M. Alain Rousset, Président de l’ARF
Monsieur le Président,
La « Commission Jeunesse » de l’ARF, réunie en séance plénière le mercredi 19 novembre 2014, a travaillé sur la place de la « politique de jeunesse » et sa nécessaire montée en puissance dans le cadre des évolutions institutionnelles actuelles et de la loi sur la « Nouvelle organisation des territoires de la République ». Elle constate qu’en dépit des déclarations émanant des plus hautes autorités de l’Etat et après la mise en place, il y a plusieurs mois maintenant, d’un Comité Interministériel de la Jeunesse, les évolutions qui se profilent ne semblent pas permettre le développement d’une véritable politique transversale en faveur de la jeunesse.
En particulier, il ne nous semble pas que les Régions qui sont, à nos yeux et plus que jamais, le bon échelon pour garantir une prise en charge globale, coordonnée et cohérente des actions en faveur de la jeunesse, soient aujourd’hui clairement identifiées pour engager cette évolution indispensable : la juxtaposition de guichets et d’interlocuteurs, la multiplication d’actions peu lisibles et mal articulées entre elles, le fait que de nombreuses structures (dont celles de l’Éducation nationale) ne semblent nullement concernées par le redécoupage territorial et la définition des nouvelles compétences régionales, l’absence d’une instance régionale de concertation et de structuration permettant d’offrir à chaque jeune, de manière lisible et accessible, l’ensemble des informations et propositions nécessaires à son accès à l’autonomie et à la citoyenneté… tout cela nous apparaît compromettre gravement les espoirs que nous avions collectivement portés, depuis « Jeunesse en Régions » à Arcachon, et renouvelées et approfondis lors de « Jeunesse en Régions » à Metz.
Or, la situation de la jeunesse ne cesse de s’aggraver au regard de la nature même de la crise économique (chômage, précarisation, difficulté d’accès à l’autonomie, etc.). À la fracture sociale, s’ajoute désormais une fracture territoriale et, à court terme, la fracture générationnelle pourrait compromettre gravement le lien social. Toutes les observations concordent en effet : si certains jeunes privilégiés parviennent encore à accéder, sans difficultés particulières, à la formation et à l’emploi, la majorité d’entre eux ressent un sentiment d’abandon et considère que la société ne leur permet d’accéder à la place et au statut auxquels ils aspirent ; se sentant exclus, il se contentent alors de rechercher et réclamer les aides qui leur sont dues et au regard desquelles ils se comportent plus en « consommateurs qu’en « citoyens », quand ils n’ont pas la tentation de s’exclure euxmêmes du « contrat social », de récuser « la politique » sous toutes ses formes, voire de se réfugier dans des positions de repli clanique ou d’engagement extrémiste. La désespérance que nous sentons monter ainsi au quotidien représente un danger très grave pour la République que seule une politique d’ensemble, claire et volontariste, menée de manière solidaire par tous les acteurs dans le cadre régional, nous paraît susceptible d’enrayer.
Face à cette urgence, il est impératif que toutes les institutions qui oeuvrent en faveur de la jeunesse sur les territoires, agissent ensemble et mieux, mieux parce qu’ensemble. Et ensemble au sein de Régions capables d’incarner, pour tous les jeunes, les « nouveaux territoires de l’espérance ».
En effet, les futures Régions seront dotées de compétences structurantes : économie, mobilité, formation, aménagement du territoire…. Parce que la jeunesse est au croisement de tous ces domaines, il sera de notre responsabilité d’accompagner les jeunes sur des parcours de réussite afin qu’ils deviennent les moteurs de la France de demain, en développant une véritable « culture de la relève ».
C’est pourquoi la « Commission « jeunesse » de l’ARF souhaite vivement que les Régions soient clairement identifiées, à l’occasion de la réforme territoriale en cours d’élaboration, comme les « ensembliers » des politiques de jeunesse et les garantes de leur mise en oeuvre sur les territoires. Elle souhaite que cette responsabilité soit spécifiée dans la loi. La délégation de la compétence « Jeunesse » aux Régions apparaîtrait comme un acte fort de décentralisation et constituerait un message important adressé à la Jeunesse en quête de lisibilité des dispositifs d’aide et de soutien institutionnels. En quête, aussi, d’un cadre valorisant les engagements et la créativité dont de nombreux jeunes témoignent mais qui, aujourd’hui, n’est essentiellement reconnue que par les Régions.
Nous rappelons, à cet égard, que tout cela pourrait s’effectuer dans la perspective de la proposition que la « Commission Jeunesse » a déjà formulée – et que nous nous permettons de reproduire ci-dessous – de « Conférences permanentes régionales de la jeunesse. »
Afin de pouvoir développer ces analyses et ces propositions, la « Commission Jeunesse » sollicite votre intercession afin que ses membres (en particuliers les élus en charge de la jeunesse dans les différentes régions) puissent être entendus rapidement par les parlementaires et, en particulier, par les commissions et les rapporteurs des deux assemblées en charge de la réforme territoriale.
Au nom de toute la commission, je vous remercie infiniment de tout ce que vous pourrez faire pour cela et vous assure, Monsieur le Président, de notre dévouement au service de la République et de sa jeunesse dont elle a tant besoin…
Philippe MEIRIEU
Lire la suite : lettre COM JEUNESSE ARF_REVU