In La Croix.com le 2 juin 2013 :
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Les cours en ligne ouverts et massifs ou « Mooc », venus des États-Unis, font leur apparition en France.
Un professeur de l’université de Pennsylvanie (États-Unis) donne un cours sur Internet (Matt Slocum/AP).
À la rentrée, plusieurs écoles d’enseignement supérieur, dont Polytechnique, vont se lancer.
Le ministère de l’enseignement supérieur s’intéresse de près à ce nouvel outil.
On connaissait les sites pédagogiques qui proposent des quiz et fiches de révisions sur Internet, voire des cours en vidéo pour apprendre à domicile. Mais un mouvement autrement plus profond venu d’outre-Atlantique débarque aujourd’hui en France : le Mooc – prononcer « Mouk » – pour « Massive Online Open Course » ou « Cours en ligne ouvert et massif ». En clair, des cursus numériques, développés par les écoles ou les universités, mais mis en ligne gratuitement au bénéfice de tous les internautes.
Pour ses partisans les plus enthousiastes, ces « e-cours » vont finir par se substituer aux amphis universitaires. « On n’est pas dans une logique de révision mais d’apprentissage. C’est l’équivalent d’un cours complet », explique Olivier Ertzscheid, maître de conférence en sciences de l’information à l’université de Nantes.
Et Matthieu Cisel, doctorant à l’École normale supérieure de Cachan, qui écrit une thèse sur le sujet, de renchérir : « Il est clair que des facs vont disparaître. Le modèle économique des Mooc est concurrent : il offre une éducation gratuite et à la carte contre un modèle, certes pas cher en France, mais soumis à beaucoup de paperasses et de contraintes pratiques. »
ITyPA a réuni 3600 personnes
C’est à la fin de l’année dernière que tout a commencé depuis Centrale Nantes et Telecom Bretagne avec le projet ITyPA : « Internet, tout y est pour apprendre. » Centrale Lille a emboîté le pas en lançant un Mooc certifiant consacré à la gestion de projet. Le programme, qui proposait trois niveaux de difficulté, a réuni 3 600 personnes. Il comprenait des schémas, des vidéos chapitrées et des interactions avec les professeurs via les réseaux sociaux.
D’autres projets sont déjà dans les tuyaux. À la rentrée, Polytechnique mettra en ligne un cours d’introduction à la théorie et au calcul de probabilités. La prestigieuse école s’intéressera ensuite à la conception et à la mise en œuvre d’algorithmes. « Cela nous permet de gagner en notoriété et de participer à l’invention d’un nouveau modèle pédagogique », explique Frank Pacard, directeur adjoint de l’établissement.
D’autres grandes écoles s’intéresseraient également de très près au sujet. « Si tous les Mooc dont j’entends parler prennent forme, alors il y aura une véritable explosion à la rentrée », prédit Matthieu Cisel.
Des questions sur la certification
Outre-Atlantique, les universités se sont lancées avec un tel appétit dans le développement de ces « e-cours » ouverts et gratuits que le président de la prestigieuse Stanford parie, avec un brin de provocation, sur la disparition prochaine des exposés magistraux en amphi. Matthieu Cisel le pense aussi : « Les locaux serviront à accueillir des petits groupes pour compléter l’enseignement, répondre aux questions sur le cours. »
Mais les réticences restent fortes. De nombreux enseignants voient encore d’un mauvais œil la publication gratuite de leur travail sur Internet. Se pose également la question de la validation de ces acquis sur Internet. Donneront-ils aussi droit à un diplôme ? Pour l’instant, on n’en est pas là. Les établissements concernés délivrent à ces auditeurs libres d’un nouveau genre des certificats symboliques.
À Polytechnique, on explique qu’il n’est pas encore dans les projets de l’école de proposer une certification. « On est très attentif à ne pas dégrader l’image de notre “marque” », explique Frank Pacard, qui n’écarte toutefois pas totalement l’idée. Pas question, donc, d’un diplôme au rabais. Avant de sauter le pas, il faudra s’assurer de la qualité de l’examen proposé, et pouvoir contrôler l’identité de l’internaute.
Une « révolution » en marche
Le sujet va sûrement être largement débattu avec l’essor, dans les prochains mois, de « France université numérique », un vaste programme lancé par Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur. Avec ce « fonds dédié » en cours de montage, la ministre veut rattraper le retard pris par la France dans ce domaine et espère favoriser « la création et l’utilisation de nouveaux outils ».
Preuve de son intérêt, le ministère a participé au lancement d’un Mooc expérimental, C2i iNum, en avril 2013. L’enjeu a été souligné dans le rapport des assises de l’enseignement supérieur, rendu au gouvernement en décembre 2012, qui parle de « révolution en marche » et met en garde contre l’« erreur historique » que constituerait le fait de rester à l’écart de ce mouvement.
Rémi Noyon