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Dans le quartier Bellefontaine à Toulouse, 1 200 jeunes sont passés par l’École de la deuxième chance depuis 2003. Ce qui a permis à 70 % d’entre eux de se former, de se réinsérer et de trouver un travail.
Au 57, allée de Bellefontaine à Toulouse, c’est l’heure de la pause. Black, blanc, beur, les jeunes montent et descendent les escaliers de l’École de la deuxième chance en lançant un «bonjour, bonjour» – la politesse est la première des règles dans la maison. Les uns changent d’atelier, les autres s’invitent à la cafétéria, le temps d’une boisson. Les formateurs, «les coach» et Marc Martin, le directeur ne sont jamais loin. Lui connaît les prénoms de tous ses élèves au nombre de 180 chaque année. Depuis 2003 qu’il est en poste, c’est une règle, «un exercice qui fortifie la mémoire» résume-t-il en souriant. Pourtant l’abnégation de ce formateur né, qui cite Spinoza, Platon ou le pédagogue humaniste Carl Rogers dans la conversation, va bien au-delà du simple exercice.
Son École, celle de la Deuxième chance voulue par le conseil régional de Midi-Pyrénées est aujourd’hui la mieux classée de France. 70 % des 1 200 jeunes qui l’ont fréquentée depuis l’ouverture ont, grâce à elle, trouvé emploi. Mieux, ils ont trouvé une deuxième maison.
«Plus que des décrocheurs, ce sont des décrochés», explique Marc Martin. La plupart «nourrissent une idée de vengeance par rapport au système scolaire», beaucoup «ne vont pas bien», tous «ont déjà connu de nombreuses épreuves et jamais rencontré quelqu’un pour les aider». Et puis un jour, ils se sont arrêtés. Soit parce qu’«ils ont vu de la lumière, entendu parler de l’École par un copain ou une copine ou bien qu’ils ont été guidés jusque-là par la Mission locale. Ici, le chemin obligé n’existe pas» précise Marc Martin.
45 % sont des garçons, 55 % des filles dont beaucoup sont déjà mères de famille. Un tiers est autonome, les deux tiers vivent encore chez leurs parents ou en logement précaire. Ils ou elles doivent avoir entre 18 et 30 ans, mais dans les faits, la grande majorité est à peine majeure.
Recrutés en moyenne pour neuf mois de formation rémunérée entre 400 et 660 € soit par la Région, soit par Pôle Emploi, les jeunes construisent ici un projet de formation et le bâtisse avec les formateurs et le réseau, dense, d’entreprises associées. 1 700 au total qui alimentent pour 15 % le budget de la formation de l’École, parmi lesquelles Airbus, ERDF, la SNCF, Freescale, la Macif, le Crédit Agricole, la Caisse d’Epargne… Mais aussi, et c’est logique, le Planning familial, la CPAM, l’Arpad pour les questions de drogue.
Par contre ici, la maison ne fait pas de cadeau. Le dossier de chaque jeune recruté sera classé au moindre faux pas : absence à un rendez-vous, à une réunion, non-inscrit à Pôle Emploi… «C’est à peu près tout…» observe Marc Martin interrompu par un jeune passablement énervé qui vient d’entrer dans son secrétariat. «Excusez-moi…»
«Je n’ai jamais reçu votre convocation, j’ai deux enfants, qu’est-ce que vous me faites…» Le ton monte, le jeune homme, 24-25 ans, est dangereusement à cran. Marc Martin tempère, lui explique qu’une règle est une règle jusqu’au départ du garçon qui s’en va pour revenir, cinq minutes plus tard, plus remonté que jamais. La voix du directeur ne monte jamais d’un ton, «calmez-vous, tout va bien se passer, nous allons pouvoir recommencer, vous reconvoquer…» Des situations comme celle-là «ne sont pas si fréquentes» affirme le directeur de retour dans son bureau.
L’écueil est ailleurs. «C’est quand la réussite frappe à la porte qu’ils peuvent tout fiche en l’air». Comme si produire une situation de rupture leur permettait de reprendre la main sur cette angoisse presque abyssale ressentie au moment de l’immersion en milieu professionnel.
«Tiens Nadia…» L’«ancienne», violemment cassée par le système scolaire et qui n’a pu réellement commencer sa formation qu’après avoir expurgé sa colère dans une rédaction salvatrice. Nadia qui revient toujours pour un coucou à son école «bienveillante, hospitalière et ou chacun se sent comme la personne la plus importante du dispositif». Aujourd’hui, elle travaille comme médiatrice pour Tisséo et «tout va bien».
Deux antennes en Région
Créée en 2003 par la Région Midi-Pyrénées, l’École de la 2e Chance (E2C) a accueilli 1 200 élèves en formation. 70 % d’entre eux ont réussi à se réinsérer et à trouver un emploi. Ce dispositif pourrait être aujourd’hui étendu au Tarn-et-Garonne et au Lot par la création d’antennes permettant de former un public de jeunes plus ruraux.
La Région a financé à hauteur de 4,6 M€ la création de l’E2C dont 4,3 M€ pour la construction du bâtiment et 300 000 € pour l’équipement.
La Région est le premier financeur de l’Ecole, à hauteur de 44 %, ce qui représente en 2011 une subvention de 690 500 €.
Christine Roth-Puyo