelle et je veux en notre nom à tous vous remercier de votre présence monsieur le

Premier ministre et témoigner de l’émotion et de la solidarité de l’ensemble de la communauté éducative vis-à-vis des victimes, de leurs proches, en pensant à chacun et à chacune d’entre eux : journalistes et dessinateurs de presse, policiers, concitoyens de confession juive. Les attentats barbares ont frappé le cœur de notre République en visant ses valeurs essentielles. Ils ont suscité en réaction la réponse déterminée de toutes les forces du pays et de l’immense majorité de nos concitoyens qui ont manifesté de manière éclatante leur attachement à la Liberté, l’Égalité, la Fraternité, qui ont soutenu la force du droit, les policiers et gendarmes qui garantissent l’exercice de nos libertés fondamentales, et refusé la logique de peur de l’obscurantisme en revendiquant avec force l’appartenance de tous, quelles que soient les origines, les cultures ou les croyances, à la communauté nationale.

Il nous appartient maintenant de prolonger cette réaction, de transformer l’émotion en force d’action, car ce défi appelle des réponses de fond, durables et à la hauteur des enjeux.

Il nous revient d’opposer nos valeurs à la violence, au moyen en particulier de « l’arme la plus puissante pour changer le monde », selon la belle formule de Nelson Mandela : l’éducation.

Nous devons aussi avoir collectivement le courage, en refusant la facilité polémique, d’analyser la situation en face, de décrire les dérives qui ont fragilisé le projet républicain, y compris à l’école.
Oui, la forme de délitement du lien social au cours des trente dernières années de crise économique et sociale n’a pas épargné l’école.
Oui, le sentiment de désespérance, l’accroissement des inégalités et de la prévalence du déterminisme social, l’incapacité collective à prévenir le décrochage scolaire endémique d’une partie de notre jeunesse, ont entamé la mission d’égalité de l’école.
Oui, les discriminations, l’écart entre les valeurs affichées et les réalités vécues, les replis identitaires, les velléités communautaristes, les logiques d’entre soi ont parfois affaibli son ambition de fraternité. Comment transmettre le vivre-ensemble quand les élèves ne font plus l’expérience de la mixité sociale au sein des écoles et des établissements ? La remise en cause de la place de l’école dans la société, une forme de relativisme ambiant ont contribué à une perte de repères plus globale, interrogeant le sens de l’engagement de la communauté éducative et de ses personnels.

Ces constats ne sont pas nouveaux, qui interrogent la place et les missions de l’école dans le projet républicain. L’école est loin d’en être seule responsable. Elle n’est ni la cause de tous les maux, ni le remède à toutes les difficultés de la société. Elle subit des évolutions sociales et sociétales plus larges tout en cristallisant trop souvent leurs enjeux. Mais de la même manière que l’école n’a pas été étanche aux dérives de notre société, elle doit être un levier d’un redressement collectif qui excède son intervention.

Évidemment, nous n’avons pas attendu les évènements dramatiques des derniers jours pour poser ces constats et y apporter des réponses : l’enjeu de la refondation de l’école est tout entier là, dans ce double défi de rétablir la performance du système éducatif, en assurant la réussite du plus grand nombre et en luttant contre le déterminisme social, et de rendre à l’école sa mission et sa place de vivier de citoyenneté, capable de former des citoyens éclairés, de transmettre et de faire partager les valeurs de la République. L’école est forte quand elle est capable de relever ces défis éducatifs, scolaires et citoyens.
 
Ces événements tragiques confirment, s’il en était nécessaire, la justesse des ambitions portées par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’École de la République.

La première de ces ambitions, c’est l’élévation du niveau de connaissances, de compétences et de culture. Les connaissances sont la première arme pour combattre l’obscurantisme.
La deuxième de ces ambitions, c’est la réduction des inégalités sociales et territoriales qui fracturent la société française.
La troisième de ces ambitions, c’est de mettre l’école en première ligne de la construction de la cohésion sociale et du lien civique.
 
Beaucoup a déjà été fait.

La refondation de l’école a rétabli une formation initiale ambitieuse – qui intègre la laïcité dans son tronc commun – pour l’ensemble de nos futurs enseignants. La réforme des rythmes scolaires a veillé à améliorer les apprentissages et développer l’accès de tous à l’éducation populaire. Le renouvellement de  l’éducation prioritaire permet de répondre aux besoins criants de certains territoires avec une pédagogie adaptée et des moyens supplémentaires importants. Le renforcement de la lutte contre le décrochage et l’amélioration de l’orientation ont plus que jamais pour objet de ne laisser aucun jeune aux portes d’une société du diplôme et de la qualification. J’attends que de vous mesdames et messieurs les recteurs que vous veilliez avec la plus grande exigence au déploiement de chacune de ces mesures dans vos académies, en associant les partenaires que sont en particulier les collectivités locales et en donnant vie a ce droit au retour en formation jusqu’à l’âge de 25 ans qui n’est rien d’autre que le refus de la résignation a l’absence totale de perspectives pour des centaines de milliers de jeunes.

Je souhaite également que nous portions une attention particulière à l’enseignement en milieu pénitentiaire et dans les centres éducatifs fermés, qui sont des enjeux majeurs pour l’éducation nationale et pour la République. Les personnels de direction de l’éducation nationale et les enseignants sont  présents dans l’ensemble des structures judiciaires, établissements pour mineurs, quartiers pour mineurs, centres éducatifs fermes. Au-delà des priorités qui y sont données a la lutte contre l’illettrisme l’analphabétisme et l’apprentissage du français, je souhaite que l’accent soit mis sur l’accès a un premier diplôme dont nous savons à quel point il peut changer l’image qu’un jeune se fait de lui même de son avenir et de la société.
Pour demain, la refondation a déjà engagé l’élaboration du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la rédaction de nouveaux programmes de l’école maternelle au collège, une évolution de l’évaluation des élèves, une réforme ambitieuse du collège qui sera prochainement annoncée. Avec l’ensemble de ces réformes et la nouvelle allocation progressive des moyens aux établissements en fonction de leurs difficultés sociales, je suis convaincue que nous allons relever le défi de la réussite scolaire du plus grand nombre.

Mais outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de transmettre et de faire partager aux élèves les valeurs et principes de la République, et notamment le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Depuis la rentrée 2013, la Charte de la laïcité à l’école est apposée dans toutes les écoles et établissements de France et doit être présentée chaque année aux élèves, mais aussi aux parents. L’ambition nouvelle et forte est de développer la pédagogie de la laïcité car aucune valeur ne se contemple. Elle se discute, elle se DÉBAT, elle s’expérimente. Et pour cela il faut de la formation initiale et continue, un soutien effectif aux équipes éducatives grâce au réseau des correspondants laïcité, et des contenus pédagogiques renouvelés.

Nous mesurons tous, et les organisations syndicales l’ont souligné hier lors de la première journée de la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République, l’enjeu de mieux former les personnels éducatifs en formation initiale – avec les ESPE – comme en formation continue. Les moyens de la formation continue, dont ceux dédiés à la formation présentielle, sur site – et j’insiste sur ce dernier point -, seront renforcés. Et je vous demande d’y veiller, chacun à votre niveau.

Les enseignants ont à leur disposition, pour les aider et les outiller dans leurs pratiques de classe, sur leurs sites de référence, des outils pédagogiques pour travailler et réfléchir avec les élèves sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la démocratie. Cet automne encore, de nouvelles ressources adaptées aux différents niveaux scolaires, mais surtout de nouveaux parcours de formation continue  (notamment en matière d’enseignement laïc des faits religieux) ont été engagés sur la plateforme m@gistere, des ressources vidéos pour les enseignants et un livret sont en préparation à l’attention de tous les directeurs d’école et chefs d’établissements, et consultables par les équipes éducatives. Il rassemblera les contenus pédagogiques essentiels (textes, charte), les liens vers les ressources de formation, des questions / réponses juridiques sur les sujets sensibles et la présentation des correspondants laïcité (rôle et contact) dont est dorénavant dotée chaque académie pour favoriser la mise en œuvre et l’appropriation de la Charte par les élèves, et soutenir les équipes éducatives au plus près des réalités de terrain.
Ces correspondants travailleront en lien permanent avec l’Observatoire de la laïcité et des centres ressources comme l’institut européen en sciences des religions, notamment pour la production de ressources qui seront disponibles au niveau académique et national.

Surtout, et comme prévu par la loi de refondation de l’école, dès la rentrée 2015 sera créé un enseignement moral et civique, dans toutes les classes : de l’école primaire à la classe de terminale et dans toutes les séries du lycée. Il intègrera de manière transversale une éducation aux médias, les problématiques de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations, les notions de droits et de devoirs, le principe de laïcité.

S’il ne s’agit bien évidemment pas de déléguer à ce seul temps d’enseignement d’une heure hebdomadaire l’ensemble des enjeux relatifs aux libertés fondamentales, à l’ouverture aux autres, et à la tolérance réciproque, la structuration d’un tel temps récurrent d’échange, de débat contradictoire, d’analyse des images, de recul et d’esprit critique est une réponse attendue par tous les acteurs face au déferlement des images et au relativisme dans lequel baignent les élèves.

On ne saurait concevoir un enseignement visant à former le futur citoyen sans le mettre en pratique dans le cadre scolaire. L’école doit permettre aux élèves de devenir acteurs de leurs choix, et de participer à la vie sociale de la classe et de l’établissement dont ils sont membres. L’esprit de coopération doit être encouragé, la responsabilité vis-à-vis d’autrui mise à l’épreuve des faits. L’enseignement moral et civique articulera les contenus enseignés et les modalités de la démocratie collégienne et lycéenne. J’y suis très attachée.

Toutes ces réformes profondes sont engagées et contribuent à notre capacité à relever le défi républicain posé à l’école comme à la société. Nous sommes dans un mouvement déjà profond, solide, ample.
Mais les évènements de la semaine passée nous obligent à aller plus vite et plus loin. Comme l’a dit le Premier ministre, il doit y avoir un avant et un après, nos concitoyens ne comprendraient pas qu’un nouvel élan ne traduise pas à l’école la réaction républicaine magnifique et l’unité nationale qui se sont manifestées.

Nous avons traduit cette nécessité dans notre réaction immédiate au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. J’ai immédiatement écrit aux personnels enseignants afin de leur manifester mon soutien dans leur difficile tâche d’éducation dans un moment très complexe où il fallait être à la disposition des élèves pour expliquer l’inexplicable, ou plutôt, déconstruire, aider à comprendre un phénomène de barbarie tout en prenant la mesure de l’immense émotion qui a traversé le pays tout entier. L’éducation nationale, les établissements d’enseignement supérieur et les laboratoires de recherche se sont mobilisés de façon exemplaire, en organisant une minute de silence en hommage aux victimes, et en répondant aux besoins d’expression des élèves, grâce entre autres aux ressources mises en place sur le site Eduscol.

Je veux rendre hommage ici aux équipes des écoles et établissements à proximité immédiate de la tuerie et des lieux de prise d’otage, qui ont fait preuve d’un professionnalisme et d’un engagement exemplaire.
Je tiens également à saluer le protocole d´information particulièrement efficace mis en place dans l’académie de Paris, pour tenir au courant en direct les familles par sms et sur les réseaux sociaux.

Je demande à tous les rectorats de mettre en place des dispositifs de communication similaires pour la gestion de crise. Les parents d’élèves, ils me l’ont dit hier, sont particulièrement attachés à la rapidité de la transmission de l’information.

La difficulté pour les personnels des écoles et des établissements à gérer l’émotion face à l’innommable est établie. Cette difficulté, chacun, parents, médias, institutions, l’a ressentie. Il y a eu des incidents : une centaine a été remontée par le réseau rectoral, sans doute davantage. Tous ces incidents sont inacceptables. Ils ont fait l’objet de traitements immédiats, sous forme de dialogue éducatif et/ou de sanctions.

Je veux rappeler ici la nécessaire fermeté et le nécessaire travail d’éducation face aux propos et attitudes racistes et antisémites, face à la remise en cause du principe de laïcité et des principes et valeurs de la République. L’Ecole de la République et ses fonctionnaires ne tolèrent pas l’intolérable. Ils réagissent immédiatement, avec fermeté, souci d’éducation et conformément au droit, c’est-à-dire dans le cadre des règlements intérieurs des écoles et établissements. Lorsque les faits nécessitent des sanctions, celles-ci sont proportionnées aux fautes commises, et systématiquement accompagnées d’un travail éducatif vis-à-vis des élèves, et d’une association des parents au caractère éducatif de la sanction. Notre rôle est de maintenir ces élèves, au même titre que tous les autres, dans le système éducatif. Je souhaite d’ailleurs que nous ayons une vigilance renforcée à l’égard des élèves instruits à domicile.
Ces incidents sont par ailleurs révélateurs de difficultés plus larges, qu’il nous faut savoir affronter collectivement. Il nous faut notamment apporter des réponses à un relativisme ambiant, incarné par deux symptômes, le « oui c’est grave, mais… » et le « deux poids, deux mesures ». Face à ces symptômes, je le répète, nous devons faire vivre la discussion et apprendre aux élèves, aux étudiants l’art de la dispute, l’art difficile du débat et du respect de l’autre.

 Au regard du travail accompli en fin de semaine dernière, je veux redire ma gratitude à tous les personnels de l’éducation nationale, à vous tous, pour cette mobilisation, qui doit maintenant se prolonger.

Je vous demande en premier lieu de mobiliser sans délai l’encadrement et les services de l’éducation nationale pour répondre aux besoins exprimés par les chefs d’établissement et les enseignants eux-mêmes. Aucun personnel éducatif ne doit être laissé démuni ou isolé face aux demandes des élèves. Tous doivent pouvoir obtenir rapidement des réponses à leurs interrogations, notamment pédagogiques, et bénéficier des outils et conseils adaptés à leur réalité. C’est pourquoi je vous demande d’inviter l’ensemble des proviseurs vie scolaire pour les établissements du second degré, des inspecteurs de l’éducation nationale adjoints pour les écoles, des équipes mobiles de sécurité, des référents mémoire et citoyenneté ainsi que des référents laïcité à se mettre a disposition des établissements qui en expriment le besoin pour y être les interlocuteurs immédiats  des chefs d’établissement et des directeurs d’école en cas de situations difficiles à gérer.

Mon souhait, mesdames et messieurs les recteurs, mesdames et messieurs les inspecteurs d’académie, est que vous incarniez cette mobilisation. Que vous soyez au plus près des équipes, surtout là où c’est le plus difficile et là où l’enjeu est le plus important, et que vous  mainteniez cette mobilisation pendant le temps nécessaire. Moi-même, je serai à vos côtés, et aux côtés des professeurs. C’est une période exceptionnelle, l’enjeu est exceptionnel. Nous devons montrer que les cadres de l’éducation nationale sont là où la Nation attend qu’ils soient. Les enseignants ne doivent pas se sentir seuls dépositaires des attentes de la société vis-à-vis de l’école.

Je vous demande de donner pour instruction, dès cette semaine, aux inspecteurs pédagogiques (IA-IPR, IEN du 1er et du 2nd degré), sous l’autorité de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN), de se rendre dans les écoles, collèges et lycées pour assister les équipes pédagogiques et éducatives dans l’accomplissement de leur mission d’éducation aux valeurs et principes de la République. Ces rencontres seront aussi l’occasion de consolider le contenu du nouvel enseignement moral et civique. La consultation des équipes enseignantes sur les projets de programmes remis par le Conseil supérieur des programmes est ouverte sur Eduscol depuis le 5 janvier, jusqu’au 23 janvier.

Au-delà de cette action de soutien aux équipes pédagogiques, nous devons élargir cette mobilisation en lien avec les services de l’État et les acteurs de l’éducation populaire, de l’action socioéducative, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

La mobilisation coordonnée de l’ensemble des partenaires éducatifs et sociaux est indispensable pour répondre à l’enjeu actuel de citoyenneté. Je réunirai pour ma part cette semaine l’ensemble des associations complémentaires de l’école qui sont nos alliées naturelles dans ce travail.

Je vous demande quant à vous, recteurs et directeurs académique, en lien avec les DRJSCS et les DDCS, d’organiser la nécessaire articulation de l’ensemble des stratégies et actions menées par les acteurs publics et associatifs en faveur de l’éducation à la citoyenneté et de la réussite scolaire et éducative des élèves, en particulier dans les quartiers relevant de la politique de la ville et dans l’éducation prioritaire. Ce travail est indissociable de la nécessité de déployer davantage de ressources en direction des familles, qu’il s’agisse de leur lien avec l’école (à l’image du déploiement engagé des « mallettes des parents ») ou de la maîtrise du français pour l’ensemble des parents.

Cette mobilisation doit également se réaliser au sein des instances de démocratie scolaire. Les conseils d’école, les conseils d’administrations des établissements, les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), les conseils de la vie collégienne, les conseils de la vie lycéenne (CVL, CAVL et CNVL) ainsi que le conseil supérieur de l’éducation (CSE) doivent être mobilisés pour faire vivre les valeurs de la République. Les associations lycéennes travaillent, en ce moment même, à la création d’un site internet de lutte contre le complotisme, car ils ont compris, comme ils me l’ont dit, que moins il y a de débat, plus les théories du complot prospèrent.

L’apprentissage des usages de l’internet est d’ailleurs l’un des enjeux du plan numérique à l’école. Il s’agit d’une initiative parmi la multitude de celles qui m’ont été signalées depuis quelques jours et qui témoignent de la formidable capacité d’engagement de nos jeunes. Il faut que nous trouvions les moyens de renforcer les capacités d’initiative des associations lycéennes. Je réunirai dès la semaine prochaine le conseil national de la vie lycéenne sur ce sujet.

C’est par l’engagement de tous les acteurs et de toutes les ressources de l’éducation nationale et de ses partenaires que nous répondrons aux attentes des élèves et de leurs familles, que nous prolongerons le sursaut civique et républicain qui s’est manifesté avec tant de force ces derniers jours. Et je souhaite que nous développions cet engagement dans la durée.

Un effort accru sera ainsi engagé sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, en lien avec la nouvelle DILCRA, avec la prochaine mise en ligne d’un portail de ressources pédagogiques dédiées, une offre de formation en ligne et une mobilisation importante autour de la semaine d’éducation contre le racisme autour du 21 mars prochain. Je veux que cette semaine fasse l’objet d’une préparation exemplaire associant l’ensemble de nos partenaires. Les  établissements d’enseignement supérieur que j’ai reçu hier se sont engagés à se mobiliser  sur ces questions.

S’agissant de la nécessité de lutter contre la radicalisation, le ministère a préparé un livret opérationnel de prévention à l’attention de ses personnels qui sera prochainement diffusé, une fois le plan d’actions interministériel arrêté. L’éducation nationale prendra toute sa part dans ce combat contre l’obscurantisme et en veillant à ce qu’aucune confusion ne puisse être suscitée ou entretenue entre la radicalisation, qui s’apparente à une dérive sectaire et toute forme de pratique religieuse.

Je souhaite aussi améliorer l’éducation aux médias et à l’information, inscrite dans la loi de refondation de l’école, qui est un enjeu démocratique essentiel. Le ministère de l’éducation nationale est partenaire de longue date avec le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI, notamment sur le net. Je veux, conjointement avec le ministère de la culture, renforcer les associations de presse lycéenne. Des moyens nouveaux seront mobilisés à destination des journaux lycéens.

Enfin, notre ministère sera fortement mobilisé pour développer les politiques de citoyenneté, selon votre souhait, Monsieur le Premier ministre. Il s’agit de la réponse de fond la plus forte que nous pouvons opposer à ceux qui ont attaqué les fondements de la République, et par là-même son école. J’ai engagé des consultations en ce sens, à la fois syndicales, politiques et intellectuelles, et je suis à l’écoute de vos propositions. Ma conviction, c’est que nous devons avancer fortement dans cinq directions :

  • La citoyenneté à l’école, c’est contribuer au sentiment d’appartenance à la communauté nationale, qui passe d’abord par notre langue commune, le Français. Nous devons faire plus encore pour améliorer l’acquisition du langage dans la petite enfance, la maîtrise de la lecture et de l’écriture à la fin du CE1. C’est un enjeu déterminant aux plans scolaire, social et citoyen, car les inégalités de maîtrise du français engendrent des phénomènes de retard ou de mise à l’écart qui impactent la capacité de tous les élèves à disposer des mêmes de chances non seulement de réussir au plan scolaire, mais aussi de trouver simplement une place dans notre démocratie. Je souhaite aussi que nous restions fortement engagés dans les dispositifs qui favorisent l’apprentissage du Français et des règles de fonctionnement de l’école pour les parents allophones, qu’ils soient présents de longue date sur le territoire ou primo-arrivants.
  • La citoyenneté, c’est la laïcité. Outre les chantiers engagés, il me semble indispensable d’avoir un moment symbolique et pédagogique qui rassemble enseignants, parents et élèves, qui pourrait être la date du 9 décembre selon le souhait de l’Observatoire de la Laïcité. Donnons-nous cette chance d’une journée annuelle de mobilisation sur un principe essentiel, dont l’école est le premier dépositaire.
  • La citoyenneté à l’école, c’est l’égalité sous toutes ses formes, en luttant contre les discriminations sexuelles, d’origine ou territoriale. Au-delà des plans en cours sur ce sujet, nous devons faire de la généralisation à venir des PEDT l’occasion de renforcer l’équité territoriale et d’offrir au plus grand nombre des projets de qualité qui mobilisent l’ensemble des ressources des territoires.

Je souhaite aussi relancer la dynamique de la réussite éducative, qui répond en partenariat aux besoins éducatifs et sociaux d’accompagnement des élèves les plus fragiles et de leurs familles. Enfin, j’attacherai une attention particulière aux préconisations issues de la mission confiée à Jean-Paul Delahaye sur la lutte contre la pauvreté, car nous devons lutter par ses deux bouts contre la chaîne qui relie fragilité sociale et difficulté scolaire. C’est aussi l’enjeu d’une démocratisation réelle de l’enseignement supérieur, et d’une mise en œuvre plus ambitieuse du décret qui permet aux 10% des meilleurs élèves de chaque établissement scolaire d’accéder aux filières sélectives, car ce dispositif est un formidable levier pour lutter non seulement contre le déterminisme social dans l’orientation, mais aussi contre l’assignation scolaire et résidentielle.

  • Quatrième axe de réflexion : la citoyenneté, c’est la démocratisation, la participation et l’engagement.

Renforcer la confiance entre les parents et l’école, développer une culture de l’engagement citoyen dès le collège, développer les conseils de la vie collégienne pour répondre à l’aspiration, légitime, d’échanges et de débats que demandent les élèves et aussi encourager plus encore la vie étudiante, facteur important de lien social. C’est ce à quoi nous devons nous atteler, ensemble. N’hésitons pas à lier pédagogie de projet et engagement citoyen, avançons dans la reconnaissance de l’engagement dans le cursus scolaire des élèves, soyons plus ambitieux pour que les semaines de l’engagement, en septembre, soient autant d’occasion d’ouvrir les établissements aux partenaires de l’éducation nationale comme aux jeunes déjà engagés, par exemple dans le service civique, qui est un moyen de renouer ce lien parfois distendu entre la jeunesse et la République.

  • Cinquième et dernier axe de réflexion et de travail : l’implication de l’enseignement supérieur et de la recherche pour éclairer la Société dans son ensemble sur les fractures qui la traversent et ces facteurs de radicalisation est essentielle. Dans ces moments difficiles que notre pays traverse, il est du devoir citoyen et scientifique des chercheurs comme des intellectuels que de nous aider à analyser ces phénomènes pour mieux y répondre. À cette fin, je solliciterai, avec Geneviève Fioraso, l’agence nationale de la recherche (ANR).

Mesdames et Messieurs, la tâche qui nous attend est immense. À la mesure de la souffrance des victimes et de leurs proches. À la mesure du défi qui a été lancé aux valeurs et principes essentiels de la République. À la mesure de la mobilisation sans précédent du peuple français et des attentes légitimes qui sont les siennes. Nous avons l’ardente obligation de réussir, c’est-à-dire de rendre à l’école sa place au cœur de la société et de lui donner les moyens de jouer pleinement son rôle pour la réussite scolaire comme pour la transmission des valeurs républicaines. Ne laissons aucune polémique nous détourner de cet enjeu essentiel, plaçons-nous au bon niveau de débat.

Lors de mes consultations hier, j’ai entendu un message très fort : ne faisons pas  injonction aux seuls enseignants d’être des héros si nous ne sommes pas capables collectivement de prendre nos responsabilités. Les enseignants, je le sais, sont mobilisés et je vous demande de répondre à leurs demandes, d’accompagner leur démarche et, enfin, de nous faire remonter les expériences réussies comme les difficultés pour mieux progresser ensemble.

Car j’en suis persuadée, s’il y’a comme disait Jean-Jacques Rousseau « mille manières de rassembler les hommes, mais seulement une de les unir », l’école peut et doit être cette manière-là.

 
Najat Vallaud-Belkacem, 13 janvier 2015
Réunion des recteurs
 
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