PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Veille et Analyse TICE – le 27 mai 2013 :

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On a trop souvent associé par lien de causalité les TICE et la pédagogie. Ainsi, il y aurait de nouvelles pédagogies avec les TICE. C’est devenu un allant de soi, presqu’un lieu commun en tout cas une évidence pour nombre de personnes, en particulier celles qui ne connaissent l’acte d’enseigner et d’apprendre qu’à partir de leur expérience d’enfance et de jeunesse. C’est aussi une évidence pour nombre de zélateurs, marchands, promoteurs des TIC, que celles-ci vont améliorer la pédagogie, la changer etc… En fait cette illusion d’optique vient du fait que les TIC sont d’abord un intrus dans une situation d’enseignement qui s’en est longtemps passée (quelques centaines d’années)  Parce qu’elles dérangent, elles seraient vecteur de changement, de nouveauté, voire d’amélioration. C’est en fait un imaginaire qui s’exprime ici, imaginaire qui fait se rejoindre des évolutions techniques (souvent considérées comme bonne pour l’homme a-priori) présentées comme innovantes et porteuses d’avenir avec des pratiques sociales, en particulier l’enseignement qui leur pré-existe. Or cette pratique de l’enseignement que chacun a pu connaître en tant qu’élève a laissé des traces dont la plus significative est le sentiment d’écart que la situation scolaire introduit avec le monde réel, le monde de la famille, de la rue. Rappelons ici que cet écart a été voulu par les fondateurs du système scolaire tant le monde réel était médiocre dans sa capacité à « conduire hors de » à « élever » l’humain pour reprendre l’étymologie du terme éduquer.

L’allant de soi parle de nouvelles pédagogie sans aller beaucoup plus loin, une enseignante expérimentant la tablette numérique dans sa classe récemment appelait cette nouvelle pédagogie de ses voeux. La pressentant intimement comme à portée de la main, elle ne savait pas la définir, dire ce qu’elle était. Parce qu’on oublie d’analyser la nature de l’intrusion, on ne peut pas envisager les changements possibles, nécessaires, voire imposés par l’introduction des TIC sur la scène de l’éducation et de l’enseignement. Or l’intrusion des TIC et du numérique en général provoque plusieurs interrogations au monde de l’enseignement : celle des contenus disciplinaires, celle de la gestion du groupe classe, celle de l’espace de travail, celle de la relation humaine, celle de la pédagogie, celle de l’évaluation. A partir de cette analyse (dont l’exhaustivité n’est pas assurée), on peut commencer à imaginer les changements à apporter à un enseignement qui accueille les TICE.

1 – Interrogation des contenus à enseigner.

L’enseignant est confronté à l’explosion exponentiel des nouveaux savoirs dans chacune des disciplines du fait des possibilités nouvelles permises par le numérique. Fort heureusement, les programmes, parties de savoir retenues par des « spécialistes », limitent l’ampleur de la prise en compte de ces évolutions. Mais dès lors que l’enseignant confronte ces programmes aux travaux de recherche, désormais disponibles en ligne, il mesure aisément la difficulté qu’il peut avoir à suivre. Et ce d’autant plus que les élèves ont aussi accès à ces travaux, qu’ils soient valides ou non de surcroit. Les conséquences pratiques dans la classe sont la nécessaire acceptation de l’irruption de savoirs « inconnus » dans l’espace d’enseignement, l’indispensable veille informationnelle sur ses propres connaissances, l’élévation du niveau personnel de conscience critique par rapport aux « nouveaux savoirs » ou énoncés comme tels et enfin l’organisation didactique de la séance qui donne leur juste place au TIC ayant servi à l’émergence des nouveaux savoirs (exemple des démarches d’investigation ou de problématisation, ou encore des simulations).

2 – Interrogation du groupe classe

Face au groupe classe l’enseignant est traditionnellement un « apporteur ». Parce qu’il sélectionne, trie, prépare, propose, l’enseignant apporte aux élèves un ensemble de savoirs et de connaissances qui vont faire l’objet de l’apprentissage. Le développement des TIC l’invite à être de plus en plus un « partageur » de savoirs et de connaissances. Plus encore il est aussi amené à devenir un accompagnateur face à un groupe classe qui, dans sa diversité d’usages, s’organise et se structure autour des outils numériques utilisés en classe, mais aussi en dehors. La dimension éducative de la relation au groupe est aussi liée à des choix d’organisation des activités des élèves dans lesquelles l’enseignant peut ou non, à l’aide des TIC, associer tous les élèves. Le travail collaboratif est, à ce sujet, particulièrement important, mais bien au delà c’est la pratique collaborative des jeunes qui est un des supports privilégiés que l’enseignant peut mettre en oeuvre, car il s’appuie sur la « logique des pairs » si présente à l’adolescence, générant d’ailleurs parfois des rejets du groupe ou de nouvelles formes d’intégration grâce à l’écran qui donne une « autre image de soi » au sein d’un collectif.
A coté des ces éléments, la notion de groupe classe résiste mal à l’analyse fine de chacun(e) des membres au sein du groupe. D’où une tendance à proposer une différenciation, voire une individualisation des parcours en s’appuyant sur les TIC. En d’autres termes, l’utilisation de certains moyens numériques peut amener à voir éclater la notion de groupe classe, à l’intérieur de la classe elle-même. C’est aussi le cas entre classes et niveaux (cas des groupes de besoin, de niveaux)  avec des systèmes de suivi différenciés guidés par ordinateur qui peuvent rappeler soit l’enseignement programmé (voir les pédagogies personnalisées aussi) soit la gestion individualisée de parcours (portfolio, portefeuille de compétences etc..) soit même l’autoformation intégrale (autodidaxie…)

3 – Interrogation de l’espace de travail (dans et hors l’école)

Dans la salle de classe traditionnelle, les premiers ordinateurs scolaires (TO7, MO5) avaient du mal à trouver une place tant ils étaient encombrants. Avec le nanoréseau, ils ont vite amené les établissements à mettre en place des salles dédiées. Très vite aussi, certains se sont demandé si l’on ne pourrait pas mettre un ou deux ordinateurs en fond de salle. La place prise par l’ordinateur a certes diminuée, mais les écrans se sont petit à petit imposés, de plus en plus petits et faciles d’usage mais surtout connectés, d’abord dans l’établissement, puis rapidement en dehors des murs grâce à Internet. Si actuellement encore, les salles peuplées d’ordinateur restent majoritaires, chariots mobiles d’une part équipement personnels en ordinateurs portables ou tablette d’autre part annoncent leur prochaine disparition. L’arrivée des vidéoprojecteurs (fixe en particulier) et surtout des TBI ont ajouté un autre type de trouble à l’organisation spatiale de la classe mais aussi de l’établissement (qui a le TBI dans sa classe). Les centres de documentation n’échappent pas à cette interrogation. D’une part la numérisation des livres pose la question de l’avenir des « lieux de stockage » et de leur renouvellement, d’autre part la mise en ligne des logiciels d’accès à la documentation (BCDIweb, e-sidoc, PMB etc..) modifient la « géographie » et le temps d’accès aux ressources, d’autre part enfin, le développement de logiciels de liens, de curation, voire de production de contenus, dans les CDI mêmes, est une opportunité de reconsidérer l’espace temps de ces lieux (ce que tente de poser le travail mené sur les CCC). C’est aussi l’arrivée de l’amplification de la désynchronisation du temps de travail de l’enseignant de celui de l’élève. Les formes hybrides permettent un assouplissement des temps et des lieux de l’activité de chacun. Si l’on y ajoute les différents services proposés par les ENT, on peut effectivement envisager des formes nouvelles qui modifient physiquement le travail.

4 – Interrogation de la relation humaine

Le travail d’enseignement est fondé sur une relation entre humains qui présente de nombreuses facettes. La base de cette relation est la dissymétrie instituée entre l’enseignant et l’élève, celui qui sait et celui qui apprend. Comme celui qui sait est aussi celui qui contrôle les apprentissages, son rôle est renforcé par ce pouvoir important, aussi bien réel qu’imaginaire. Pour certains cette relation est une opposition symbolisée par le face à face, pour d’autres elle est plutôt une collaboration vers un objectif de réussite pour celui qui apprend et un objectif de légitimation pour celui qui enseigne. L’arrivée du numérique provoque un déséquilibre potentiel dans la relation : un tiers machinique vient troubler une relation duale, entre le maître et le groupe, entre un enseignant et un élève. Il suffit de considérer le jeu des regards dans l’espace classe peuplé d’écrans pour comprendre le trouble possible. Les ordinateurs dérangent l’ordonnancement de la classe, l’organisation spatiale, obligeant à d’autres circulations, d’autres formes d’échanges. Certaines installations informatiques en réseau avec poste maître avaient un argumentaire pour le professeur qui déclarait que « sans bouger de sa place » l’enseignant pouvait voir tout ce que faisait l’élève, l’aider, etc… le sens de ces arguments doit être analysé à l’aune de cette conception de la relation humaine. Avec la mise à distance, paradoxalement et selon les dispositifs, une nouvelle proximité a émergé : celle de la relation inter-individuelle, survivance du préceptorat, que l’on retrouve aussi dans certaines formes d’accompagnement personnalisé.
Avec les objets numériques nomades connectés, un nouvel intrus est entré dans la classe : le halo communicationnel de chacun. Par le SMS, le mail, le réseau social etc… un lien permanent est établi avec un autre ou d’autres, qui ne sont pas présents dans la salle. Lien avec d’autres personnes, mais aussi d’autres contenus qui font dire aux enseignants face à des forêts d’écrans dans les salles ou les amphis qu’ils ne savent plus « à qui ils parlent ».
Enfin il y a aussi l’effondrement des murs relationnels que la distance physique maintenait éloignés. Avec les parents, avec l’institution, avec les partenaires de l’établissement, de nouvelles relations sont possibles. La peur se l’autre, souvent exprimée avant de le rencontrer, ou après des échanges parfois difficiles, s’est assez souvent exprimé à propose des nouvelles possibilités offertes par les ENT, les cahiers de texte numérique, les pages Facebook et autres outils de communication. L’organisation scolaire peut prendre une nouvelle dimension du fait de ces liens potentiels. On pressent que la relation humaine est en cours d’évolution. Au delà des traditionnelles images de conflit générationnel (images surtout vendeuses dans les médias au service d’un imaginaire scolaire), il y a un réel changement qui rend possible de nouvelles formes d’échanges, dans les deux sens : l’élève comme l’enseignant, chacun donne à voir de nouvelles facettes de son activité, encore faut-il que cela puisse être parlé.

5 – Interrogation de la pédagogie

Dans un article pour le journal Le Monde intitulé « Oser une pédagogie numérique » le 12 octobre 2011, peu avant la publication de son deuxième rapport, Jean Michel Fourgous fait du changement pédagogique une sorte d’association avec le numérique. Association et non pas conséquence, car finalement l’auteur n’apporte pas de réponse du coté du numérique et ressort plutôt les réponses pédagogiques « amplifiables » par le numérique. C’est probablement là que se trouve la méprise. On croit que l’objet a des vertus telles qu’il aurait ce pouvoir de changer cet aspect du travail de l’enseignant. Dans cet article, le seul terme qui tend à parler de pédagogie est celui de mutualisation (le mot innovant n’étant pas lié à la spécificité de l’enseignement scolaire). En fait, comme beaucoup d’autres avant lui, il s’est heurté au fait que l’on fait miroiter une autre pédagogie alors qu’il s’agit simplement d’autoriser certaines pédagogies à l’occasion de la place prise par le numérique. Car des pédagogies nouvelles, il n’en existe que très rarement…. et ce sont surtout des pratiques revisitées, enrichies, modifiées, par tel ou tel artefact ou dispositif.
Le mythe de l’innovation ne doit tromper personne. Le numérique porte pour lui même ses nouveautés, qui ne sont souvent que la résultante d’une suite d’évolutions, mais pas de changements aussi radicaux que l’on tente de nous le faire croire. Parce qu’il y a des changements techniques, on présuppose des changements pédagogiques. Le numérique dérange surtout la pédagogie inscrite dans les murs des écoles, celle qui fonde la forme scolaire en vigueur depuis près de deux siècles. La question pédagogique avec le numérique n’est que le résultat (pas la résultante) des quatre autres interrogations. C’est parce qu’il y a cette remise en question d’un modèle pédagogique antérieur que l’on croit qu’il y en aurait une nouvelle avec le numérique. Mais ce qui touche le plus le pédagogue, c’est le potentiel incroyable qu’offre le numérique pour enrichir sa pédagogie. Pris de panique, parfois, devant cette puissance, il idéalise la nouveauté, appuyé par des médias ignorants et peureux. Oui le numérique questionne la pédagogie, mais celle qui est en place, pas une pédagogie rêvée. En offrant de nouveaux accès aux savoirs, de nouvelles interactions, de nouvelles modalités techniques, le numérique renvoie le pédagogue à son « antre », la salle de classe. Il en montre l’étroitesse, la limite, voire l’insuffisance. Il en montre aussi l’arrogance, d’avoir voulu pendant deux siècles « donner la leçon », Or l’école doit se repositionner de ce fait : « elle prend une bonne leçon »… Les accompagnateurs de la pédagogie, éditeurs scolaires, relais institutionnels etc… tentent d’éviter un choix trop important, surtout que la forme scolaire nouvelle, si tant est qu’il en faille une, n’est pas encore émergeante.

Oui le numérique dérange l’école ! Sachons faire de ce dérangement une chance pour renouveler les modes de construction des connaissances…

A suivre et à débattre

– See more at: http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1385#sthash.vVqyOW3b.dpuf

On a trop souvent associé par lien de causalité les TICE et la pédagogie. Ainsi, il y aurait de nouvelles pédagogies avec les TICE. C’est devenu un allant de soi, presqu’un lieu commun en tout cas une évidence pour nombre de personnes, en particulier celles qui ne connaissent l’acte d’enseigner et d’apprendre qu’à partir de leur expérience d’enfance et de jeunesse. C’est aussi une évidence pour nombre de zélateurs, marchands, promoteurs des TIC, que celles-ci vont améliorer la pédagogie, la changer etc… En fait cette illusion d’optique vient du fait que les TIC sont d’abord un intrus dans une situation d’enseignement qui s’en est longtemps passée (quelques centaines d’années)  Parce qu’elles dérangent, elles seraient vecteur de changement, de nouveauté, voire d’amélioration. C’est en fait un imaginaire qui s’exprime ici, imaginaire qui fait se rejoindre des évolutions techniques (souvent considérées comme bonne pour l’homme a-priori) présentées comme innovantes et porteuses d’avenir avec des pratiques sociales, en particulier l’enseignement qui leur pré-existe. Or cette pratique de l’enseignement que chacun a pu connaître en tant qu’élève a laissé des traces dont la plus significative est le sentiment d’écart que la situation scolaire introduit avec le monde réel, le monde de la famille, de la rue. Rappelons ici que cet écart a été voulu par les fondateurs du système scolaire tant le monde réel était médiocre dans sa capacité à « conduire hors de » à « élever » l’humain pour reprendre l’étymologie du terme éduquer.

L’allant de soi parle de nouvelles pédagogie sans aller beaucoup plus loin, une enseignante expérimentant la tablette numérique dans sa classe récemment appelait cette nouvelle pédagogie de ses voeux. La pressentant intimement comme à portée de la main, elle ne savait pas la définir, dire ce qu’elle était. Parce qu’on oublie d’analyser la nature de l’intrusion, on ne peut pas envisager les changements possibles, nécessaires, voire imposés par l’introduction des TIC sur la scène de l’éducation et de l’enseignement. Or l’intrusion des TIC et du numérique en général provoque plusieurs interrogations au monde de l’enseignement : celle des contenus disciplinaires, celle de la gestion du groupe classe, celle de l’espace de travail, celle de la relation humaine, celle de la pédagogie, celle de l’évaluation. A partir de cette analyse (dont l’exhaustivité n’est pas assurée), on peut commencer à imaginer les changements à apporter à un enseignement qui accueille les TICE.

1 – Interrogation des contenus à enseigner.

L’enseignant est confronté à l’explosion exponentiel des nouveaux savoirs dans chacune des disciplines du fait des possibilités nouvelles permises par le numérique. Fort heureusement, les programmes, parties de savoir retenues par des « spécialistes », limitent l’ampleur de la prise en compte de ces évolutions. Mais dès lors que l’enseignant confronte ces programmes aux travaux de recherche, désormais disponibles en ligne, il mesure aisément la difficulté qu’il peut avoir à suivre. Et ce d’autant plus que les élèves ont aussi accès à ces travaux, qu’ils soient valides ou non de surcroit. Les conséquences pratiques dans la classe sont la nécessaire acceptation de l’irruption de savoirs « inconnus » dans l’espace d’enseignement, l’indispensable veille informationnelle sur ses propres connaissances, l’élévation du niveau personnel de conscience critique par rapport aux « nouveaux savoirs » ou énoncés comme tels et enfin l’organisation didactique de la séance qui donne leur juste place au TIC ayant servi à l’émergence des nouveaux savoirs (exemple des démarches d’investigation ou de problématisation, ou encore des simulations).

2 – Interrogation du groupe classe

Face au groupe classe l’enseignant est traditionnellement un « apporteur ». Parce qu’il sélectionne, trie, prépare, propose, l’enseignant apporte aux élèves un ensemble de savoirs et de connaissances qui vont faire l’objet de l’apprentissage. Le développement des TIC l’invite à être de plus en plus un « partageur » de savoirs et de connaissances. Plus encore il est aussi amené à devenir un accompagnateur face à un groupe classe qui, dans sa diversité d’usages, s’organise et se structure autour des outils numériques utilisés en classe, mais aussi en dehors. La dimension éducative de la relation au groupe est aussi liée à des choix d’organisation des activités des élèves dans lesquelles l’enseignant peut ou non, à l’aide des TIC, associer tous les élèves. Le travail collaboratif est, à ce sujet, particulièrement important, mais bien au delà c’est la pratique collaborative des jeunes qui est un des supports privilégiés que l’enseignant peut mettre en oeuvre, car il s’appuie sur la « logique des pairs » si présente à l’adolescence, générant d’ailleurs parfois des rejets du groupe ou de nouvelles formes d’intégration grâce à l’écran qui donne une « autre image de soi » au sein d’un collectif.
A coté des ces éléments, la notion de groupe classe résiste mal à l’analyse fine de chacun(e) des membres au sein du groupe. D’où une tendance à proposer une différenciation, voire une individualisation des parcours en s’appuyant sur les TIC. En d’autres termes, l’utilisation de certains moyens numériques peut amener à voir éclater la notion de groupe classe, à l’intérieur de la classe elle-même. C’est aussi le cas entre classes et niveaux (cas des groupes de besoin, de niveaux)  avec des systèmes de suivi différenciés guidés par ordinateur qui peuvent rappeler soit l’enseignement programmé (voir les pédagogies personnalisées aussi) soit la gestion individualisée de parcours (portfolio, portefeuille de compétences etc..) soit même l’autoformation intégrale (autodidaxie…)

3 – Interrogation de l’espace de travail (dans et hors l’école)

Dans la salle de classe traditionnelle, les premiers ordinateurs scolaires (TO7, MO5) avaient du mal à trouver une place tant ils étaient encombrants. Avec le nanoréseau, ils ont vite amené les établissements à mettre en place des salles dédiées. Très vite aussi, certains se sont demandé si l’on ne pourrait pas mettre un ou deux ordinateurs en fond de salle. La place prise par l’ordinateur a certes diminuée, mais les écrans se sont petit à petit imposés, de plus en plus petits et faciles d’usage mais surtout connectés, d’abord dans l’établissement, puis rapidement en dehors des murs grâce à Internet. Si actuellement encore, les salles peuplées d’ordinateur restent majoritaires, chariots mobiles d’une part équipement personnels en ordinateurs portables ou tablette d’autre part annoncent leur prochaine disparition. L’arrivée des vidéoprojecteurs (fixe en particulier) et surtout des TBI ont ajouté un autre type de trouble à l’organisation spatiale de la classe mais aussi de l’établissement (qui a le TBI dans sa classe). Les centres de documentation n’échappent pas à cette interrogation. D’une part la numérisation des livres pose la question de l’avenir des « lieux de stockage » et de leur renouvellement, d’autre part la mise en ligne des logiciels d’accès à la documentation (BCDIweb, e-sidoc, PMB etc..) modifient la « géographie » et le temps d’accès aux ressources, d’autre part enfin, le développement de logiciels de liens, de curation, voire de production de contenus, dans les CDI mêmes, est une opportunité de reconsidérer l’espace temps de ces lieux (ce que tente de poser le travail mené sur les CCC). C’est aussi l’arrivée de l’amplification de la désynchronisation du temps de travail de l’enseignant de celui de l’élève. Les formes hybrides permettent un assouplissement des temps et des lieux de l’activité de chacun. Si l’on y ajoute les différents services proposés par les ENT, on peut effectivement envisager des formes nouvelles qui modifient physiquement le travail.

4 – Interrogation de la relation humaine

Le travail d’enseignement est fondé sur une relation entre humains qui présente de nombreuses facettes. La base de cette relation est la dissymétrie instituée entre l’enseignant et l’élève, celui qui sait et celui qui apprend. Comme celui qui sait est aussi celui qui contrôle les apprentissages, son rôle est renforcé par ce pouvoir important, aussi bien réel qu’imaginaire. Pour certains cette relation est une opposition symbolisée par le face à face, pour d’autres elle est plutôt une collaboration vers un objectif de réussite pour celui qui apprend et un objectif de légitimation pour celui qui enseigne. L’arrivée du numérique provoque un déséquilibre potentiel dans la relation : un tiers machinique vient troubler une relation duale, entre le maître et le groupe, entre un enseignant et un élève. Il suffit de considérer le jeu des regards dans l’espace classe peuplé d’écrans pour comprendre le trouble possible. Les ordinateurs dérangent l’ordonnancement de la classe, l’organisation spatiale, obligeant à d’autres circulations, d’autres formes d’échanges. Certaines installations informatiques en réseau avec poste maître avaient un argumentaire pour le professeur qui déclarait que « sans bouger de sa place » l’enseignant pouvait voir tout ce que faisait l’élève, l’aider, etc… le sens de ces arguments doit être analysé à l’aune de cette conception de la relation humaine. Avec la mise à distance, paradoxalement et selon les dispositifs, une nouvelle proximité a émergé : celle de la relation inter-individuelle, survivance du préceptorat, que l’on retrouve aussi dans certaines formes d’accompagnement personnalisé.
Avec les objets numériques nomades connectés, un nouvel intrus est entré dans la classe : le halo communicationnel de chacun. Par le SMS, le mail, le réseau social etc… un lien permanent est établi avec un autre ou d’autres, qui ne sont pas présents dans la salle. Lien avec d’autres personnes, mais aussi d’autres contenus qui font dire aux enseignants face à des forêts d’écrans dans les salles ou les amphis qu’ils ne savent plus « à qui ils parlent ».
Enfin il y a aussi l’effondrement des murs relationnels que la distance physique maintenait éloignés. Avec les parents, avec l’institution, avec les partenaires de l’établissement, de nouvelles relations sont possibles. La peur se l’autre, souvent exprimée avant de le rencontrer, ou après des échanges parfois difficiles, s’est assez souvent exprimé à propose des nouvelles possibilités offertes par les ENT, les cahiers de texte numérique, les pages Facebook et autres outils de communication. L’organisation scolaire peut prendre une nouvelle dimension du fait de ces liens potentiels. On pressent que la relation humaine est en cours d’évolution. Au delà des traditionnelles images de conflit générationnel (images surtout vendeuses dans les médias au service d’un imaginaire scolaire), il y a un réel changement qui rend possible de nouvelles formes d’échanges, dans les deux sens : l’élève comme l’enseignant, chacun donne à voir de nouvelles facettes de son activité, encore faut-il que cela puisse être parlé.

5 – Interrogation de la pédagogie

Dans un article pour le journal Le Monde intitulé « Oser une pédagogie numérique » le 12 octobre 2011, peu avant la publication de son deuxième rapport, Jean Michel Fourgous fait du changement pédagogique une sorte d’association avec le numérique. Association et non pas conséquence, car finalement l’auteur n’apporte pas de réponse du coté du numérique et ressort plutôt les réponses pédagogiques « amplifiables » par le numérique. C’est probablement là que se trouve la méprise. On croit que l’objet a des vertus telles qu’il aurait ce pouvoir de changer cet aspect du travail de l’enseignant. Dans cet article, le seul terme qui tend à parler de pédagogie est celui de mutualisation (le mot innovant n’étant pas lié à la spécificité de l’enseignement scolaire). En fait, comme beaucoup d’autres avant lui, il s’est heurté au fait que l’on fait miroiter une autre pédagogie alors qu’il s’agit simplement d’autoriser certaines pédagogies à l’occasion de la place prise par le numérique. Car des pédagogies nouvelles, il n’en existe que très rarement…. et ce sont surtout des pratiques revisitées, enrichies, modifiées, par tel ou tel artefact ou dispositif.
Le mythe de l’innovation ne doit tromper personne. Le numérique porte pour lui même ses nouveautés, qui ne sont souvent que la résultante d’une suite d’évolutions, mais pas de changements aussi radicaux que l’on tente de nous le faire croire. Parce qu’il y a des changements techniques, on présuppose des changements pédagogiques. Le numérique dérange surtout la pédagogie inscrite dans les murs des écoles, celle qui fonde la forme scolaire en vigueur depuis près de deux siècles. La question pédagogique avec le numérique n’est que le résultat (pas la résultante) des quatre autres interrogations. C’est parce qu’il y a cette remise en question d’un modèle pédagogique antérieur que l’on croit qu’il y en aurait une nouvelle avec le numérique. Mais ce qui touche le plus le pédagogue, c’est le potentiel incroyable qu’offre le numérique pour enrichir sa pédagogie. Pris de panique, parfois, devant cette puissance, il idéalise la nouveauté, appuyé par des médias ignorants et peureux. Oui le numérique questionne la pédagogie, mais celle qui est en place, pas une pédagogie rêvée. En offrant de nouveaux accès aux savoirs, de nouvelles interactions, de nouvelles modalités techniques, le numérique renvoie le pédagogue à son « antre », la salle de classe. Il en montre l’étroitesse, la limite, voire l’insuffisance. Il en montre aussi l’arrogance, d’avoir voulu pendant deux siècles « donner la leçon », Or l’école doit se repositionner de ce fait : « elle prend une bonne leçon »… Les accompagnateurs de la pédagogie, éditeurs scolaires, relais institutionnels etc… tentent d’éviter un choix trop important, surtout que la forme scolaire nouvelle, si tant est qu’il en faille une, n’est pas encore émergeante.

Oui le numérique dérange l’école ! Sachons faire de ce dérangement une chance pour renouveler les modes de construction des connaissances…

A suivre et à débattre

– See more at: http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1385#sthash.vVqyOW3b.dpuf

On a trop souvent associé par lien de causalité les TICE et la pédagogie. Ainsi, il y aurait de nouvelles pédagogies avec les TICE. C’est devenu un allant de soi, presqu’un lieu commun en tout cas une évidence pour nombre de personnes, en particulier celles qui ne connaissent l’acte d’enseigner et d’apprendre qu’à partir de leur expérience d’enfance et de jeunesse. C’est aussi une évidence pour nombre de zélateurs, marchands, promoteurs des TIC, que celles-ci vont améliorer la pédagogie, la changer etc… En fait cette illusion d’optique vient du fait que les TIC sont d’abord un intrus dans une situation d’enseignement qui s’en est longtemps passée (quelques centaines d’années)  Parce qu’elles dérangent, elles seraient vecteur de changement, de nouveauté, voire d’amélioration. C’est en fait un imaginaire qui s’exprime ici, imaginaire qui fait se rejoindre des évolutions techniques (souvent considérées comme bonne pour l’homme a-priori) présentées comme innovantes et porteuses d’avenir avec des pratiques sociales, en particulier l’enseignement qui leur pré-existe. Or cette pratique de l’enseignement que chacun a pu connaître en tant qu’élève a laissé des traces dont la plus significative est le sentiment d’écart que la situation scolaire introduit avec le monde réel, le monde de la famille, de la rue. Rappelons ici que cet écart a été voulu par les fondateurs du système scolaire tant le monde réel était médiocre dans sa capacité à « conduire hors de » à « élever » l’humain pour reprendre l’étymologie du terme éduquer.

L’allant de soi parle de nouvelles pédagogie sans aller beaucoup plus loin, une enseignante expérimentant la tablette numérique dans sa classe récemment appelait cette nouvelle pédagogie de ses voeux. La pressentant intimement comme à portée de la main, elle ne savait pas la définir, dire ce qu’elle était. Parce qu’on oublie d’analyser la nature de l’intrusion, on ne peut pas envisager les changements possibles, nécessaires, voire imposés par l’introduction des TIC sur la scène de l’éducation et de l’enseignement. Or l’intrusion des TIC et du numérique en général provoque plusieurs interrogations au monde de l’enseignement : celle des contenus disciplinaires, celle de la gestion du groupe classe, celle de l’espace de travail, celle de la relation humaine, celle de la pédagogie, celle de l’évaluation. A partir de cette analyse (dont l’exhaustivité n’est pas assurée), on peut commencer à imaginer les changements à apporter à un enseignement qui accueille les TICE.

1 – Interrogation des contenus à enseigner.

L’enseignant est confronté à l’explosion exponentiel des nouveaux savoirs dans chacune des disciplines du fait des possibilités nouvelles permises par le numérique. Fort heureusement, les programmes, parties de savoir retenues par des « spécialistes », limitent l’ampleur de la prise en compte de ces évolutions. Mais dès lors que l’enseignant confronte ces programmes aux travaux de recherche, désormais disponibles en ligne, il mesure aisément la difficulté qu’il peut avoir à suivre. Et ce d’autant plus que les élèves ont aussi accès à ces travaux, qu’ils soient valides ou non de surcroit. Les conséquences pratiques dans la classe sont la nécessaire acceptation de l’irruption de savoirs « inconnus » dans l’espace d’enseignement, l’indispensable veille informationnelle sur ses propres connaissances, l’élévation du niveau personnel de conscience critique par rapport aux « nouveaux savoirs » ou énoncés comme tels et enfin l’organisation didactique de la séance qui donne leur juste place au TIC ayant servi à l’émergence des nouveaux savoirs (exemple des démarches d’investigation ou de problématisation, ou encore des simulations).

2 – Interrogation du groupe classe

Face au groupe classe l’enseignant est traditionnellement un « apporteur ». Parce qu’il sélectionne, trie, prépare, propose, l’enseignant apporte aux élèves un ensemble de savoirs et de connaissances qui vont faire l’objet de l’apprentissage. Le développement des TIC l’invite à être de plus en plus un « partageur » de savoirs et de connaissances. Plus encore il est aussi amené à devenir un accompagnateur face à un groupe classe qui, dans sa diversité d’usages, s’organise et se structure autour des outils numériques utilisés en classe, mais aussi en dehors. La dimension éducative de la relation au groupe est aussi liée à des choix d’organisation des activités des élèves dans lesquelles l’enseignant peut ou non, à l’aide des TIC, associer tous les élèves. Le travail collaboratif est, à ce sujet, particulièrement important, mais bien au delà c’est la pratique collaborative des jeunes qui est un des supports privilégiés que l’enseignant peut mettre en oeuvre, car il s’appuie sur la « logique des pairs » si présente à l’adolescence, générant d’ailleurs parfois des rejets du groupe ou de nouvelles formes d’intégration grâce à l’écran qui donne une « autre image de soi » au sein d’un collectif.
A coté des ces éléments, la notion de groupe classe résiste mal à l’analyse fine de chacun(e) des membres au sein du groupe. D’où une tendance à proposer une différenciation, voire une individualisation des parcours en s’appuyant sur les TIC. En d’autres termes, l’utilisation de certains moyens numériques peut amener à voir éclater la notion de groupe classe, à l’intérieur de la classe elle-même. C’est aussi le cas entre classes et niveaux (cas des groupes de besoin, de niveaux)  avec des systèmes de suivi différenciés guidés par ordinateur qui peuvent rappeler soit l’enseignement programmé (voir les pédagogies personnalisées aussi) soit la gestion individualisée de parcours (portfolio, portefeuille de compétences etc..) soit même l’autoformation intégrale (autodidaxie…)

3 – Interrogation de l’espace de travail (dans et hors l’école)

Dans la salle de classe traditionnelle, les premiers ordinateurs scolaires (TO7, MO5) avaient du mal à trouver une place tant ils étaient encombrants. Avec le nanoréseau, ils ont vite amené les établissements à mettre en place des salles dédiées. Très vite aussi, certains se sont demandé si l’on ne pourrait pas mettre un ou deux ordinateurs en fond de salle. La place prise par l’ordinateur a certes diminuée, mais les écrans se sont petit à petit imposés, de plus en plus petits et faciles d’usage mais surtout connectés, d’abord dans l’établissement, puis rapidement en dehors des murs grâce à Internet. Si actuellement encore, les salles peuplées d’ordinateur restent majoritaires, chariots mobiles d’une part équipement personnels en ordinateurs portables ou tablette d’autre part annoncent leur prochaine disparition. L’arrivée des vidéoprojecteurs (fixe en particulier) et surtout des TBI ont ajouté un autre type de trouble à l’organisation spatiale de la classe mais aussi de l’établissement (qui a le TBI dans sa classe). Les centres de documentation n’échappent pas à cette interrogation. D’une part la numérisation des livres pose la question de l’avenir des « lieux de stockage » et de leur renouvellement, d’autre part la mise en ligne des logiciels d’accès à la documentation (BCDIweb, e-sidoc, PMB etc..) modifient la « géographie » et le temps d’accès aux ressources, d’autre part enfin, le développement de logiciels de liens, de curation, voire de production de contenus, dans les CDI mêmes, est une opportunité de reconsidérer l’espace temps de ces lieux (ce que tente de poser le travail mené sur les CCC). C’est aussi l’arrivée de l’amplification de la désynchronisation du temps de travail de l’enseignant de celui de l’élève. Les formes hybrides permettent un assouplissement des temps et des lieux de l’activité de chacun. Si l’on y ajoute les différents services proposés par les ENT, on peut effectivement envisager des formes nouvelles qui modifient physiquement le travail.

4 – Interrogation de la relation humaine

Le travail d’enseignement est fondé sur une relation entre humains qui présente de nombreuses facettes. La base de cette relation est la dissymétrie instituée entre l’enseignant et l’élève, celui qui sait et celui qui apprend. Comme celui qui sait est aussi celui qui contrôle les apprentissages, son rôle est renforcé par ce pouvoir important, aussi bien réel qu’imaginaire. Pour certains cette relation est une opposition symbolisée par le face à face, pour d’autres elle est plutôt une collaboration vers un objectif de réussite pour celui qui apprend et un objectif de légitimation pour celui qui enseigne. L’arrivée du numérique provoque un déséquilibre potentiel dans la relation : un tiers machinique vient troubler une relation duale, entre le maître et le groupe, entre un enseignant et un élève. Il suffit de considérer le jeu des regards dans l’espace classe peuplé d’écrans pour comprendre le trouble possible. Les ordinateurs dérangent l’ordonnancement de la classe, l’organisation spatiale, obligeant à d’autres circulations, d’autres formes d’échanges. Certaines installations informatiques en réseau avec poste maître avaient un argumentaire pour le professeur qui déclarait que « sans bouger de sa place » l’enseignant pouvait voir tout ce que faisait l’élève, l’aider, etc… le sens de ces arguments doit être analysé à l’aune de cette conception de la relation humaine. Avec la mise à distance, paradoxalement et selon les dispositifs, une nouvelle proximité a émergé : celle de la relation inter-individuelle, survivance du préceptorat, que l’on retrouve aussi dans certaines formes d’accompagnement personnalisé.
Avec les objets numériques nomades connectés, un nouvel intrus est entré dans la classe : le halo communicationnel de chacun. Par le SMS, le mail, le réseau social etc… un lien permanent est établi avec un autre ou d’autres, qui ne sont pas présents dans la salle. Lien avec d’autres personnes, mais aussi d’autres contenus qui font dire aux enseignants face à des forêts d’écrans dans les salles ou les amphis qu’ils ne savent plus « à qui ils parlent ».
Enfin il y a aussi l’effondrement des murs relationnels que la distance physique maintenait éloignés. Avec les parents, avec l’institution, avec les partenaires de l’établissement, de nouvelles relations sont possibles. La peur se l’autre, souvent exprimée avant de le rencontrer, ou après des échanges parfois difficiles, s’est assez souvent exprimé à propose des nouvelles possibilités offertes par les ENT, les cahiers de texte numérique, les pages Facebook et autres outils de communication. L’organisation scolaire peut prendre une nouvelle dimension du fait de ces liens potentiels. On pressent que la relation humaine est en cours d’évolution. Au delà des traditionnelles images de conflit générationnel (images surtout vendeuses dans les médias au service d’un imaginaire scolaire), il y a un réel changement qui rend possible de nouvelles formes d’échanges, dans les deux sens : l’élève comme l’enseignant, chacun donne à voir de nouvelles facettes de son activité, encore faut-il que cela puisse être parlé.

5 – Interrogation de la pédagogie

Dans un article pour le journal Le Monde intitulé « Oser une pédagogie numérique » le 12 octobre 2011, peu avant la publication de son deuxième rapport, Jean Michel Fourgous fait du changement pédagogique une sorte d’association avec le numérique. Association et non pas conséquence, car finalement l’auteur n’apporte pas de réponse du coté du numérique et ressort plutôt les réponses pédagogiques « amplifiables » par le numérique. C’est probablement là que se trouve la méprise. On croit que l’objet a des vertus telles qu’il aurait ce pouvoir de changer cet aspect du travail de l’enseignant. Dans cet article, le seul terme qui tend à parler de pédagogie est celui de mutualisation (le mot innovant n’étant pas lié à la spécificité de l’enseignement scolaire). En fait, comme beaucoup d’autres avant lui, il s’est heurté au fait que l’on fait miroiter une autre pédagogie alors qu’il s’agit simplement d’autoriser certaines pédagogies à l’occasion de la place prise par le numérique. Car des pédagogies nouvelles, il n’en existe que très rarement…. et ce sont surtout des pratiques revisitées, enrichies, modifiées, par tel ou tel artefact ou dispositif.
Le mythe de l’innovation ne doit tromper personne. Le numérique porte pour lui même ses nouveautés, qui ne sont souvent que la résultante d’une suite d’évolutions, mais pas de changements aussi radicaux que l’on tente de nous le faire croire. Parce qu’il y a des changements techniques, on présuppose des changements pédagogiques. Le numérique dérange surtout la pédagogie inscrite dans les murs des écoles, celle qui fonde la forme scolaire en vigueur depuis près de deux siècles. La question pédagogique avec le numérique n’est que le résultat (pas la résultante) des quatre autres interrogations. C’est parce qu’il y a cette remise en question d’un modèle pédagogique antérieur que l’on croit qu’il y en aurait une nouvelle avec le numérique. Mais ce qui touche le plus le pédagogue, c’est le potentiel incroyable qu’offre le numérique pour enrichir sa pédagogie. Pris de panique, parfois, devant cette puissance, il idéalise la nouveauté, appuyé par des médias ignorants et peureux. Oui le numérique questionne la pédagogie, mais celle qui est en place, pas une pédagogie rêvée. En offrant de nouveaux accès aux savoirs, de nouvelles interactions, de nouvelles modalités techniques, le numérique renvoie le pédagogue à son « antre », la salle de classe. Il en montre l’étroitesse, la limite, voire l’insuffisance. Il en montre aussi l’arrogance, d’avoir voulu pendant deux siècles « donner la leçon », Or l’école doit se repositionner de ce fait : « elle prend une bonne leçon »… Les accompagnateurs de la pédagogie, éditeurs scolaires, relais institutionnels etc… tentent d’éviter un choix trop important, surtout que la forme scolaire nouvelle, si tant est qu’il en faille une, n’est pas encore émergeante.

Oui le numérique dérange l’école ! Sachons faire de ce dérangement une chance pour renouveler les modes de construction des connaissances…

A suivre et à débattre

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On a trop souvent associé par lien de causalité les TICE et la pédagogie. Ainsi, il y aurait de nouvelles pédagogies avec les TICE. C’est devenu un allant de soi, presqu’un lieu commun en tout cas une évidence pour nombre de personnes, en particulier celles qui ne connaissent l’acte d’enseigner et d’apprendre qu’à partir de leur expérience d’enfance et de jeunesse. C’est aussi une évidence pour nombre de zélateurs, marchands, promoteurs des TIC, que celles-ci vont améliorer la pédagogie, la changer etc… En fait cette illusion d’optique vient du fait que les TIC sont d’abord un intrus dans une situation d’enseignement qui s’en est longtemps passée (quelques centaines d’années)  Parce qu’elles dérangent, elles seraient vecteur de changement, de nouveauté, voire d’amélioration. C’est en fait un imaginaire qui s’exprime ici, imaginaire qui fait se rejoindre des évolutions techniques (souvent considérées comme bonne pour l’homme a-priori) présentées comme innovantes et porteuses d’avenir avec des pratiques sociales, en particulier l’enseignement qui leur pré-existe. Or cette pratique de l’enseignement que chacun a pu connaître en tant qu’élève a laissé des traces dont la plus significative est le sentiment d’écart que la situation scolaire introduit avec le monde réel, le monde de la famille, de la rue. Rappelons ici que cet écart a été voulu par les fondateurs du système scolaire tant le monde réel était médiocre dans sa capacité à « conduire hors de » à « élever » l’humain pour reprendre l’étymologie du terme éduquer.

L’allant de soi parle de nouvelles pédagogie sans aller beaucoup plus loin, une enseignante expérimentant la tablette numérique dans sa classe récemment appelait cette nouvelle pédagogie de ses voeux. La pressentant intimement comme à portée de la main, elle ne savait pas la définir, dire ce qu’elle était. Parce qu’on oublie d’analyser la nature de l’intrusion, on ne peut pas envisager les changements possibles, nécessaires, voire imposés par l’introduction des TIC sur la scène de l’éducation et de l’enseignement. Or l’intrusion des TIC et du numérique en général provoque plusieurs interrogations au monde de l’enseignement : celle des contenus disciplinaires, celle de la gestion du groupe classe, celle de l’espace de travail, celle de la relation humaine, celle de la pédagogie, celle de l’évaluation. A partir de cette analyse (dont l’exhaustivité n’est pas assurée), on peut commencer à imaginer les changements à apporter à un enseignement qui accueille les TICE.

1 – Interrogation des contenus à enseigner.

L’enseignant est confronté à l’explosion exponentiel des nouveaux savoirs dans chacune des disciplines du fait des possibilités nouvelles permises par le numérique. Fort heureusement, les programmes, parties de savoir retenues par des « spécialistes », limitent l’ampleur de la prise en compte de ces évolutions. Mais dès lors que l’enseignant confronte ces programmes aux travaux de recherche, désormais disponibles en ligne, il mesure aisément la difficulté qu’il peut avoir à suivre. Et ce d’autant plus que les élèves ont aussi accès à ces travaux, qu’ils soient valides ou non de surcroit. Les conséquences pratiques dans la classe sont la nécessaire acceptation de l’irruption de savoirs « inconnus » dans l’espace d’enseignement, l’indispensable veille informationnelle sur ses propres connaissances, l’élévation du niveau personnel de conscience critique par rapport aux « nouveaux savoirs » ou énoncés comme tels et enfin l’organisation didactique de la séance qui donne leur juste place au TIC ayant servi à l’émergence des nouveaux savoirs (exemple des démarches d’investigation ou de problématisation, ou encore des simulations).

2 – Interrogation du groupe classe

Face au groupe classe l’enseignant est traditionnellement un « apporteur ». Parce qu’il sélectionne, trie, prépare, propose, l’enseignant apporte aux élèves un ensemble de savoirs et de connaissances qui vont faire l’objet de l’apprentissage. Le développement des TIC l’invite à être de plus en plus un « partageur » de savoirs et de connaissances. Plus encore il est aussi amené à devenir un accompagnateur face à un groupe classe qui, dans sa diversité d’usages, s’organise et se structure autour des outils numériques utilisés en classe, mais aussi en dehors. La dimension éducative de la relation au groupe est aussi liée à des choix d’organisation des activités des élèves dans lesquelles l’enseignant peut ou non, à l’aide des TIC, associer tous les élèves. Le travail collaboratif est, à ce sujet, particulièrement important, mais bien au delà c’est la pratique collaborative des jeunes qui est un des supports privilégiés que l’enseignant peut mettre en oeuvre, car il s’appuie sur la « logique des pairs » si présente à l’adolescence, générant d’ailleurs parfois des rejets du groupe ou de nouvelles formes d’intégration grâce à l’écran qui donne une « autre image de soi » au sein d’un collectif.
A coté des ces éléments, la notion de groupe classe résiste mal à l’analyse fine de chacun(e) des membres au sein du groupe. D’où une tendance à proposer une différenciation, voire une individualisation des parcours en s’appuyant sur les TIC. En d’autres termes, l’utilisation de certains moyens numériques peut amener à voir éclater la notion de groupe classe, à l’intérieur de la classe elle-même. C’est aussi le cas entre classes et niveaux (cas des groupes de besoin, de niveaux)  avec des systèmes de suivi différenciés guidés par ordinateur qui peuvent rappeler soit l’enseignement programmé (voir les pédagogies personnalisées aussi) soit la gestion individualisée de parcours (portfolio, portefeuille de compétences etc..) soit même l’autoformation intégrale (autodidaxie…)

3 – Interrogation de l’espace de travail (dans et hors l’école)

Dans la salle de classe traditionnelle, les premiers ordinateurs scolaires (TO7, MO5) avaient du mal à trouver une place tant ils étaient encombrants. Avec le nanoréseau, ils ont vite amené les établissements à mettre en place des salles dédiées. Très vite aussi, certains se sont demandé si l’on ne pourrait pas mettre un ou deux ordinateurs en fond de salle. La place prise par l’ordinateur a certes diminuée, mais les écrans se sont petit à petit imposés, de plus en plus petits et faciles d’usage mais surtout connectés, d’abord dans l’établissement, puis rapidement en dehors des murs grâce à Internet. Si actuellement encore, les salles peuplées d’ordinateur restent majoritaires, chariots mobiles d’une part équipement personnels en ordinateurs portables ou tablette d’autre part annoncent leur prochaine disparition. L’arrivée des vidéoprojecteurs (fixe en particulier) et surtout des TBI ont ajouté un autre type de trouble à l’organisation spatiale de la classe mais aussi de l’établissement (qui a le TBI dans sa classe). Les centres de documentation n’échappent pas à cette interrogation. D’une part la numérisation des livres pose la question de l’avenir des « lieux de stockage » et de leur renouvellement, d’autre part la mise en ligne des logiciels d’accès à la documentation (BCDIweb, e-sidoc, PMB etc..) modifient la « géographie » et le temps d’accès aux ressources, d’autre part enfin, le développement de logiciels de liens, de curation, voire de production de contenus, dans les CDI mêmes, est une opportunité de reconsidérer l’espace temps de ces lieux (ce que tente de poser le travail mené sur les CCC). C’est aussi l’arrivée de l’amplification de la désynchronisation du temps de travail de l’enseignant de celui de l’élève. Les formes hybrides permettent un assouplissement des temps et des lieux de l’activité de chacun. Si l’on y ajoute les différents services proposés par les ENT, on peut effectivement envisager des formes nouvelles qui modifient physiquement le travail.

4 – Interrogation de la relation humaine

Le travail d’enseignement est fondé sur une relation entre humains qui présente de nombreuses facettes. La base de cette relation est la dissymétrie instituée entre l’enseignant et l’élève, celui qui sait et celui qui apprend. Comme celui qui sait est aussi celui qui contrôle les apprentissages, son rôle est renforcé par ce pouvoir important, aussi bien réel qu’imaginaire. Pour certains cette relation est une opposition symbolisée par le face à face, pour d’autres elle est plutôt une collaboration vers un objectif de réussite pour celui qui apprend et un objectif de légitimation pour celui qui enseigne. L’arrivée du numérique provoque un déséquilibre potentiel dans la relation : un tiers machinique vient troubler une relation duale, entre le maître et le groupe, entre un enseignant et un élève. Il suffit de considérer le jeu des regards dans l’espace classe peuplé d’écrans pour comprendre le trouble possible. Les ordinateurs dérangent l’ordonnancement de la classe, l’organisation spatiale, obligeant à d’autres circulations, d’autres formes d’échanges. Certaines installations informatiques en réseau avec poste maître avaient un argumentaire pour le professeur qui déclarait que « sans bouger de sa place » l’enseignant pouvait voir tout ce que faisait l’élève, l’aider, etc… le sens de ces arguments doit être analysé à l’aune de cette conception de la relation humaine. Avec la mise à distance, paradoxalement et selon les dispositifs, une nouvelle proximité a émergé : celle de la relation inter-individuelle, survivance du préceptorat, que l’on retrouve aussi dans certaines formes d’accompagnement personnalisé.
Avec les objets numériques nomades connectés, un nouvel intrus est entré dans la classe : le halo communicationnel de chacun. Par le SMS, le mail, le réseau social etc… un lien permanent est établi avec un autre ou d’autres, qui ne sont pas présents dans la salle. Lien avec d’autres personnes, mais aussi d’autres contenus qui font dire aux enseignants face à des forêts d’écrans dans les salles ou les amphis qu’ils ne savent plus « à qui ils parlent ».
Enfin il y a aussi l’effondrement des murs relationnels que la distance physique maintenait éloignés. Avec les parents, avec l’institution, avec les partenaires de l’établissement, de nouvelles relations sont possibles. La peur se l’autre, souvent exprimée avant de le rencontrer, ou après des échanges parfois difficiles, s’est assez souvent exprimé à propose des nouvelles possibilités offertes par les ENT, les cahiers de texte numérique, les pages Facebook et autres outils de communication. L’organisation scolaire peut prendre une nouvelle dimension du fait de ces liens potentiels. On pressent que la relation humaine est en cours d’évolution. Au delà des traditionnelles images de conflit générationnel (images surtout vendeuses dans les médias au service d’un imaginaire scolaire), il y a un réel changement qui rend possible de nouvelles formes d’échanges, dans les deux sens : l’élève comme l’enseignant, chacun donne à voir de nouvelles facettes de son activité, encore faut-il que cela puisse être parlé.

5 – Interrogation de la pédagogie

Dans un article pour le journal Le Monde intitulé « Oser une pédagogie numérique » le 12 octobre 2011, peu avant la publication de son deuxième rapport, Jean Michel Fourgous fait du changement pédagogique une sorte d’association avec le numérique. Association et non pas conséquence, car finalement l’auteur n’apporte pas de réponse du coté du numérique et ressort plutôt les réponses pédagogiques « amplifiables » par le numérique. C’est probablement là que se trouve la méprise. On croit que l’objet a des vertus telles qu’il aurait ce pouvoir de changer cet aspect du travail de l’enseignant. Dans cet article, le seul terme qui tend à parler de pédagogie est celui de mutualisation (le mot innovant n’étant pas lié à la spécificité de l’enseignement scolaire). En fait, comme beaucoup d’autres avant lui, il s’est heurté au fait que l’on fait miroiter une autre pédagogie alors qu’il s’agit simplement d’autoriser certaines pédagogies à l’occasion de la place prise par le numérique. Car des pédagogies nouvelles, il n’en existe que très rarement…. et ce sont surtout des pratiques revisitées, enrichies, modifiées, par tel ou tel artefact ou dispositif.
Le mythe de l’innovation ne doit tromper personne. Le numérique porte pour lui même ses nouveautés, qui ne sont souvent que la résultante d’une suite d’évolutions, mais pas de changements aussi radicaux que l’on tente de nous le faire croire. Parce qu’il y a des changements techniques, on présuppose des changements pédagogiques. Le numérique dérange surtout la pédagogie inscrite dans les murs des écoles, celle qui fonde la forme scolaire en vigueur depuis près de deux siècles. La question pédagogique avec le numérique n’est que le résultat (pas la résultante) des quatre autres interrogations. C’est parce qu’il y a cette remise en question d’un modèle pédagogique antérieur que l’on croit qu’il y en aurait une nouvelle avec le numérique. Mais ce qui touche le plus le pédagogue, c’est le potentiel incroyable qu’offre le numérique pour enrichir sa pédagogie. Pris de panique, parfois, devant cette puissance, il idéalise la nouveauté, appuyé par des médias ignorants et peureux. Oui le numérique questionne la pédagogie, mais celle qui est en place, pas une pédagogie rêvée. En offrant de nouveaux accès aux savoirs, de nouvelles interactions, de nouvelles modalités techniques, le numérique renvoie le pédagogue à son « antre », la salle de classe. Il en montre l’étroitesse, la limite, voire l’insuffisance. Il en montre aussi l’arrogance, d’avoir voulu pendant deux siècles « donner la leçon », Or l’école doit se repositionner de ce fait : « elle prend une bonne leçon »… Les accompagnateurs de la pédagogie, éditeurs scolaires, relais institutionnels etc… tentent d’éviter un choix trop important, surtout que la forme scolaire nouvelle, si tant est qu’il en faille une, n’est pas encore émergeante.

Oui le numérique dérange l’école ! Sachons faire de ce dérangement une chance pour renouveler les modes de construction des connaissances…

A suivre et à débattre

 

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