Ch. 20. Pour un projet éducatif local
Comme nous venons de le voir, le champ éducatif est au coeur des préoccupations des élus locaux. Ce thème s’élargit à divers secteurs rendant la tâche certes plus difficile, mais aussi plus exaltante. La multiplicité des besoins, en termes quantitatifs ou qualitatifs, exprimée légitimement par les demandeurs d’école et émanant de tous les corps sociaux, impose des réponses adaptées donc des orientations clairement définies et des choix pertinents. La Loi d’orientation votée par le Parlement en juillet 1989 nous invite à un large partenariat que les opérateurs territoriaux doivent intégrer pour que réussisse le projet national. C’est pourquoi, le PRODUCAL, tente de jeter les bases d’une démarche globale, au niveau local, pour une meilleure adéquation entre la demande et l’offre de formation permanente.
1. Quelques observations générales
Certains éléments constants composent le territoire sur lequel opèrent les acteurs éducatifs (l’école et les enseignants, la cellule familiale et les parents, la réalité communale et les élus municipaux, les tissus – associatif, économique, social – représentant des variables d’intensités différentes).
Les municipalités consacrent parfois plus de la moitié du budget d’investissement et de fonctionnement à l’éducation si l’on prend en compte l’enseignement proprement dit, mais aussi les heures de natation, le conservatoire de musique, la restauration, les centres de loisirs …
Assurer un enseignement de qualité c’est d’abord, pour les élus, permettre un accueil de qualité dans des locaux adaptés. Mais les partenaires de l’école, les pressent de plus en plus de mettre en relation la fonction d’enseignement avec celle d’éducation. Au sortir de l’établissement scolaire, où s’arrête la compétence de l’élu local en matière d’éducation ?
Devant les problèmes que se pose et pose la jeunesse, l’action des élus ne pourrait-elle se rapporter qu’à la pertinence des lieux éducatifs ?
Toute l’infrastructure municipale et / ou associative des loisirs se fonde sur des bases éducatives et sociales autour de l’école. Cette dernière, au sens large du terme, est devenue complètement perméable à son environnement; pour autant, elle n’est pas assez transparente. La nécessaire connaissance de l’origine des élèves et des conditions de vie du quartier ou du village, lui impose d’autres contraintes et d’autres pratiques.
Elle n’assure plus à elle seule tous les actes de formation. L’enseignement n’a plus lieu en un seul espace même si l’école reste le pivot des systèmes éducatifs et le lieu de transmission primordial des savoirs. C’est sa mission et son obligation d’exercer une fonction d’intégration et de donner la maîtrise des savoirs et des expressions.
• Des objectifs économiques et sociaux repoussent les frontières entre l’éducatif, le culturel, le social et l’économique.
Le traitement éducatif passant par une insertion sociale et professionnelle, beaucoup d’associations s’ouvrent largement à cet aspect et les maisons de quartiers deviennent des lieux de rencontres où la formation prend une place de plus en plus importante. Cela conduit les décideurs à concevoir le cadre bâti d’une manière plus évolutive avec des méthodes de fonctionnement différentes.
Dès lors, l’élu local se trouve confronté à la demande qui lui est faite d’assurer à chaque jeune la possibilité de s’insérer, au mieux de ses possibilités, dans les lieux dont l’objet est l’enseignement ou l’éducation ou la formation.
Il est situé devant l’obligation suivante : au-delà de l’école permettre à d’autres partenaires de solliciter la participation de multiples intervenants, leur donner les moyens de leurs projets, assurer leur réussite.
C’est pourquoi une politique municipale en matière éducative doit permettre de passer, de la gestion à l’animation, de l’éducation-formation initiale à la formation permanente, de la consultation à la concertation et au partenariat, de l’instruction au projet éducatif global.
Une collectivité territoriale n’a pas pour ambition de pallier à elle seule aux insuffisances des systèmes éducatifs, de formation initiale et continue. Cependant elle peut exercer sur les dispositifs, étatiques et privés, un effet de levier en organisant la rencontre des partenaires, en les conduisant à préciser certains objectifs communs.
Les collectivités territoriales, en ajoutant le plus souvent d’importants moyens, déclenchent un renforcement des efforts tout en situant clairement les compétences de l’Etat et leurs propres prérogatives. La commune possède des atouts de tout premier ordre avec de très nombreuses instances participantes, comme en particulier, les conseils d’écoles.
Ces instances participatives (élèves, parents, élus) constituent un "réservoir" immense de potentialités qui, hélas, s’effrite bien vite alors que l’état de parent d’élèves a une durée de vie impressionnante (minimum18 ans !). Ces citoyens, usagers des services d’éducation sont sous-utilisés, et leur bonne volonté est trop souvent mise en brèche au bout de quelques participations. Il s’agit pourtant d’un levier de notre société civile qui peut grâce à l’outil reconnu qu’est l’école, prendre en compte l’ensemble des problèmes qui se posent. Alors ne décevons pas ces personnes / ressources disposées à s’associer à notre démarche, car être délégué parent ou représentant de la municipalité c’est s’inscrire, en tant que personne, dans un processus de transformation sociale.
Les personnels, quant à eux, attendent beaucoup, trop parfois, des décideurs – élus.
Les jeunes – à statut étudiant – ne sont pas suffisamment entendus. Les formes d’apprentissages à l’état "d’aspirant / citoyen" en particulier doivent être conduites à partir de l’établissement scolaire (la coopérative, le foyer socio-éducatif…) et les Conseils Municipaux des jeunes n’ont pas à se substituer à ces structures. Par contre ces dernières peuvent s’intégrer dans un projet plus large élaboré avec un mouvement éducatif ayant un rôle reconnu sur le territoire communal.
Depuis une décennie les activités socio-culturelles complémentaires des temps_scolaires ont été largement développées, par les élus, à partir des revendications légitimes conduites, le plus souvent, par les mouvements laïques.
La volonté d’éducation globale a permis la mise en place de Centres de Loisirs Associés à l’Ecole, de Centres intégrés de la petite enfance, et de nombreuses classes transplantées à la neige ou à la campagne.
Le développement des structures de loisirs éducatifs, de prévention ainsi que des lieux spécifiques ont conduit à la constitution d’un corps de professionnels (travailleurs sociaux, animateurs enfance / jeunesse, socio-culturels …).
Les contenus éducatifs et formatifs sont dispensés par des personnels d’enseignement certes, mais aussi par des animateurs professionnels. Les activités se déroulent dans l’école, autour de l’école en tant qu’espace social, mais surtout avec l’Ecole.
Les charges afférentes aux animations ont considérablement augmenté suite à la diversification des formes d’accueils et à la mise en place d’activités plus techniques. Il est donc apparu nécessaire d’associer toutes ces personnes à une réflexion collective sur les objectifs à atteindre et sur les moyens à développer pour y parvenir.
Pour ce faire l’Etat et les collectivités territoriales devront signer des contrats de développement éducatif induisant des contrats entre les établissements d’enseignement. La décentralisation prendra une autre dimension et sera visualisable par tout un chacun.
Ainsi seront favorisées des stratégies éducatives locales qui se traduiront différemment selon les cas. Ici, un projet à vocation "promotion sociale", un projet d’aménagement du temps ou des espaces, un projet de développement artistique ou encore la fabrication d’outils pour lutter contre l’illettrisme. Là, des jumelages avec des entreprises, des appariements, des projets santé, nutrition, sécurité domestique, "jeune consommateur", citoyenneté, environnement, tourisme social/familial. Ailleurs, l’accueil des plus petits, la circulation des jeunes piétons, l’accessibilité aux activités des handicapés, les loisirs des adolescents, l’information des usagers, l’aide à l’orientation professionnelle des filles …
Après l’élaboration d’hypothèses, le projet retenu induit d’une manière souple des participations diverses. Chaque niveau de compétence apporte sa contribution en fonction de ses capacités et peut se traduire évidemment :fmancièrement mais aussi en prêt de matériel, ce qui est loin d’être négligeable. Les intérêts réciproques constituent la base du partenariat.
2. L’importance de la décentralisation dans le phénomène d’éducation
La décentralisation accentue la possibilité pour les élus de s’intéresser davantage au schéma prévisionnel des formations (région), aux transports scolaires (département), aux constructions.
La commune ne peut ignorer les choix décisifs réalisés à l’échelon régional et à l’échelon départemental. Par contre, considérant "l’enfant dans sa cité" elle a pour rôle d’utiliser et d’harmoniser les décisions et aides diverses émanant d’autres collectivités territoriales.
La décentralisation apporte des réponses rapides aux besoins répertoriés en termes d’équipements et de moyens de fonctionnement. Les besoins sont plus facilement pris en compte car discutés au plus près des usagers (cet aspect excessivement positif n’est remis en cause par aucune force sociale ou politique). Cependant, il est nécessaire d’aller plus loin.
Le maire est devenu l’interlocuteur privilégié de l’ensemble des questions éducatives à tous les niveaux.
Là où la compétence de la commune est totale, l’engagement doit être total.
Là où la compétence est partielle, le maire doit reconnaître le terrain éducatif et prendre sa part dans la décision.
Là où la commune n’a pas compétence, le maire doit faire des investigations, émettre ses points de vue, et tenter de les faire valoir.
Une volonté affirmée de travailler ensemble exige des relations continuelles entre les acteurs, c’est à dire à la fois une circulation permanente de l’information et une définition précise des méthodes et des moyens de cette communication. L’ouverture de l’école, la participation des partenaires, la réussite de la stratégie éducative locale reposent sur la capacité de l’élu à déterminer et comprendre les pièces vivantes du puzzle, pour que chacun des acteurs cesse de s’enfermer dans un statut et agisse en fonction de contrats passés, au service du projet général de réussite éducative. Trop souvent les lieux, les institutions et les personnels morcellent la tâche éducative et partagent la vie de l’enfant; hormis les élus – personne n’a une vision globale des intervenants et interventions.
Ce projet s’élabore, se construit, évolue à partir d’une démarche collective centrée sur le développement de l’enfant, ses besoins et ses attentes, s’appuyant sur des parcours différents.
Dans cet esprit la traditionnelle "commission scolaire extra municipale" s’identifie au système ouvert global et se veut alors un agent de changement social. Les conseils d’écoles s’inscrivent alors dans une dynamique, y trouvant une autre signification ; cette évolution passe par une appropriation de l’outil et non par une disposition réglementaire nouvelle.
Ces divers éléments conduisent à la construction d’un projet global, cohérent et harmonieux.
C’est l’objet du projet éducatif local – PRODUCAL – qui permet de situer l’enfant au coeur des préoccupations éducatives, d’associer tous les partenaires concernés à la mise en place d’un tel projet, et de situer les actions dans une démarche plus généralisante et donc plus opérationnelle ; au parcellaire des réponses succède une généralisation des actions.
3. Le PROjet éDUcatif loCAL (PRODUCAL)
LE PRODUCAL peut avoir l’avantage de privilégier ce que l’on cherche a faire ensemble par rapport aux moyens de le réaliser. Cela permet aux acteurs locaux de prendre des initiatives qui leur paraissent opportunes dans le cadre de règles suffisamment souples.
Il s’agit d’affirmer que l’on souhaite rechercher les cohérences et souligner les priorités correspondant à des besoins spécifiques repérés. Tous les acteurs – et les élus en premier – doivent penser et agir "Enfance / Jeunesse". Beaucoup de services peuvent s’impliquer dans la démarche et offrir des prestations.
Ces volontés se traduisent par la mise en oeuvre d’une politique globale, développant de façon coordonnée les mesures en faveur de la famille, de l’enfance, de I’adolescence et de politiques spécifiques, favorisant le développement d’actions éducatives en fonction des caractéristiques des quartiers et des publics ciblés (jeunes adultes handicapés …).
La commune demeure l’espace privilégié pour la conduite des projets à caractère éducatif et culturel car repérable par l’ensemble des acteurs et usagers.
• Avec qui monter PRODUCAL ?
Pour mener à bien un tel projet les élus peuvent faire appel à des consultants dont le rôle politique est loin d’être négligeable. Les grands mouvements d’éducation populaire constituent des partenaires avertis dont les conseils sont fondés sur des pratiques sociales effectives ; il peut s’agir aussi d’autres personnes dont les compétences dans l’animation éducative sont reconnues. Ce partenaire catalyse les énergies, apaise les ressentis et pressions, joue le rôle d’agent de liaison avec les fournisseurs de solutions. Il sait comment s ‘y prendre pour introduire un changement auprès des individus et des organisations. Il aide les participants à mieux définir leurs besoins, à diagnostiquer les problèmes, à formuler des objectifs compris de tous, à rechercher et acquérir les ressources nécessaires, à choisir, à adapter et implanter les solutions (humaines, matérielles, structurelles, financières), à évaluer les résultats.
Si cet agent, considéré comme un chaînon indispensable, ne dispose pas personnellement des ressources, il sait où se les procurer et les proposer pour en faire le meilleur usage possible.
Comme les acteurs possèdent des langages et des habitudes différentes, répondant à des logiques qui souvent se superposent, cette personne(que l’on peut appeler programmiste) doit comprendre les demandes sociales et permettre aux groupes de les exprimer puis de les traduire en terme d’opérations.
• Les objectifs d’un PRODUCAL
– Mettre en évidence les convergences éducatives.
– Eviter les juxtapositions voire les superpositions d’interventions.
– Favoriser les connexions de l’ensemble des éléments (institutions,agents …)
– Formuler des intentions éducatives induisant des pratiques pédagogiques appropriées.
– Organiser les réseaux de relations et d’échanges.
– Alléger et transformer les circuits de transmission des informations.
– Créer les dispositifs et outils répondant aux besoins à satisfaire.
– Planifier les structures, les espaces, les personnels.
– Programmer les moyens matériels, humains et financiers.
– Articuler réflexions et actions.
• Les responsabilités des élus
– Fixer les orientations générales et objectifs à atteindre.
– Impliquer les organismes dans des dispositifs d’actions concertées.
– Contractualiser les projets.
– Mutualiser les ressources.
– S’engager par une programmation pluri-annuelle.
– Financer les opérations/actions – projets spécifiques.
– Former les personnels (avec l’Etat, le CNFPT, en liaison avec les mouvements d’éducation populaire).
– Mettre à disposition des locaux, des personnels, des biens matériels
– Aider à la création d’outils pédagogiques.
– Evaluer à partir des contractualisations (à reconduire, à modifier, à supprimer).
• La réussite de la démarche s’appuiera sur les pôles importants suivants :
– Les collectivités territoriales
– Les services extérieurs de l’Etat
– Les équipements locaux, (éducatifs, sportifs, culturels, sociaux … )
– Les dispositifs d’accompagnement (mission locale, conseil local de prévention de la délinquance)
– Les professionnels "éducateurs" (travailleurs sociaux, ilôtiers …)
– Les producteurs (commerces, comités d’entreprises, PME, PMI…
– Les associations (de parents d’élèves, de locataires, d’action sociale …)
– Les habitants (résidents, jeunes …)
– Les communicants (journalistes, publicitaires …)
– Des personnes / ressources reconnues pour leurs compétences (chercheurs, sociologues, urbanistes … )