In ParisTech Review – le 7 novembre 2013 :
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Le potentiel des sciences cognitives est énorme si l’on sait tirer parti de leurs enseignements sur le cerveau des très jeunes enfants et transposer tout ce corpus de connaissances. Que sait-on, précisément ? S’il fallait ne retenir qu’une seule découverte majeure pour ces dix dernières années, explique le professeur Dehaene, c’est que le cerveau, dès l’enfance, est intrinsèquement très organisé. Il contient d’emblée ce qu’on pourrait nommer des algorithmes, et l’apprentissage proprement dit ne fera que les activer et les recycler pour des usages culturels et scolaires. La remarquable plasticité du cerveau humain le rend habile, à tout âge, à apprendre. Encore faut-il savoir en tirer parti. C’est ici que les neurosciences ont leur mot à dire.
Le maître-mot, alors, est la plasticité cérébrale. Car c’est précisément ce qui nous permet d’apprendre. Cette plasticité, on doit la comprendre comme une remarquable capacité à recycler des circuits présents dès l’origine. Elle est, et c’est un point très important, mobilisable tout au long de la vie.
Les circuits cérébraux : des capacités disponibles dès l’origine
Les circuits cérébraux qui sous-tendent les apprentissages ne sont d’ailleurs pas si variés. La technologie de l’IRM a ainsi permis de constater, dans le cas de la lecture, qu’elle sollicite toujours une petite zone de l’hémisphère gauche – la « boîte aux lettres », comme l’a surnommée le Pr. Dehaene. Cette zone très précise est mobilisée quelle que soit la culture du sujet, même si certaines écritures, comme le chinois, mobilisent aussi un peu l’hémisphère droit. Mais le plus étonnant reste pourtant que cette « boîte aux lettres » n’est repérable que chez les sujets ayant appris à lire. On a récemment pu scanner par IRM des illettrés complets, à qui l’on présentait des mots écrits, et la zone en question n’a manifesté qu’une activité minimale. En revanche, les ex-illetrés vont activer exactement la même zone que ceux qui ont appris à lire dans l’enfance. Et, à l’inverse, une lésion localisée dans cette zone pourra faire perdre cette capacité sans affecter autrement l’intelligence du sujet. On cite ainsi le cas de personnes qui, après une telle lésion peuvent encore écrire mais ne peuvent plus lire ce qu’elles ont écrit.
L’apprentissage de la lecture active une région spécifique, mais il mobilise et active aussi d’autres zones. Il développe ainsi ce qu’on nomme les aires visuelles précoces, celles qui réagissent le plus vite quand nous voyons quelque chose. La pratique de la lecture active aussi d’autres zones correspondant au langage parlé, qui s’en trouve amélioré, parce qu’avec la lecture nous codons mieux les sons parlés.
La zone de la lecture recycle un « algorithme » préexistant, celui de la reconnaissance des visages : au scanner, on voit nettement la même zone s’activer. D’une reconnaissance des visages elle passe à une reconnaissance des lettres et des mots.
Mais ce recyclage, note Stanislas Dehaene, n’est pas une simple réutilisation. Si l’on parle de plasticité, c’est qu’il s’agit bien aussi de réorganiser des algorithmes – de les reprogrammer, en quelque sorte. Dans les premiers mois où un enfant apprend à écrire, il fait cette erreur touchante consistant à écrire des lettres voire des mots à l’envers de façon indiscriminée. Or on sait maintenant que cette erreur est naturelle : elle découle d’un phénomène cérébro-oculaire, l’invariance gauche-droite. Cette invariance de la vision stéréoscopique, qui joue un rôle dans la reconnaissance des visages, va s’exprimer le temps d’être « désapprise », tout simplement parce que l’apprentissage de la lecture recycle la zone en charge de la reconnaissance faciale.
Quand les neurosciences rejoignent les sciences de l’éducation
À la lumière de ces découvertes, ce que nous apprennent les neurosciences rejoint et étaie les sciences de l’éducation. On comprend notamment pourquoi la « méthode globale » d’apprentissage de la lecture est condamnée à ne pas bien fonctionner. En effet cette dernière attend de l’enfant qu’il reconnaisse un mot entier – « chaise », « vache », « lapin » – et non ses composantes autonomes, associations de graphèmes et de phonèmes, que l’enfant devra décomposer en lettres et en sons. Or ce sont bien sur ces segments, à commencer par les lettres, que travaille le cerveau, quand il mobilise ses algorithmes de reconnaissance des visages. Le « b a ba » dont on s’est tant moqué est ce qui permet le mieux d’activer et de recycler les zones cérébrales adéquates.
Comment alors passe-t-on d’une lecture ânonnante à une lecture fluide ? Par un processus d’automatisations, dans lesquelles le sommeil joue un rôle. Une fois les premières correspondances établies se joue un auto-enseignement : l’enfant déchiffre, reconnaît, et accède ainsi à une seconde lecture… qui permettra la mise au point de nouvelles automatisations.
On a pu vérifier les limites de la méthode globale en demandant à des adultes lettrés d’apprendre une suite de schémas stylisés correspondant à des mots, dans une langue imaginaire digne du klingon de Star Trek. Alors que les débuts étaient très rapides, on parvenait très vite à une saturation, trente signes exotiques pour les meilleures mémoires. Or, on a révélé à une deuxième groupe témoin que ces schémas répondaient à une logique : qu’il y avait des lettres. Pour ce second groupe, après une phase initiale plus ardue, les choses devenaient beaucoup plus fluides, et le vocabulaire disponible, exponentiel. Loin d’une méthode de reconnaissance en un bloc, autrement dit, globale, ils avaient déchiffré un alphabet.
C’est en tirant parti des découvertes des neurosciences qu’une équipe finlandaise a mis au point un serious game destiné à l’apprentissage de la lecture.
Cela fut aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur les rythmes optimaux d’apprentissage. En scannant les cerveaux des enfants, on a ainsi pu observer des effets même à court terme avec la constitution notable d’une aire dans l’hémisphère gauche. Cela va très vite : en seulement huit semaines, à raison de 15 minutes par jour, la zone cérébrale est constituée. Ce chiffre de 15 minutes par jour peut étonner, mais c’est aussi l’une des découvertes des neurosciences : il vaut mieux répartir peu sur la durée que beaucoup en un court laps de temps.
Avec l’imagerie médicale, on a pu vérifier que l’apprentissage était optimal lorsque l’on alternait acquisition de connaissances et test répété de celles-ci – ce à quoi se prête bien la structure du jeu. Par exemple une période de huit semaines sanctionnée par un test final intériorisera les connaissances de manière bien plus hasardeuse qu’avec un test toutes les deux semaines. Il est essentiel de se tester – de faire tourner le modèle : pour savoir si oui ou non on a compris, et réaliser, le cas échéant, que l’on ne sait pas. Ce qui est en quelque sorte le meilleur des apprentissages. On parle alors de métacognition – une cognition qui est allée par-delà l’échec et l’a transformé en succès éprouvé. Le cas le plus simple étant celui d’un enfant qui empile un tas de cubes : la durabilité, ou la chute, de l’empilement informeront en retour son cerveau sur la pertinence de ses prédictions. Feedback et répétition sont essentiels pour fixer un savoir ou un savoir-faire.
Les quatre piliers de l’apprentissage
Les sciences cognitives ont identifié quatre facteurs principaux de réussite d’un apprentissage : l’attention, l’engagement actif, le retour d’information, et enfin, la consolidation.
1. L’attention, un filtre qu’il faut savoir captiver et canaliser. L’attention est le mécanisme de filtrage qui nous permet de sélectionner une information et d’en moduler le traitement. Et en comprenant que pour ainsi faire elle élimine pour concentrer, on réalisera soudain la justesse profonde du terme de concentration. Le système de l’attention se décompose en trois systèmes attentionnels : l’alerte, l’orientation et le contrôle exécutif.
L’attention module massivement l’activité cérébrale : dès lors, l’enjeu essentiel pour le passeur de connaissances, qu’il soit parent, professeur ou formateur, est d’attirer l’attention sur le « bon niveau ». L’apprenant doit être alerte. Or, il existe des limites à l’attention. Tout d’abord, le filtrage implique que réaliser deux tâches simultanément est très difficile – en effet, on a observé dans le cortex préfrontal un phénomène de goulot d’étranglement. En réalité, lorsque l’on « jongle », on ne fait pas deux choses en même temps, on va simplement passer d’une tâche à l’autre, en omettant temporairement la première, et au détriment de l’acquisition de signaux.
Ensuite, lorsque l’on est concentré, les stimuli non pertinents pour la tâche en question vont tout bonnement devenir… invisibles ! Comme l’illustre à merveille une célèbre vidéo, où l’enjeu est de compter le nombre exact de passes que font les joueurs habillés en blanc.
À la lumière d’une telle expérience, force est de constater que l’attention, sélective par nature, aboutit à des excès de confiance – nous serons prêts à soutenir que ce qui est passé « sous le radar » de notre perception n’a tout bonnement jamais existé. Car le clapet du filtre est en quelque sorte à sens unique. Une leçon à extrapoler dans bien des domaines de la vie.
L’enjeu donc est de bien orienter l’attention, et en cela, ce que l’on a appelé l’ « effet maître » est crucial : tel enseignant parviendra à captiver l’attention là où un autre s’enlisera, voire attirera l’attention sur des niveaux non-pertinents – et on pourra noter que c’est un écueil dans lequel tombent nombre de manuels scolaires ou de formation, où un trop-plein d’illustrations et de couleurs sont placées de manière attrayante, mais chaotique. Loin de cette overdose d’information, il s’agit au contraire de canaliser l’attention.
Le contrôle exécutif, enfin, levier de l’attention, est primordial : il s’agit d’inhiber un comportement indésirable qui ferait « double tâche » : par exemple ne pas se disperser en quittant le lieu d’activité pour aller faire autre chose, se mettre à parler à quelqu’un d’autre, etc. En cela, les progrès sont particulièrement visibles sur des enfants issus de famille dans lesquelles on n’insiste pas sur certains comportements – par exemple rester à table pour manger. Cet enseignement des sciences cognitives jette une lumière nouvelle sur la question de la discipline, mais aussi sur les inégalités entre milieux sociaux. Cela donne aussi des outils pour lutter contre ces inégalités.
2. L’engagement actif. Le principe directeur est on ne peut plus clair : un organisme passif n’apprend pas. On recherchera donc un engagement actif. L’enseignant ne peut mobiliser que si l’enfant ou apprenant se mobilisent. Or, sans tester la fiabilité d’une connaissance, on restera dans une illusion de savoir – il y a d’ailleurs fort à parier que tout un chacun soit concerné dans tel ou tel domaine. L’enfant, l’apprenant doivent pouvoir se tester. Rendre les conditions d’apprentissage (raisonnablement) plus difficiles va paradoxalement aboutir à un surcroît d’engagement et un effort cognitif, synonymes de meilleure attention.
3. Le retour d’information. L’erreur est humaine mais aussi… indispensable. Si l’activité plutôt qu’une écoute passive est capitale, elle ne suffit pas. On pense actuellement que le cortex est une sorte de machine à générer des prédictions et à intégrer les erreurs de prédictions : il lance une prédiction, reçoit en retour des informations sensorielles, et une comparaison se fait entre les deux. La différence crée un signal d’erreur qui va se propager dans le cerveau et qui va permettre de corriger et d’améliorer la prédiction suivante. Le retour d’information est donc essentiel.
Le cerveau fonctionne ainsi par itérations, avec des cycles qu’on peut décomposer en quatre étapes successives : prédiction, feedback, correction, nouvelle prédiction. On parle alors de cerveau bayésien – de l’inférence du même nom – ou statisticien. Il internalise organiquement des statistiques. Il s’agit tout simplement de continuellement corriger le tir le grâce au retour d’expérience, ce qui revient à dire que… l’erreur est fondamentale ! En effet, si les signaux d’erreur nous permettent, à nouveau, d’ajuster nos prédictions, l’apprentissage ne peut se déclencher que s’il y a un signal d’erreur, autrement, rien ne change.
Transposé à la pédagogie, cela implique que l’erreur est normale, inévitable et… fertile. À condition, impérativement, d’être d’une part activement remarquée par l’apprenant, qui loin de l’ignorer, doit la dépasser. D’autre part, pour être fertile elle doit ne pas être trop sanctionnée, le stress étant un inhibiteur d’apprentissage. Pire, un sentiment d’impuissance noierait les futurs efforts dans l’œuf. Alors pour dépasser l’erreur et parvenir au succès, quel mode optimal ? On privilégiera la motivation par le renforcement positif et la récompense – immatérielle. Bien entendu, il ne s’agit pas de « monnayer » le succès, voire de payer les enfants pour qu’ils aient de bonnes notes. Il s’agit au contraire, l’humain étant un animal social, de conclure un succès par un renforcement social: une approbation, une validation, un encouragement.
4. Consolider l’acquis. Il n’y a qu’à se remémorer nos premiers pas vers le permis de conduire pour réaliser qu’au début de cet apprentissage, il y a un effort conscient, et devant la multitude de signaux à gérer en temps réel, un sentiment de ne pas y arriver, d’être dépassé. C’est terrifiant ! Or, c’est l’exemple type de ce qu’on appelle un traitement explicite : une situation, ou plutôt un stade où le cortex préfrontal est fortement mobilisé par l’attention exécutive. Et, point culminant d’un apprentissage, l’enjeu sera d’accomplir le transfert de l’explicite vers l’implicite.
En effet, progressivement, en se transférant vers des réseaux non conscients, plus rapides, plus efficaces, le cerveau parvient à une automatisation. On libère le système du cortex préfrontal qui redevient disponible – ce qui n’est pas sans rappeler la façon dont on libère des ressources systèmes dans un ordinateur, qui au lieu d’être saturé et d’accomplir très péniblement ses tâches, permet une fois libéré de « surfer » sans encombre, sans tâches superflues en arrière-plan. On retrouve également dans notre cortex le phénomène de goulot d’étranglement, qui là encore évoque une mémoire vive informatique, une mémoire tampon qui avant de passer à la suite ne peut traiter qu’un volume donné d’informations à la fois.
Revenons sur l’exemple primordial de la lecture. L’enfant au début doit justement retenir consciemment chacune des correspondances entre les lettres et les sons, et les appliquer une par une, à la manière de nos adultes qui devaient apprendre une langue « extraterrestre ». Apprendre que le rond « o » se prononce « eau », et ainsi de suite pour chaque lettre. Et, on le voit avec les enfants dans cette phase d’alphabétisation précoce et aussi avec les dyslexiques, plus on a emmagasiné de lettres, plus on met du temps. C’est linéaire et sériel ! Or, les adultes et les enfants à partir de la troisième année scolaire n’ont plus cet effet : on va lire un mot de huit lettres aussi vite qu’un mot de trois lettres, car le traitement n’est plus sériel, mais massivement parallèle : toutes les lettres sont lues en même temps! Il est facile pour un adulte, un enseignant, d’oublier cette difficulté initiale, et de ne pas se rendre compte de ce qu’on demande à l’enfant.
Et lorsque tout le « pourcentage de ressources » de notre « unité centrale » est sollicité dans le décodage, on ne peut pas se concentrer sur le sens du texte. Le phénomène d’automatisation est donc crucial car il libère des ressources de haut niveau.
Le rôle du sommeil
Un mot avant de conclure sur un élément inattendu dans la consolidation des apprentissages, le sommeil. On a découvert qu’en permettant à une personne de dormir, même une simple sieste, et sans ré-apprentissage, la mesure de la performance était améliorée. C’est que le cerveau travaille pendant le sommeil : il « met en ordre » les nouveautés qu’il a enregistrées, probablement en les rejouant en accéléré. Cette vitesse accélérée lui permet de détecter des régularités, d’asseoir la mémoire épisodique (celle des faits vécus), et avec les algorithmes, d’établir des généralisations, voire d’aboutir à des découvertes. Le journal scientifique Nature y avait consacré un article : nombreux sont les mathématiciens qui rapportent avoir eu au matin la solution d’un problème sur lequel ils butaient pourtant la veille – et en répétant l’expérience en laboratoire, on a vérifié ce phénomène.
Chez les enfants présentant des troubles de l’attention ou des difficultés d’apprentissage, on a vu qu’une intervention sur le temps de sommeil pouvait avoir des effets aussi bénéfiques, sinon plus, qu’une intervention pharmacologique. À l’heure où on prescrit à tout va de la Ritaline aux fameux « hyperactifs », n’est-il pas urgent de poser la question à l’envers? Si de plus en plus d’enfants sont touchés par des troubles de l’attention, c’est peut-être tout simplement parce qu’ils sont privés de sommeil.
Au final, les résultats des sciences cognitives sont extrêmement clairs sur le sujet : le sommeil a un rôle à jouer dans l’apprentissage, et il vaut mieux distribuer un peu tous les jours cet apprentissage plutôt que de le concentrer en une seule fois. Mieux vaut un quart d’heure tous les jours plutôt qu’une heure quelques jours par semaine, en particulier au regard de la mémoire à long terme. Le cerveau n’est pas fait pour n’apprendre que la moitié de la semaine. C’est là que les serious games pourraient jouer un rôle considérable et amorcer un cercle vertueux, notamment le week-end et en particulier dans les familles défavorisées, où en un quart d’heure tous les soirs la cognition serait stimulée plutôt que de voir l’enfant demeurer en mode passif deux voire trois jours de suite, notamment avec la semaine de quatre jours.
Que retenir de ce parcours ? Tout d’abord que notre cerveau est structuré, dès la naissance, ce qui nous confère des intuitions profondes, il est doté de puissants algorithmes d’apprentissage que pour l’instant personne n’a été capable de dupliquer dans une machine. Le bébé est sans aucun doute le meilleur superordinateur qu’on connaisse: c’est un système organisé qui produit des inférences statistiques bayésiennes, et ce dès les premiers mois de vie. Et si des différences interindividuelles sont possibles, avec notamment des variations entre un cerveau et un autre allant jusqu’à un facteur deux sur l’extension d’une aire cérébrale donnée, sur ce domaine les parts respectives de l’inné et de l’acquis sont encore des inconnues, la psychologie occupant un « étage plus élevé » par rapport aux neurosciences.
Il apparaît clairement que les capacités de tous, de tout nouveau-né, sont extrêmement vastes. Et, loin de se développer au détriment les unes des autres, les différentes zones du cerveau et les différentes intelligences qui en découlent (verbale, mémorielle, spatiale, interpersonnelle, etc.) bénéficieraient, par l’effet de généralisation des algorithmes, de l’évolution de chacune des parties. En réalité, la « spécialisation » légendaire des esprits viendrait plutôt du temps que nous consacrons, ou pas, aux apprentissages concernés.
L’école se doit donc de fournir à « la merveilleuse machine humaine » un environnement structuré, enrichi, exigeant – tout en étant accueillante, généreuse et stratégiquement tolérante à l’erreur. L’apprentissage scolaire, au final, ne fait qu’aller au-delà de l’évolution, en particulier avec tout un système de symboles qui permettent de traiter nombres, couleurs, sons, personnes – bref, tout l’environnement – comme des entités précises et éviter toute approximation. Ainsi il tire parti de ces capacités tout à fait uniques qui nous sont confiées par l’évolution naturelle, et sur lesquelles nous consolidons du savoir, et surtout, du comprendre.
Au stade adulte, et comme le note Stanislas Dehaene cela intéresse directement le monde de l’entreprise, le potentiel des sciences cognitives est énorme si l’on sait tirer parti de leurs enseignements sur le cerveau de l’humain en début de vie et transposer tout ce corpus de connaissances. Tout d’abord, à travers des logiciels, les serious games, qui dans un futur proche formeront tout un chacun dans une gamme de domaines qu’on peut aisément concevoir comme étant sans limite. Ensuite, dans le management : réaliser que lorsqu’on donne une consigne, on demande en réalité un apprentissage – et il conviendra de se souvenir de nos premiers pas dans une automobile, et de canaliser notre bonne volonté et notre contrôle exécutif pour mobiliser chez autrui « l’appareil à apprendre », le rendre alerte, impliqué, et loin de déclencher des sentiments d’impuissance contreproductifs, de le voir internaliser ses progrès. Le marketing, pour sa part, est grandement aidé : pourquoi payer pour un spot de trente secondes si, IRM à l’appui, on constate que le cerveau cesse d’être mobilisé passées quinze secondes en raison d’un contenu spécifique. Par ailleurs, on commence à mesurer l’impact des mots-clés. Enfin, la neuroéconomie a recours à l’imagerie cérébrale pour étudier les facteurs cognitifs et émotionnels dans les prises de décisions des agents économiques.