In Les Cahiers Pédagogiques – le 5 septembre 2013 :
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Comment renforcer un lien de confiance entre administration, publics et personnels enseignants et d’éducation ? Pour Martine Boudet, professeure de Lettres modernes, les possibilités de participation autonome aux processus de refondation sont une solution à creuser.
Des rapports émanant du Sénat, de la médiation de l’Education nationale, de la délégation ministérielle à la prévention de la violence scolaire concluent à l’accroissement des risques psycho-sociaux (RPS) dans le secondaire, et même dans le primaire dans les quartiers défavorisés.
Or, la loi d’orientation ne traite pas cette question, les personnels y étant souvent désignés en termes de "moyens humains". Cette gestion réductrice des ressources humaines tient à plusieurs facteurs bien connus : tradition centraliste autoritaire, massification des publics, concurrence éducative des medias, affaiblissement de la militance pédagogique et replis corporatifs au fur et à mesure de l’essor d’une organisation technocratique de l’Ecole… Ces éléments conjugués constituent des obstacles importants à une dynamique de refondation, si légitime soit celle-ci dans ses principes. La situation est particulièrement préoccupante dans le secondaire qui subit en fait une double pression, émanant des directions et du terrain : une « culture » de la violence-souffrance ordinaire est ainsi alimentée d’année en année, singulièrement dans les lycées professionnels et technologiques, ainsi que dans de nombreux collèges.
Il devient urgent de renforcer un lien de confiance entre administration, publics et personnels enseignants et d’éducation. Seules des dynamiques institutionnelles d’envergure permettront de remobiliser les équipes éducatives. Au renforcement des dispositifs de protection face aux risques psycho-sociaux, doivent s’ajouter des possibilités de participation autonome aux processus de refondation.
Dans son rapport de 2012, Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice se déclare "convaincue des bienfaits des groupes de travail d’enseignants. Ils ont en particulier le mérite de dépsychologiser et de dépersonnaliser les difficultés rencontrées par les participants dans leurs classes car les problèmes individuels sont réinterprétés comme des problèmes généraux, du métier lui-même, liés à l’organisation du travail que l’on n’a pas à résoudre seul mais en mobilisant l’expérience du collectif. Un large consensus règne pour favoriser l’émergence de collectifs enseignants stables et innovants dans les établissements. (…) Votre rapporteure est favorable à ce que soient prévues des décharges de services pour les professeurs acceptant d’animer des groupes de travail semblables dans leurs établissements après avoir reçu une formation appropriée."
Dans cette perspective, le renforcement des outils informatiques peut contribuer valablement à l’animation d’équipes éducatives autonomes, voire de la communauté éducative. L’utilisation de lettres électroniques d’établissement permet par exemple de mutualiser de manière régulière les activités professionnelles et favorise la réalisation de projets de groupe ou d’établissement. Cette démarche est intéressante aussi pour mieux intégrer les personnels nouvellement nommés, pour promouvoir le dialogue interdisciplinaire, les innovations pédagogiques, les activités péri-scolaires à finalité non utilitariste, de nature culturelle, citoyenne, humanitaire… Autant de facteurs de consolidation des équipes et d’émulation, pour l’actualisation d’une culture professionnelle commune.
Selon le cas, la gestion de ce moyen de communication peut être prise en charge par les services des CDI, le référent culturel, les équipes informatiques des établissements ou des enseignants ou groupes d’enseignants motivés par cette démarche.
Martine Boudet, professeure de Lettres modernes, spécialiste d’anthropologie culturelle (Toulouse)