In L’Express – le 9 janvier 2014 :
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Combien de temps faudra-t-il pour que l’enseignement scolaire comprenne que les entreprises attendent des jeunes diplômés qu’ils sachent coopérer? La chronique d’Emmanuel Davidenkoff.
Dix ans. Pendant dix ans les scientifiques les plus éminents ont échoué à trouver la structure tridimensionnelle de la protéase rétrovirale du virus M-PMV, étape indispensable pour découvrir, peut-être, une molécule qui stopperait la reproduction du VIH – en clair : de soigner le SIDA. En trois semaines, le site Fold-It ("Pliez-le") a résolu le problème. Comment ? En le soumettant aux internautes. Dans le monde entier, des dizaines de milliers d’entre eux se sont "amusés" à essayer de plier cette protéine. Ils ont réussi.
Cet exemple qu’aime rappeler le biologiste François Taddei, infatigable défenseur des pédagogies coopératives, est emblématique mais pas unique. De manière beaucoup plus quotidienne, nous sommes nombreux à résoudre des bugs informatiques en consultant les forums spécialisés mettant en commun les trouvailles de bidouilleurs qui sont loin d’être tous diplômés en informatique. Dans Makers (Pearson, 2013), Chris Anderson, un des gourous de la Silicon Valley, donne lui aussi plusieurs exemples de résolution de problèmes grâce à la puissance de l’intelligence collective. Les entreprises ont bien compris tout le bénéfice qu’elles pouvaient en tirer et disent la rechercher.
Elles passent commande aux grandes écoles de formations moins tubulaires, moins spécialisées, leur demandent de développer les compétences relationnelles, collaboratives, des étudiants. Cette tendance encore émergente se traduit par la multiplication d’accords entre écoles de commerce, d’ingénieurs et de design, voire par la naissance de nouveaux établissements, comme Paris Est D-School, créée en partenariat avec la mythique D School de Stanford. Même l’université, réputée plus éloignée du monde de l’entreprise et, de par sa taille et son histoire, moins rapidement adaptable, s’intéresse à ce courant – celle de Cergy Pontoise abrite ainsi un "Fac Lab", variante des Fab Lab qui bourgeonnent dans le monde entier afin d’offrir aux citoyens des espaces collaboratifs pour travailler la matière (bois, plastiques, céramique, fer, etc.).
Combien de temps faudra-t-il à l’enseignement scolaire, et singulièrement au secondaire, pour le comprendre et pour cesser de n’évaluer que les compétences individuelles? Pour qu’il apprenne à valoriser les capacités à coopérer, à formuler et à résoudre collectivement des problèmes de tous ordres? Pour qu’il forme enfin les futurs citoyens et travailleurs dont les entreprises ont besoin – on peut même rêver que ces modes de travail horizontaux irriguent un jour la fonction publique et brisent le carcan des castes administratives et des hiérarchies qui interdisent au bureau B2 de parler au bureau C3?
Voilà qui, en tout cas, constituerait une sérieuse "refondation" de l’école. Cette dernière, en tant qu’institution, est-elle seulement capable de penser un tel changement? De la réponse à cette question dépend non seulement l’avenir de millions d’élèves mais celui de notre économie et de notre société. Puisse 2014 lui permettre de progresser en ce sens.