Des pédagogies renouvelées
L’arrivée des nouvelles technologies bouleverse en profondeur les pratiques pédagogiques. Voyage au coeur de quatre expériences probantes, de la maternelle au secondaire, qui font la différence sur le plan des apprentissages.
« Plus efficace qu’un cours magistral»
Imaginez un jeu de rôles où des élèves occupent des fonctions d’agences de l’énergie, de chefs d’entreprise, d’élus d’une communauté de communes … Leur mission: mettre en place un Plan Climat Energie Territorial afin de lutter contre le changement climatique. Leurs outils de travail: Internet pour chercher des infos et poser des questions à de vrais experts et une plateforme numérique de travail, Moodle, abritant forums, blogs et espaces de partage de fichiers. Tel est l’exercice auquel participent des lycéens de Sain-Bel (69) et de Sète (34) et qui, à travers ce jeu, abordent des notions de gestion de territoire, de développement durable, d’éducation civique et des connaissances sur les différentes énergies. thématiques inscrites au programme de 2nd en histoire-géographie et en SVT. Un
superbe outil, selon Caroline Jouneau-Sion, professeure d’histoire- géographie au lycée Germaine Tillion de Sain-Bel.
« D’une part, les Tice facilitent les échanges avec l’extérieur en les rendant plus rapides et simples. Elles permettent l’apprentissage du travail en équipe. Mais surtout, la grande différence, elles impliquent une pédagogie active, les élèves allant chercher l’information eux-mêmes". Une vraie révolution dans la façon d’enseigner ! Le professeur n’est plus le seul détenteur du savoir, son rôle consistant dès lors à apprendre aux élèves à sélectionner ces informations, les vérifier, les mettre en forme, les synthétiser, les diffuser. « C’est beaucoup plus efficace qu’un cours magistral. Le fait d’avoir eu à chercher ces connaissances et à les organiser par eux-mêmes fait, qu’au final, ils s’en souviennent bien mieux ", constate Caroline Jouneau-Sion. « En termes d’acquis, on voit la différence".
« Des supports plus authentiques en langues»
Utilisant depuis des années magnétos et téléviseurs pour leurs cours, les profs de langues sont les premiers adeptes des Tice. Yvan Baptiste, professeur d’anglais au lycée Jean-Lurçat de Perpignan et collaborateur de la mission académique Tice de Montpellier, exploite avec jubilation ces outils si précieux à une discipline où l’oralité est primordiale. « Le vidéoprojecteur nous permet par exemple de projeter des ressources trouvées sur Internet, qui se révèlent des supports authentiques, culturellement et phonétiquement ". En salle informatique, les élèves de ce lycée s’entraînent à des exercices interactifs. Seuls devant leurs écrans,ils peuvent se repasser, chacun à leur rythme, un extrait sonore, s’enregistrer pour tester leur prononciation, avoir un retour immédiat sur un exercice … « C’est plus individualisé et motivant que si on leur donne l’exercice 3 de la page 25 du manuel" précise Yvan Baptiste, qui a également testé les baladeurs MP3 permettant aux élèves d’accéder chez eux à un document sonore. « C’était cependant un peu contraignant pour récupérer le matériel, le chargement des piles. Désormais, on met nos ressources sonores ou vidéos en ligne sur notre ENT.Les élèves les récupèrent sur leur ordinateur personnel pour faire leurs devoirs. Ils écoutent un extrait, complètent une grille d’écoute, répondent à un QCM,repèrent des mots ou intonations clés … ". Autre technologie qui a ses faveurs: la visioconférence. Les classes d’Yvan Baptiste ont ainsi régulièrement rendez-vous, via écran et webcam, avec des élèves d’un établissement new-yorkais. « Ils se voient, ils se parlent, c’est fascinant pour les élèves. Cela crée une vraie dynamique en termes d’enseignement ", conclut Yvan Baptiste, qui attend désormais impatiemment l’arrivée de manuels numériques « véritablement interactifs ».
« Des outils pour construire de la pensée»
Les écoles matemelles et primaires surfent tout autant sur les nouvelles technologies. Onvoit, par exemple, de plus en plus d’élèves du primaire « twitter » (soit l’envoi en ligne de brefs messages) pour apprivoiser de façon plus ludique la maîtrise de la langue et l’esprit de synthèse. D’autres projets pédagogiques plus complexes voient le jour. Dans la ville de Colmar, une vingtaine d’élèves de maternelles, en difficulté scolaire, chapeautée par un maître spécialisé en Rased, David Hebert, a ainsi donné naissance à un petit dictionnaire des « PAREILS» numérique et collaboratif. Dans ce dictionnaire en ligne, les enfants présentent, via des images et des vidéos où ils sont filmés, des dizaines d’objets qu’ils ont regroupés en fonction de différentes caractéristiques: couleur, matière, forme … La recette technique? Le logiciel Didapage, un tableau numérique portable, un ordinateur, un mini-caméscope et un appareil photo numérique, le tout conçu aprés dix ans de réflexion pédagogique sur les élèves en difficulté. « Utilisés judicieusement, ces outils se révèlent appropriéspour construire de la pensée », témoigne David Hebert. « Beaucoup d’enfants en difficulté scolaire ne font pas de liens, ne savent pas comparer, se contentent le plus souvent de n’associer qu’une
seule caractéristique à un objet. Ces outils facilitent le travail sur l’apprendre à apprendre, qui est justement savoir composer et organiser ». Facilement présentable et partageable auprès d’autres élèves et établissements, ce petit dico par sa visibilité accrue gràce aux Tice, s’est avéré, en outre, un formidable auxiliaire pour valoriser le travail des élèves et leur redonner confiance en eux. « On prévoit méme cette année d’y associer les parents qui pourront consulter le soir chez eux le dico et y intégrer avec leurs enfants de nouveaux objets » ajoute David Hebert. « Les parents peuvent ainsi devenir acteurs du projet et l’école n’est plus enfermée entre ses quatre murs ».
« l’aide aux devoirs à distance: une petite révolution ! »
En région parisienne, déjà quatre établissements ont tenté l’aventure. D’autres expériences seront menées sur Lyon, Nice et Tourcoing. L’aide aux devoirs à distance en est à ses prémices, impulsée par l’initiative de Saïd Iamarène, professeur de mathématiques à l’UPEC (Université Paris Est Créteil). Le collège Georges Rouault situé dans le 1ge à Paris, qui a lancé en 2008 ce dispositif, fait figure de pionnier. Du lundi au vendredi, entre 18h30 à 19h30, tous les élèves ont ainsi la possibilité d’entrer en contact avec un professeur de l’établissement via une plateforme web dédiée, afin d’étre aidés ponctuellement dans leurs devoirs. « Tout est parti du constat que dans cet établissement classé Réseau Ambition Réussite (RAR), seul un tiers des élèves rendaient leurs devoirs» explique Stéphanie Vine!, à l’époque professeure référente de mathématiques et maître d’oeuvre du dispositif dans ce collège. « Quasiment tous les élèves étant équipés d’un ordinateur chez eux, cette solution était dès lors envisageable. L’objectif n’était pas de faire les devoirs à leur place, mais de les débloquer en direct sur certains points et ainsi de les remotiver ». Lesrésultats ont été convaincants notamment chez les 6e et se. « J’ai vu mes élèves tout d’abord faire leurs devoirs,
mais également reprendre confiance en eux, oser par la suite prendre la parole en classe. Une relation privilégiée – seul à seul – avait réussi à s’instaurer . via’ la plateforme, hors du cadre institutionnel, avec des élèves qui jusqu’alors, par peur de la stigmatisation en groupe, restaient mutiques. L’attitude en classe de certains élèves s’est dès lors améliorée de manière spectaculaire », analyse Stéphanie Vinel, désormais proviseure adjointe du lycée Albert Schweitzer au Raincy, établissement qui inaugure une aide pédagogique par Internet pour les élèves souffrant de pathologies ou hospitalisés.