Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
Madame la Députée, Monsieur le Député,
La loi relative à la refondation de l’école de la République a été adoptée en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale le 19 mars 2013 et transmise au Sénat le lendemain.
Elle inclut l’amendement 274 1 qui vise à modifier l’article L. 112-2-1 du Code de l’éducation, créé par la "loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Cet article indique aujourd’hui que les équipes de suivi de scolarisation des Maisons départementales des personnes handicapées -MDPH-] « peuvent, avec l’accord de ses parents ou de son représentant légal, proposer à la commission [départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées -CDAPH-] … toute révision de l’orientation d’un enfant ou d’un adolescent qu’elles jugeraient utile… » Article conforme avec l’esprit et la lettre de l’ensemble de la loi de 2005. C’est à la personne (à ses parents lorsqu’elle est mineure) de saisir la CDAPH aux fins de recherche éventuelle d’évolution dans les modalités d’une prise en compte de ses besoins.
Or l’amendement adopté prévoit que, désormais, les équipes de suivi de scolarisation de la MDPH puissent, « après avoir consulté et recueilli l’avis de ses parents ou de son représentant légal, proposer à la commission, etc.] Ainsi donc, à "l’accord" des parents se substituerait une simple consultation de leur "avis". La commission pourrait désormais se saisir d’une situation et décider de proposer une autre orientation, même si les parents ne le souhaitent pas.
"L’exposé sommaire" des rédacteurs de l’amendement est sans ambigüités : "… Or, à l’heure actuelle, seuls les parents peuvent saisir la MDPH pour demander en cours d’année une révision des notifications de l’accompagnement de l’enfant handicapé. Cet amendement propose de donner également cette faculté à la communauté éducative de l’établissement dans lequel l’enfant est scolarisé, tout en prenant en compte l’avis des parents. Ceci permettrait, ainsi que l’avait noté le rapporteur pour avis du budget enseignement scolaire de mieux suivre l’évolution des besoins des élèves handicapés et de traiter plus équitablement le « payeur » qu’est l’Éducation nationale. En outre ceci correspondrait aux intérêts avérés des élèves, notamment au regard du développement de leur autonomie en cours d’année."
Ce retour en arrière – s’il était maintenu – remettrait en cause un principe essentiel qui vise à respecter les droits de ces enfants. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, aspect fondamental de la Convention internationale des droits de l’enfant (art 3 al 1), est désormais intégré dans le droit français. L’intérêt de l’enfant handicapé est en l’occurrence une considération primordiale et passe avant toute considération de « traitement financier équitable » de telle ou telle administration ou structure.
La plupart des associations de personnes et de parents d’enfants en situation de handicap ont aussitôt saisi les ministres concernés. Fort heureusement le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, a indiqué lors d’une visite d’établissement dans le Val-d’Oise, le 12 avril dernier : "nous retirerons cet amendement" à l’occasion du très prochain débat au Sénat.
DEI-France, qui a participé à plusieurs ateliers de la Concertation pour refonder l’Ecole organisée par le gouvernement de juin à septembre 2012, dont celui sur la « réussite des élèves en situation de handicap », prend acte de cette promesse et ne peut que se réjouir de cette sage décision.
Nous vous invitons donc à aller dans le sens de cette annonce du ministre en votant l’annulation de cette modification de l’article L. 112-2-1 du Code de l’éducation.
DEI-France souhaite également que cette loi aille dans le sens d’un meilleur travail entre les ministères concernés (Education nationale, Santé, Handicap, Jeunesse, etc.) pour poursuivre le déploiement de tous les accompagnements nécessaires en termes de prévention, de soins, en termes sociaux et médico-sociaux, en termes de loisirs, de sports et de culture, en termes de scolarisation et de formation, en relation étroite avec les structures ordinaires ou spécialisées concernées et les collectivités territoriales impliquées. Conformément à la loi, nous souhaitons que soit réalisé "l’accès de tous, à tout, partout, tout au long de la vie".
La formation initiale et continue des enseignants, que cette loi d’orientation et de programmation a remise à l’honneur, doit aussi leur permettre de mieux accueillir les jeunes personnes en situation de handicap dans les établissements scolaires ; il s’agit là d’une priorité qui devrait se traduire dans les actes dès la rentrée prochaine. S’inscrivant dans les perspectives ouvertes par la Convention internationale des droits de l’enfant, DEI France rappelle que la "Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées" adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 13 décembre 2006 prévoit explicitement dans son article 7 2 l’égalité avec les autres enfants, stipule que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et que "…les opinions de l’enfant [doivent être] prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité, et [que l’enfant doit] obtenir pour l’exercice de ce droit une aide adaptée à son handicap et à son âge".3
Ainsi nous resterons très attentifs à ce qu’aucune disposition légale ou réglementaire, aucune mesure ou directive, tant au plan national que local, ne vienne s’opposer aux droits reconnus à tous les enfants ni contredire les objectifs de la loi de refondation de l’Ecole républicaine, rappelés encore tout récemment par le ministre dans le préambule de la circulaire de rentrée 2013 3 : "…
Dès la rentrée scolaire 2013 et tout au long des prochaines années, il s’agit d’accomplir les évolutions souhaitées pour renouer avec la promesse républicaine de la réussite pour tous…". Cette réussite, nous la devons aux enfants en situation de handicap comme aux autres ; la loi de refondation de l’Ecole est l’occasion de renouveler cette ambition et d’y répondre mieux encore.
Vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de notre haute considération
Sophie Graillat
Présidente de DEI-France
1 http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/0767/AN/274.asp
2 désormais ratifiée en France (2007) et exécutable depuis mai 2008, à l’adresse : :http://www.un.org/french/disabilities/
3 http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=71409