PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Les Cahiers Pédagogiques – le 25 avril 2014 :

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Volontaire-permanent du mouvement ATD Quart Monde depuis 1978, Bruno Masurel travaille plus spécifiquement depuis quinze ans sur les relations du monde de l’éducation avec les familles en situation d’exclusion, dans le but de combattre les inégalités d’accès au savoir et à la culture. Il partage avec nous quelques principes forts issus d’une longue recherche menée à Rennes.


Avoir vécu tout son parcours scolaire au fond de la classe, comme un grand nombre d’adultes en grande pauvreté, fait qu’on ne croit guère pouvoir être écouté par l’école. Surtout quand le regard des autres semble signifier que si des enfants n’apprennent pas bien à l’école, c’est parce que leurs parents seraient démissionnaires et laisseraient donc leurs enfants livrés à eux-mêmes. Un tel regard empêche ces parents d’avoir confiance en eux, de se croire capables d’aider eux-mêmes leur enfant, et par la suite de les encourager à faire confiance à cette école. Comment en effet serait-ce possible, si elle les humilie, en les dépossédant de ce qu’ils pourraient faire par eux-mêmes pour l’avenir de leurs enfants ?

Un parent ne voudra vraiment participer à l’école que s’il pressent que ce qu’il y apporte aura une influence sur ce qui se passe, sera pris en compte réellement par l’enseignant et donc favoriser la réussite des enfants. S’autoriser à donner son avis, ne pas se dévaloriser soi-même n’est donc pas acquis pour bon nombre de parents, surtout si les modalités de rencontre ne le favorisent guère. Par exemple, lorsqu’un père de famille turc, qui vient rarement à l’école, voit le professeur de sa fille et qu’en quinze minutes d’entretien, les seuls mots prononcés par ce père sont « ?oui, monsieur? ». L’échange a été observé à distance par un autre enseignant, qui a vu son collègue tenir la conversation, sans laisser aucune occasion au père de dire ce qu’il pense bon pour sa fille. L’enseignant ne s’en serait pas rendu compte si son collègue, témoin de l’échange, ne lui avait pas ensuite fait remarquer. Le père ne reviendra peut-être pas avant un moment.

D’où l’importance de rendre l’enfant fier de ses parents, de l’aider à développer sa propre estime de lui-même. Il s’agira aussi de redonner confiance aux parents, forts de cette estime que leurs enfants ont pour eux. Faire alors entrer à l’école des savoirs et compétences qu’elle ne reconnait pas toujours : valoriser des savoirs non académiques, comme le jardinage, la menuiserie, la mécanique, ou une langue maternelle autre que le français. Construire au fond l’éducation et les savoirs avec l’intelligence de tous.

Dans l’autre sens aussi, rendre les parents fiers de leurs enfants est important, car l’enfant grandit à travers le regard que ses parents portent sur lui. Sentir que ses parents sont fiers de lui est le premier stimulant de la confiance en soi d’un enfant. Les parents disent bien que lorsqu’ils sont convoqués à l’école, ils appréhendent d’y aller. S’ils anticipent un jugement négatif sur leur enfant, cela ne les encourage pas à venir à l’école. Si l’enseignant sait montrer comment travaille l’enfant, valoriser ses progrès, c’est le meilleur moyen de faire venir les parents. Il est donc très important que les parents puissent découvrir et comprendre ce que les enfants vivent et font en classe, qu’ils aient conscience de ce que cela apporte à leur enfant.

Bruno Masurel

Mouvement ATD (Agir tous pour la dignité) Quart Monde

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Categories: Ecoles - Familles

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