In Tribune de Genève – vendredi 3 février 2013 :
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Les Genevois voteront en mars sur l’introduction d’une demi-journée supplémentaire dans le primaire. Mais quelle
devrait être la journée scolaire idéale pour des élèves âgés entre 8 et 12 ans ?
Deux spécialistes donnent leur avis. Parole est aussi donnée aux enfants
Le peuple genevois devra se prononcer le 11 mars prochain sur le retour, ou pas, de l’école le mercredi matin en primaire. Les autorités cantonales veulent réorganiser l’horaire scolaire en passant de 28 à 32 périodes hebdomadaires pour les élèves âgés entre 8 et 12 ans dès 2013, notamment pour encourager l’apprentissage des langues. Une réforme directement liée au projet d’harmonisation romand HarmoS, Genève étant le seul canton à connaître la semaine de quatre jours depuis 1997.
La Société pédagogique genevoise s’est érigée contre cette loi et a lancé un référendum contre la réintroduction d’une demi-journée de classe. Pour le syndicat des enseignants du primaire, le mercredi matin n’est pas une solution. La centrale dénonce une dégradation prévisible des prestations aux élèves et exige 300 postes d’enseignants supplémentaires.
Au contraire, le conseiller d’Etat chargé de l’Instruction publique, Charles Beer, pense que cet aménagement serait plus profitable aux élèves et redresserait leur niveau scolaire.
Le projet de loi divise, autant au sein de la gauche que de la droite, mais surtout les organisations syndicales.
La vraie question est pourtant la suivante: comment doit s’articuler, idéalement, la journée d’un enfant entre 8 et 12 ans? Pour répondre à cela, La Tribune de Genève a interrogé deux spécialistes français des rythmes scolaires: François Testu, chronopsychologue et professeur à l’Université de Tours, et Claire Leconte, chronobiologiste et professeure à l’alma mater de Lille. Le premier, particulièrement reconnu, a créé en 2004 un master professionnel consacré à la gestion des temps éducatifs et a été membre du comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires en 2010. Comme la grande majorité des chercheurs de l’hexagone, nos interlocuteurs se sont érigés contre la suppression de l’école le mercredi matin en 2008, et donc contre la semaine de 4 jours. Entretien.
L’école devrait-elle changer de cadence pour les élèves ?
«Il faut respecter le rythme de l’enfant»
Idéalement, comment doit s’organiser la journée d’un enfant âgé entre 8 et 12 ans ?
François Testu: D’abord, il ne faut pas le faire commencer trop tôt. Il devrait rentrer en classe entre 8 h 45 et 9 h. Ensuite, ne pas dépasser les 5 h 30 de cours par jour. Il faut aussi respecter une vraie pause méridienne d’environ deux heures. Et, le plus important, il faut rentabiliser les moments de la journée où les élèves sont les plus réceptifs, les plus concentrés et donc, encourager les activités les plus sollicitantes à ce moment-là.
C’est-à-dire ?
FT : Les rythmes biologiques et psychologiques répondent à des horaires précis. Il faut situer les apprentissages qui demandent beaucoup d’efforts en deuxième partie de matinée ainsi qu’en milieu d’après-midi. Les autres créneaux doivent être consacrés à l’entretien ou à la révision de notions déjà abordées.
Claire Leconte : Il est très mauvais de masser des enseignements lourds. L’enfant ne doit pas être en permanence en grande concentration. Il est préférable de conserver des matières éveillantes au cours de la journée.
Sur quels autres aspects doit-on être vigilant pour le bien-être des enfants ?
CL : On doit insister sur la régularité du sommeil, même les jours où il n’y a pas classe. Le mieux est d’apprendre à l’enfant à repérer le bon moment pour aller se coucher pour qu’il se réveille spontanément.
Aujourd’hui, les enfants se couchent de plus en plus tard et passent de plus en plus de temps devant un écran lumineux avant de se coucher. Or, cela dérègle le sommeil. Car la luminosité retarde l’endormissement. L’idéal pour l’enfant serait de se coucher tous les jours à la même heure et de passer plutôt du temps avant l’endormissement sur un livre, une BD, quelque chose permettant de se décontracter. Pour éviter la fatigue, il faut aussi mêler à cet aspect un bon rythme alimentaire qui consiste à prendre un petit déjeuner le matin avant de partir à l’école et à équilibrer l’alimentation sur la journée.
FT : L’important est que l’enfant garde une régularité dans la vie, que ça soit au quotidien, à la semaine ou à l’année. Il faut faire alterner les cours et les activités et surtout éviter les ruptures trop importantes.
C’est pour cela que vous rejetez la semaine de quatre jours ?
FT : La semaine de quatre jours est la moins bonne des solutions car les élèves ont du mal à se remettre en route à deux reprises: le lundi matin et le jeudi matin. Celle de quatre jours et demi permet de poursuivre l’activité attentionnelle, favorise le respect d’une vie plus régulière et un sommeil plus long. Pour gagner en efficacité, il faut respecter la rythmicité de l’enfant.
CL : Ces ruptures hebdomadaires sont pénalisantes pour l’enfant car elles entraînent une désynchronisation de son rythme. Il est préférable de distribuer régulièrement au cours de la semaine ces temps d’apprentissage que l’on réduirait ainsi chaque jour.
Comment gérer le temps libre des enfants ?
FT : Les activités extrascolaires sont la bienvenue, mais il ne faut pas en abuser. Une activité le mercredi ou le samedi après-midi et pourquoi pas un autre soir de la semaine suffisent. La surcharge de ces activités est un risque, mais la non prise en charge de l’enfant est pire.
Y a-t-il un système idéal ?
FT : Je ne pense pas qu’il y ait d’aménagement idéal. On cite souvent la Finlande ou la Suède. Les pauses de midi y sont plus grandes, les enfants sortent plus tôt l’après-midi et ensuite ils peuvent, sur la base du volontariat, suivre des activités périscolaires assurées par d’autres intervenants que les enseignants, dans d’autres locaux.
M.T