In Le Monde – le 10 juillet 2013 :
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De longues discussions se préparent, mercredi 10 juillet, pour les représentants de la communauté éducative. Les membres du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), instance consultative réunissant syndicats d’enseignants, fédérations de parents d’élèves et collectivités locales, devaient débattre dès 9 h 30, entre autres sujets, des cycles et de la liaison école-collège. Rien moins que ce qui donne une architecture au système éducatif, de la cohérence aux parcours scolaires.
Aux premières heures des vacances d’été, le calendrier pourrait surprendre. Mais le ministère de l’éducation nationale n’a pas vraiment d’autre choix que de débuter, sous les premières chaleurs, l’examen des projets de décrets d’application de la loi d’orientation et de programmation sur l’école, celle-ci n’ayant été adoptée par le Parlement, à titre définitif, que le 25 juin, et publiée au Journal officiel ce mardi 9 juillet.
Un « cadencement » des cycles sur trois ans
C’est une refonte des cycles – ceux créés par Lionel Jospin en 1989, et dont la communauté éducative ne s’est jamais vraiment emparée – qu’inaugure la Rue de Grenelle, même si cela doit se faire de manière très progressive : pas avant la rentrée 2014 en ce qui concerne la maternelle, et entre 2015 et 2017 en élémentaire et au collège, selon les premières prévisions. Le rapport annexé à la "loi Peillon" en dit déjà beaucoup, puisqu’il fait de l’école maternelle un cycle unique et associe les classes de CM2 et de 6e. Une étape dont on sait qu’elle peut être fatale aux 20 % d’élèves qui ne maîtrisent pas suffisamment les fondamentaux pour profiter des enseignements du collège.
Le projet de décret que Le Monde s’est procuré, amené à être amendé en cours d’examen au CSE, propose de structurer la durée de la scolarité obligatoire en quatre cycle de trois années : cycle 1, dit "cycle des apprentissages premiers", de la petite section à la grande section de maternelle ; cycle 2, ou "cycle des apprentissages fondamentaux", du CP au CE2 ; cycle 3, dit "cycle de consolidation", en CM1-CM2-6e ; enfin, cycle 4, le "cycle des approfondissements", en classes de 5e, 4e, et 3e.
"La durée de trois années permet aux élèves de construire à leur rythme les apprentissages visés dans le cycle. La réécriture des programmes s’appuiera sur ce cadencement, tout en préservant des repères annuels", peut-on lire dans la note de présentation du projet de décret. Une façon de sortir du cadre étroit de l’année scolaire pour lutter contre l’échec et le redoublement.
Inquiétudes syndicales
Les conseils école-collège, lieux de réflexion, de concertation et de liaison entre les deux degrés, pourraient quant à eux être mis en place courant 2013-2014. A leur tête, selon le projet de décret mis en discussion, le principal du collège et l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription du premier degré, œuvreraient "conjointement". Ce sont eux, aussi, qui désigneraient les enseignants des écoles et des collèges y participant.
Ces projets se heurtent à des inquiétudes syndicales. Ces mêmes inquiétudes qui ont sans doute conduit le ministère de l’éducation nationale à renoncer à inscrire dans le texte de la loi d’orientation l’idée d’une "école du socle", cette petite révolution qui, en assurant la continuité des enseignements de 6 à 16 ans, permettrait d’en finir avec la rupture de l’entrée au collège.
"Quelles conséquences sur les contenus à enseigner ? Quelles conséquences sur nos pratiques ?", s’interroge Frédérique Rolet, co-secrétaire générale du SNES-FSU, syndicat majoritaire en collège et lycée. "Des outils qui ont du sens existent déjà pour faciliter la transition entre le CM2 et la 6e, rappelle-t-elle, mais en instituant un cycle triennal, qui part du CM1, on va au-delà : on fait de la 6e un prolongement du primaire." "Il faudrait privilégier la démarche inverse, poursuit-elle, partir des programmes, à redéfinir, et articuler les cycles aux contenus."
"Un millefeuille indigeste"
Pour le SE-UNSA aussi, les projets ne sont pas aboutis. "Quand on veut réformer, on se confronte toujours au même problème dans l’éducation nationale, assure Claire Krepper, sa secrétaire nationale. On rajoute des dispositifs, sans remettre à plat l’existant. Et on se retrouve face à un millefeuille indigeste pour les collègues ! Il n’est plus possible de créer de nouvelles "couches" sans réfléchir à la cohérence de l’ensemble."
Egalement à l’ordre du jour du Conseil supérieur de l’éducation de mercredi : la présentation de la charte de la laïcité – texte qui ne sera pas mis au vote –, l’examen du projet de décret relatif au Conseil national d’évaluation du système scolaire, celui du projet de décret relatif au Conseil supérieur des programmes, ou encore du projet de décret relatif à l’accès au dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA). Une chose est sûre : les débats ne seront qu’un avant-goût de ceux attendus avec l’ouverture, à la rentrée, du débat sur les missions des enseignants.
Mattea Battaglia