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Manuel d’initiation à l’interculturel
Avant-propos
A qui s’adresse ce guide ?
Qu’est-ce que l’interculturel ?
Sortir des ornières
Comment accéder à l’interculturel ?
Première piste: Connaissance et communication
1. Entrée en matière
2. Un schéma de la communication
3. La règle de quatre
4. Des savoirs bien utiles
5. Survol historique: La notion de culture
6. Parler français, c’est difficile !
7. Traduire, c’est trahir
8. Connaître le contexte
9. En plus de la langue
1. L’histoire et la géographie
2. La perception du temps
3. La perception de l’espace
4. La perception du corps
5. Les structures sociales
6. Les modes de pensée
7. Le système des valeurs
8. Individus et communautés
10. Interculturel et autonomie
11. Le sommet du savoir: Le réflexe interculturel
Deuxième piste: Négociation, concertation, dialogue
12. À l’attention des médiateurs: Réussir la négociation
13. Partir avec un handicap
14. Dialoguer avec des intégristes ?
15. Oser le compromis
16. Histoire: De l’assimilation à la diversité
Troisième piste: Enrichissement, relation, engagement
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Avertissement: Sentier tortueux
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. Créer la plus-value
19. Retour sur quelques idées reçues
20. Individu et société : Même combat..
21. Libérez nos appartenances multiples
22. Construisons nos identités
23. Histoire(s) d’identité
24. La déculturation existe aussi
25. Multiculturalisme : Pour ou contre?
26. La communauté, un bien précieux sous condition
27. Histoire de communautés
28. Distinguer civilisation et culture
29. La controverse du métissage
30. Les effets pervers des catégories
31. Discriminer
32. Éducation interculturelle
Commentaires des questions et des affirmations à débattre
Bibliographie
Individu et société:
Même combat
L’être humain est fondamentalement un être relationnel. La relation est une source de vie. Il n’y a pas de vie sans métabolisme: les molécules du vivant se transforment les unes dans les autres. L’être humain ne s’engendre pas lui-même. Le partisan de l’interculturel ne peut adhérer à un excès d’individualisme qui fait croire que l’être humain est son propre créateur.
Toute vie s’origine dans l’interaction et l’interdépendance. Comme le dit Norbert Elias dans sa critique de l’individualisme: « Ce fameux gouffre entre société et individu n’existe pas. Toute société humaine se compose
d’individus isolés et tout individu humain n’est véritablement humain qu’à partir du moment où il apprend à agir, à parler et à exercer sa sensibilité dans la société des autres. La société sans individus et l’individu sans société sont des choses qui n’existent pas ».
L’absence de cloisonnement étanche entre l’individu et la société fait que tout ce qui affecte l’individu affecte aussi sa société, ou, plus largement, ses milieux d’appartenance. Les considérations sur la culture et l’identité impliquent simultanément l’individu et la collectivité, puisque l’insistance est sur la relation.
Les philosophes prolongent cette constatation par l’affirmation que le devenir est au moins aussi important que l’être. Certaines recherches portant sur la culture ou l’identité sont exclusivement tournées vers le passé. Une des questions à poser en présence de revendications portant sur la culture, l’identité ou la vie communautaire est toujours: pour quoi faire?
Il n’y a pas interaction qu’entre individus. Il y en a entre l’individu et la société, entre sociétés, entre la société et son environnement naturel c’est dans ces interactions que se construisent les cultures, les identités et les communautés.
L’accent se déplace du culturel vers l’inter. Autrement dit, dans l’interculturel, plus on insiste sur l’inter moins on insiste sur le culturel.
« La culture mondiale devient un maelstrom, où dominent les productions des pays les plus puissants et l’intérêt des plus riches, tandis que le corps social anomique se fragmente en bandes, en clubs, en courants, en tendances, en chapelles, en confessions, en confréries. Les groupes empruntent ici et là aux cultures anciennes des bribes de connaissances, des valeurs, des cérémoniels, des rites, des accoutrements. Ils en pillent les aspects les plus évidents et les plus superficiels, qu’ils métissent au gré de leur créativité pour générer des identités passagères, labiles, fluctuantes, qui les caractérisent. Le sujet lui-même explose et tend à n’être plus que parcelle de désir, manipulée par les experts en marketing, s’agglutinant à d’autres en fonction d’affinités électives, pour des motifs de plus en plus irrationnels et compulsifs, avant de se défaire pour se reformer ailleurs. »
Paul Rasse
Distinguer les niveaux d’appartenance n’est pas les séparer: « On a trop souvent tendance à penser que le social se réduit à des différences de groupes ou de classes d’individus. Dès lors que l’on évoque des différences sociales, on pense à des différences entre classes sociales, positions sociales, catégories socioprofessionnelles, socioculturelles, etc. Mais il ne viendrait quasiment jamais spontanément à l’idée que des différences "cognitives", "psychiques" et "comportementales" entre deux individus singuliers, issus du "même" milieu social (ou mieux, de la même famille) sont encore des différences sociales, au sens où elles ont été socialement engendrées dans des relations sociales (socialisatrices), ou que les cas atypiques, exceptionnels du point de vue de la probabilité, sont encore interprétables sociologiquement. »
Bernard Lahire