Marilyn Lelièvre, une Française de 35 ans, exerce depuis 2006 en Suède, en école maternelle. Elle nous livre son regard sur le système éducatif suédois.
Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner en Suède ?
Je suis venue en Suède à 21 ans, en tant que jeune fille au pair. En 2006, j’ai commencé à travailler en école maternelle par le biais d’une connaissance. C’est beaucoup plus facile de débuter dans l’enseignement en Suède qu’en France. J’ai d’abord travaillé 7 ans et demi en tant qu’assistante, en « förskola » (pré-école). Et depuis huit mois, j’enseigne quatre jours par semaine à l’école maternelle Française de Stockholm à des enfants de 1 à 6 ans, tout en étant formée une journée par semaine en vue d’obtenir en mai 2015 mon diplôme de « förskollärare », l’équivalent de professeur des écoles en France.
Quel regard portez-vous sur le système éducatif suédois, comparé au système français ?
D’après mon expérience, l’école suédoise me paraît plus « humaine ». Il y a environ un adulte pour 5 enfants. L’organisation fait que les professeurs peuvent consacrer plus de temps à chaque enfant. Nous nous concentrons sur le niveau de l’élève et essayons de le rendre le plus autonome possible. Le repas du midi est aussi un moment d’apprentissage. Les professeurs et assistants mangent avec les enfants. L’enfant est respecté pour ce qu’il est et ce qu’il fait. Après la maternelle, les enfants ont une année de préparation pour l’école. Ils ne doivent pas savoir écrire dès la fin de l’école maternelle. La « förskola » prépare l’enfant socialement pour l’école et travaille pour que chacun ait une bonne estime de lui-même et respecte les autres. L’enfant est invité à prendre part aux décisions le concernant : choisir quelle activité il souhaite faire, ce qu’il veut manger certains jours… Les enfants sont vraiment poussés à penser par eux-mêmes. C’est le processus de réflexion qui est important et non le résultat. L’élève est poussé à expliquer son raisonnement, rien n’est faux ou juste s’il y a une logique.
Dans le système français, les enfants ont plus l’esprit de compétition. Ils ont plus de pression sur leurs épaules, il faut de bons résultats pour réussir. Par exemple, les enfants se préparent à l’entrée au CP en commençant l’apprentissage de l’écriture en lettres attachées. Néanmoins, en France, les enfants sont plus disciplinés dans le sens où ils « obéissent », en général, à leur professeur. En Suède, les limites sont moins posées, les enfants sont plus indépendants. Mais du coup, cette liberté fait qu’ils ne changent pas tellement de comportements en classe et en dehors de la classe.
Comment s’organise une journée d’école ? Quels sont les rythmes scolaires ?
En maternelle suédoise, les journées peuvent être longues puisque la journée de l’enfant est adaptée aux horaires de travail des parents, et non l’inverse. Les horaires d’ouverture peuvent être 6h30/18h30. Dans l’école maternelle où je travaille, nos horaires sont 7h30-18h, car nous n’avons aucun enfant qui nécessite des horaires plus larges. Mais si un enfant en a besoin, nous sommes obligés de nous adapter ! A l’école élémentaire, les journées sont plus courtes pour laisser place aux activités extrascolaires. Les centres aérés, appelés « fritids », prennent en charge les enfants qui ne peuvent pas rentrer chez eux quand l’école est finie.
Le mode d’évaluation des élèves est-il différent ?
Dans le système suédois, ce n’est pas le résultat qui compte, mais le processus de réflexion. En maternelle, il n’y a pas de système d’évaluation. Les professeurs analysent en permanence les progrès des élèves. Nous observons beaucoup les enfants (motricité, apprentissage…), dans des situations différentes, de manière à adapter l’apprentissage. En maternelle française, il me semble que les enfants sont davantage jugés sur leur travail, sur ce qu’ils produisent.
Avez-vous le sentiment d’être bien considérée en tant qu’enseignante en Suède ?
Il manque beaucoup d’enseignants en Suède, surtout en maternelle. Le gouvernement essaye d’encourager les étudiants ainsi que les jeunes qui travaillent déjà en tant qu’assistant(e) à passer le diplôme de professeur. La rémunération a augmenté ces dernières années. Selon l’endroit où l’on travaille et selon la commune, le salaire mensuel varie entre 26 000 et 32 000 couronnes suédoises (l’équivalent de 2800 à 3500 euros). A Stockholm, les salaires sont plus élevés que dans les plus petites villes.
Charles Centofanti
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