Les rendez-vous de l’Humanisme méthodologique.
Le paradigme communautaire
et la question du bien commun
Roger Nifle Janvier 2015
7 – L’éducation communautaire et les phases de l’éducation humaine.
L’éducation est en crise partout dans le monde, une crise d’innovations mais dans notre pays la crise est différente, une crise de crispation et de régression. Ce sont là les symptômes de la crise des représentations due à la déviance rationaliste universaliste.
Pour l’Humanisme Méthodologique l’éducation a pour but de grandir en humanité. Ce grandir est un enjeu d’humanité donc mais aussi un enjeu existentiel qui est doublement situé dans un contexte de vie communautaire et sur une trajectoire de maturation, les deux impliqués dans le développement communautaire.
Pour commencer il faut comprendre les positions paradigmatiques dominantes pour saisir ce qu’il y a de nouveau avec le paradigme communautaire et ce qu’il y a aussi de traditionnel dans une réalité pas toujours conforme aux idées reçues.
Pour le paradigme de la puissance ce sont les capacités d’auto-défense et d’emprise qui sont en jeu. Rien de tel que l’expérience sélective ainsi que le maniement des moyens de puissance. Avoir raison fait partir de l’exercice de l’emprise sur les gens et les choses ce qui fait que cela peut être un critère éducatif et un critère de protection de même que le maniement des armes verbales, financières, institutionnelles etc. Ce projet n’est pas absent d’une école qui élimine autant d’élèves et protège des privilèges à grand renfort de déclarations vertueuses et de comportement défensifs.
Pour le paradigme du rationalisme idéaliste nous nous trouvons dans l’idéal des Lumières. L’éducation c’est l’accès à des savoirs et des comportements déjà là, par des disciplines appropriées. Le but en est d’acquérir des capacités échangeables contre des titres, eux-mêmes donnant accès à des places dans l’organisation de la société. Le mérite individuel est sensé donner la mesure des droits acquis sur cette échelle d’utilités. Les trois signes de déviance sont d’abord la réduction aux normes de conformité qui évacue la singularité des personnes et donc de leur vocation personnelle, ensuite l’universalisme formel qui méconnait les différences et les pertinences culturelles et enfin le basculement dans le paradigme de la puissance dans la mesure ou le pouvoir est associé aux titres, et où l’idéologie défensive prend le pas sur le progrès de civilisation et d’innovation.
Pour le paradigme naturaliste systémique l’adaptation est le mot clé. L’adaptation se fait par l’expérience normative critère d’élimination ou de validation. Parmi les critères d’éducation l’enregistrement des vérités et des lois systémiques naturelles est considéré comme un exercice de prise de conscience, d’une conscience qui dicte les règles de fonctionnement dans et par les systèmes tels que présentés. L’exigence disciplinaire est remplacée par un apprentissage adaptatif dont les effets mécaniques ou systémiques établissent le sort des élèves, comme une sorte de sélection naturelle. Le rationalisme systémique a remplacé le rationalisme idéaliste. Internet en tant qu’éco-système peut être ici conçu comme un champ d’expériences adaptatives avancé.
Pour le paradigme communautaire l’éducation est d’une part le grandir en humanité, c’est-à-dire un accomplissement et d’autre part la participation à un monde commun en devenir c’est-à-dire un développement. On gardera à l’esprit que l’existence peut se réaliser dans le cadre de plusieurs communautés auquel cas l’éducation se renouvelle dans un autre champ d’humanité. Chaque communauté portant une part d’humanité ce sont des champs d’expérience, de culture et de développement donc d’éducation différents. Il y a aussi le fait qu’une communauté est intégrée dans un ensemble communautaire plus large si bien que le champ éducatif peut être étendu en conséquence. Notons ainsi qu’une éducation communautaire ne vaut pas pour toutes les communautés.
Le grandir en humanité est cette évolution selon les âges qui dans leur champ communautaire propre se traduisent par le développement de la conscience ou maîtrise (toujours relative) de sa participation individualisée à l’existence commune. Ce n’est que par l’accès à la conscience d’être ou conscience no pas mentale mais spirituelle (au Sens aussi d’un Ferdinand Buisson) que la liberté va avec l’acceptation des dépendances communautaires. et s’en reconnait aussi responsable.
Le grandir en humanité est simultané au développement selon les âges de maturité, individuels et communautaires. De ce fait l’évolution communautaire est à la fois le support mais aussi la limite de l’éducation. Ainsi l’éducation des personnes et l’éducation des communautés doivent aller de pair.
Le projet de développement communautaire comportera un dispositif d’éducation communautaire c’est à dire d’appropriation et de maturation de la communauté elle même. Il comportera aussi un dispositif d’éducation des personnes selon leur âge de maturité. Il comportera enfin des dispositifs d’éducation des groupes, organisations ou communautés intégrées. On retrouvera cette distinction dans des pratiques pédagogiques individuelles, intégrées dans des pratiques pédagogiques collectives (méso pédagogiques) et des pratiques pédagogiques communautaire (macro-pédagogiques). Il est à noter que les pratiques éducatives qui s’adressent indifféremment à des individus regroupés par classes méconnaissent le fait communautaire et une grande part du phénomène humain.
Une fois compris que les modalités éducatives, buts, enjeux méthodes sont toujours culturels, propres à chaque communauté selon son évolution, les phases éducatives se retrouvent dans ce qu’on peut appeler des écoles qui d’ailleurs valent tout au long de la vie.
L’école « maternelle » est celle où dans un grande proximité de soin l’apprentissage d’un certain contrôle des affects permet des relations pacifiées. Cela est vrai pour des individus, des groupes ou organisations ou des communautés entières.
L’école « primaire » est celle où se font les apprentissages des usages, des comportements et des savoir faire permettant de participer à la vie commune, tant pour les individus, les groupes ou les communautés. Cela va jusqu’aux technicités les plus hautes selon les communautés.
L’école secondaire est celle où se cultivent les modèles culturels intellectuels selon les différentes formes de l’expérience mentale. La délibération collective est le mode d’appropriation pertinent qui s’inscrit dans chacune des communautés éducatives (toutes les communautés sont éducatives).
L’école de la maitrise où s’enseignent auprès de ceux qui en sont déjà maîtres, les dispositions de gouvernance, de responsabilité communautaire et de maîtrise personnelle.
Toutes les communautés ne sont pas en âge d’offrir ces quatre écoles. C’est ce qui justifie des déplacement communautaires. Il est vrai qu’internet offre au-delà des usages communs, appris à l’école primaire, des possibilités de délibération dans des communautés culturelles multiples et élargies. Lycées et universités sont donc à penser dans des espaces communautaires plus larges que les communautés locales et de proximité des écoles primaires.
Ainsi l’éducation communautaire est plus profonde, humainement parlant et plus large culturellement parlant que ce que les modèles paradigmatiques dominants préconisent. L’éducation de la communauté et dans la communauté sont à comprendre dans le cadre des ensembles communautaires à toutes les échelles. L’ère des communautés de Sens, communautés en devenir selon leur Sens du bien commun ouvre le champ et les enjeux éducatifs bien au-delà des cadres classiques réducteurs (paradigmes réductionnistes). Ils renouent aussi avec des expériences traditionnelles de l’humanité, non seulement selon la variété des cultures mais aussi selon le niveau de maturité humaine dont il a pu être témoigné.
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