In JDD.fr – le 4 avril 2014 :
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Chaque semaine, Camille Neveux, journaliste au service Economie du JDD, décrypte le monde des nouvelles technologies et leurs usages. Cette semaine : Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de L’Etudiant, explique dans son livre Le tsunami numérique pourquoi le redressement de la France passe par une alliance entre l’éducation et le numérique. Plus que jamais d’actualité !
L’ouvrage est à mettre d’urgence dans les mains de Benoît Hamon, nouveau ministre de l’Education nationale, et d’Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie. L’école, à travers le numérique, peut-elle devenir le levier du "redressement productif" que le gouvernement appelle de ses vœux? C’est tout le postulat du livre d’Emmanuel Davidenkoff, Le tsunami numérique, paru chez Stock le 26 mars.
Le directeur de la rédaction de L’Etudiant, spécialiste de l’éducation, explique pourquoi le bouleversement numérique et les nouveaux besoins du monde industriel doivent changer les manières d’enseigner. Objectif : "rendre la France attractive" et "libérer l’imagination"… Du Montebourg dans le texte! Faute de quoi, selon lui, le système éducatif français connaîtra le même sort que l’entreprise Kodak, qui n’a pas su s’adapter au numérique.
La principale qualité de l’ouvrage est de donner des exemples et des pistes sur ce qui s’expérimente en France et surtout à l’étranger. Comment apprendre aux jeunes Français à innover? L’auteur explore la piste du "design thinking", ces formations alliant commerce, technologie et conception qui inondent déjà la Silicon Valley. En France, quelques initiatives existent, comme la "Paris-Est d.school" à Marne-la-Vallée ou le Strate Collège de Sèvres. Mais elles restent encore trop timorées et isolées…
Imprimantes 3D, fabs-labs, MOOC…
Autre levier, les imprimantes 3D et les fabs-labs, ces ateliers de fabrication que l’auteur rêve de voir au cœur des collèges et des lycées pour "remettre en scène un mot d’ordre oublié – voire honni – de la méritocratie : fabriquer". Les MOOC, aussi, ces fameux cours en ligne (pour Massive Open Online Courses), utilisés par certaines écoles comme la Grenoble Ecole de Management, HEC et Polytechnique. Ce nouveau mode d’apprentissage va, selon lui, bouleverser les modèles pédagogique et économique, mais aussi les manières de recruter : parce qu’elles "stockent des millions de données en ligne sur le comportement des apprenants", ces plateformes supplanteront petit à petit les cabinets de recrutement.
Certains étudiants acceptent déjà qu’elles diffusent leurs CV auprès des entreprises friandes du dispositif, notamment parce qu’il permet de faire apparaître les "soft skills", ces "compétences de savoir-être" comme la manière de suivre un cours ou l’engagement dans la communauté via des forums de discussions… Dans la Silicon Valley (toujours elle) ouvrira d’ailleurs en 2015 l’Université Minerva : pas de classes, de bibliothèques ni de fratries… mais des dortoirs et des cours en ligne !
Quatre obstacles restent à lever
"Les tenants du numérique n’ont aucune intention de remplacer l’homme par la machine, de substituer les écrans aux enseignants", rappelle aux esprits craintifs Emmanuel Davidenkoff. Le numérique peut au contraire "libérer" du temps au profit d’activités de tutorat, des stages ou des travaux en groupes. Il donne l’exemple de la classe inversée – la "flipped classroom" -pratiquée par un enseignant de Havard : la leçon est apprise à la maison ou en bibliothèque via des documents mis en ligne, puis approfondie en cours avec le professeur via la discussion, l’analyse, la critique.
Quatre obstacles restent néanmoins à lever afin de faire entrer pleinement le numérique à l’école et d’en faire profiter la France : "la conception des programmes, le recrutement des enseignants et leur formation initiale et continue", aujourd’hui insuffisante. Messieurs les ministres… à vos souris !