PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

 

L’évaluation des compétences, l’approche par les compétences: une lourdeur inutile, un danger pour la culture et la transmission des connaissances ou, au contraire, une chance pour l’école, puisqu’il s’agit de prendre vraiment les savoirs au sérieux et de leur donner du sens? Un militant pédagogique prend parti et répond aux objections, souvent abstraites ou idéologiques.

Les compétences! Il en est beaucoup question actuellement dans les collèges puisque l’Institution commence enfin à se préoccuper de la mise en oeuvre du socle commun, prévu par la loi depuis 2005. Et pour certains, ce serait l’introduction du diable, ou un pas de plus sur la voie de la destruction d’une école de la transmission des connaissances. Et les pédagogues qui se réjouissent de cette opportunité de transformer notre système scolaire sont une nouvelle fois accusés de mettre à mal la culture, de sacrifier à une logique d’entreprise réduit les savoirs scolaires à l’utilitaire. ‘en est-il vraiment? Que veut dire au juste «approche r compétences»? C’est d’abord prendre les savoirs sérieux, leur donner du sens en les mettant en action. Pour trop d’élèves, l’école est un vaste Questions pour un champion où l’on répond à des interrogations du professeur, sans qu’il y ait véritablement de liens entre les connaissances. Le savoir devrait davantage être présenté comme «donnant du pouvoir ». Lire, pour un enfant, ce doit être pouvoir jouer dans la cour des grands, ne pas être dépendant d’un adulte. Savoir argumenter, c’est pouvoir échanger des idées, anticiper les objections, aussi bien dans sa vie personnelle que dans sa profession. Savoir chercher sur internet et surtout se trouver quelques méthodes pour repérer les informations fiables, c’est ne pas être à la merci de charlatans ou de manipulateurs. Utilitarisme? Le mot «utile» est souvent connoté négativement dans l’enseignement. Parce qu’on en a une conception très réductrice. L’utilité finale prend parfois des chemins de traverse et le travail par compétences n’exclut nullement – au contraire! – des moments d’automatisation, des apprentissages techniques, des détours obligés comme un travail grammatical rigoureux pour un réinvestissement dans l’écriture d’un texte, ou un apport historique pour comprendre une carte géopolitique … Mais il s’agit bien de mobiliser ces savoirs, ces ressources pour réaliser une tâche, d’où l’importance de travailler sur des situations où l’élève est amené à résoudre un problème, s’engager dans un projet, même modeste, où il ne s’agit pas seulement d’« appliquer» ou de restituer. .. Occasion de motiver les élèves sansdoute, mais comme cela exige une certaine rupture avec des habitudes scolaires parfois bien ancrées, il faut s’armer de patience et de rigueur professionnelle pour que cela porte ses fruits. Et la culture? Là encore, on pourrait opposer à une conception notariale où il s’agirait de transmettre un patrimoine, sans bien s’assurer d’ailleurs des conditions de la transmission, une conception dynamique et vivante où l’enseignant joue pleinement un rôle de «passeur ». Et l’approche par compétences le permet bien davantage.Prenons un exemple emprunté à ma pratique personnelle d’enseignant de collège. Durant l’année, les élèves construisent un récit historique (deux matières sont sollicitées, plus la documentation), un voyage dans le temps de Byzance à l’ère humaniste (programme de cinquième). La mise en action, à travers le développement de compétences de recherche, d’exposés oraux, de confection d’affiches, mais aussi d’intégration d’informations dans un récit vivant avec des personnages créés par les élèves, tout cela permet d’aborder autrement les fastes de Constantinople ou les récits de chevalerie et d’établir des ponts entre hier et aujourd’hui, entre des civilisations différentes, mais qui ont des points de convergence, etc. Comment penser à une appropriation culturelle par tous sans avoir recours à une pédagogie active, qui développe ces compétences (travail de groupes, recherche documentaire, capacité à parler devant un auditoire … ) trop peu travaillées dans notre école où l’on copie plus qu’on ne crée, où l’on reproduit plus qu’on ne réutilise dans des contextes différents? Des compétences pourtant essentielles pour le citoyen du XXI’ siècle! Les évaluations internationales PISA montrent que les élèves français réussissent moins bien que d’autres dès qu’il s’agit de transférer des savoirs dans des situations moins habituelles. Comment y remédier sinon en développant cette logique de compétences qui est au coeur du «socle commun» ? Les obstacles sont nombreux, les dérives existent: on le voit bien quand on réduit les compétences à une multiplicité de cases à valider et quand on oublie que l’évaluation est au service d’un travail de fond, et non l’inverse. On le voit aussi lorsque justement, on ne prend pas assez en compte les exigences culturelles, qui seraient censées être un luxe pour les élèves en difficulté. Bien au contraire, la culture doit être au coeur des compétences, mais sans le pathos et les envolées lyriques inefficaces des contempteurs de l’école actuelle, qui ne proposent rien de sérieux pour que les élèves échappent au monde de l’hyperconsommation et de l’addiction aux nouvelles technologies .

 

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