En mars 2009, s’est tenu à l’université de Genève un séminaire international [1] sur les marchés scolaires organisé par Georges Felouzis et Agnès van Zanten.
On sait que la question de l’existence de marchés scolaires fait aujourd’hui débat dans le champ sociologique comme dans le champ social, et interroge les évolutions les plus récentes des systèmes éducatifs en Europe et dans le monde.
Nous avons demandé Ã Agnès Van Zanten de clarifier pour nous ce concept étrange de « marché scolaire ».
mardi 5 mai 2009
Cahiers pédagogiques : « Marché » et « école » sont deux mots qui ne vont pas très bien ensemble… L’expression « marché scolaire » est souvent employée dans un sens péjoratif, en quoi est-elle utile aux sociologues ?
Agnès Van Zanten : Il est vrai que dans le cadre du modèle français, où l’école est conçue comme hors du monde, l’alliance paraît choquante, elle banalise l’école. Il faut donc bien distinguer, et c’était le propos de notre colloque, les usages idéologiques de cette expression et l’objet d’étude qu’elle peut proposer aux sociologues, qui vont regarder en quoi il peut être intéressant, pour des chercheurs, d’envisager l’école comme un marché.
Des formes variées de compétition
Le modèle classique du marché, c’est l’ajustement entre l’offre et la demande, un ajustement qui se fait par le prix. L’école, dans le système français, est censée échapper complètement à ce modèle… mais les évolutions récentes ont fait bouger les perspectives, notamment avec le courant dit de « l’économie de la qualité » pour qui les ajustements entre l’offre et la demande se font, dans certains domaines, par la qualité. Une « qualité » qu’on a du mal à définir dans un domaine comme l’éducation où les critères ne peuvent pas être purement techniques.
Et où, surtout, le bien (ici un bien éducatif) est complexe, et a pour particularité d’être coproduit (par les parents, les élèves, les enseignants.) : la qualité d’un établissement est produite aussi par les élèves qui le fréquentent.
Il y a des pays où on est en situation de quasi-marché, ou marché étatique : on donne de l’autonomie aux établissements et de la liberté de choix aux parents, mais l’état ne se retire pas pour autant, il planifie et opère les régulations nécessaires.
Dans des pays comme la France, les phénomènes de marché existaient bien avant l’assouplissement récent de la carte scolaire par le biais des dérogations ou du choix du privé. Ces pratiques ont été favorisées par la concurrence entre établissements pour avoir assez d’élèves… et donc de financement, sinon ils perdent des postes.
À ce premier ordre de compétition s’en ajoute un deuxième : c’est la perception des différences et hiérarchies entre les établissements. Une hiérarchisation peu présente dans les zones où le choix n’existe pas (zones rurales par exemple) mais qui apparaît fortement dans les grandes métropoles où se juxtaposent quartiers favorisés et défavorisés, où on a à proximité de nombreux établissements, et où certains d’entre eux s’arrangent pour mettre des barrières aux inscriptions.
Ce sont ces mécanismes-là , plus encore que l’action des états, qui instaurent, dès lors que certaines conditions sont réunies, des marchés scolaires locaux.
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