In Thierry Pech – Alternatives Economiques :
Accéder au site source de notre article.
La notion de génération peut s’entendre de quatre manières: familiale, démographique, sociale et politique (ou historique). Du point de vue familial, la génération permet de situer les individus dans une lignée par rapport à leurs parents, leurs enfants ou leurs collatéraux. Du point de vue démographique, une génération désigne un ensemble d’individus nés au même moment (soit la même année, soit dans le même espace de temps) et qui auront donc le même âge tout au long de leur vie; on parle aussi de cohorte dans ce sens. Ainsi, en 2010, la génération des 50-55 ans est composée des cohortes nées entre 1955 et 1960.
Du point de vue politique (ou historique), la génération renvoie à un groupe d’individus sensiblement du même âge qui, par leurs mobilisations, leur expérience collective face à des événements particuliers ou encore leurs conflits avec d’autres générations, fabriquent une identité collective: on parle, dans ce sens, de la génération de la guerre d’Algérie ou encore de la génération 68.
Le fait d’être confronté aux mêmes événements au même âge ne suffit certes pas à constituer un groupe homogène, mais favorise des "cristallisations générationnelles", comme l’a montré le sociologue allemand Karl Mannheim (1926). Les hommes qui ont eu 20 ans au moment de la Première Guerre mondiale adhérèrent souvent à une mission patriotique ou, au contraire, à la dénonciation de la guerre. Certains ont rejoint par la suite des ligues d’anciens combattants ou des mouvements pacifistes ou internationalistes. Toujours est-il qu’ils partageaient une expérience commune à l’occasion de laquelle s’étaient fixés leurs attitudes idéologiques, leurs orientations culturelles et leurs antagonismes.
Enfin, comme phénomène social, la génération combine les éléments des deux dernières définitions: elle désigne un groupe d’individus définis par l’âge (définition démographique) et caractérisés par une expérience historique commune (définition politique ou historique). Mais l’étude sociale des générations se demande surtout si ces groupes d’âge ont d’autres caractéristiques communes (revenus, patrimoine, activité professionnelle, niveau de formation, logement, exposition à certains risques…). Une génération peut en effet être soit très hétérogène (si elle abrite d’importantes inégalités sociales entre les plus modestes et les plus favorisés), soit assez homogène (si les inégalités à l’intérieur du groupe d’âge sont notoirement inférieures aux inégalités entre groupes d’âge différents).
C’est aussi sous cet angle qu’on parle souvent de "génération perdue" ou "sacrifiée": par exemple les cohortes nées au début des années 1910 qui connurent un nombre d’orphelins record, qui eurent 20 ans en pleine crise économique et qui fêtèrent leurs 30 ans au moment où éclatait la Seconde Guerre mondiale. Inversement, on parle de "génération dorée", voire "bénie", pour caractériser la situation de cohortes plus favorisées par l’histoire, comme les générations du baby-boom.