Sur le thème "Qu’en est-il du climat scolaire dans l’éducation prioritaire ? ", c’est Catherine Veltcheff, adjointe d’Eric DEBARBIEUX à la délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire qui est intervenue devant une assistance nombreuse. Son intervention a été enrichie par des données disponibles sur le site www.cndp.fr/climatscolaire
Des phénomènes prévisibles
L’équipe d’Eric DEBARBIEUX , qui rassemble pour moitié des chercheurs universitaires et des praticiens de terrain, précise Catherine VELTCHEFF, intervient bien évidemment dans les zones d’éducation prioritaire mais pas seulement. Afin d’être au plus près des acteurs de terrain et de leurs préoccupations, les interventions se font dans tous les milieux scolaires, sur tous les territoires.
Les enquêtes démontrent que les élèves décrocheurs ont décroché assez tôt dans l’année, généralement au mois de janvier. Que s’est-il donc passé ? Tout simplement, les bulletins du premier trimestre sont arrivés dans les foyers en décembre, ce qui généralement met à bas le moral des élèves quand les notes et les appréciations ne sont pas bonnes. Au retour des vacances de Noël, ce sont des enfants déprimés qui reprennent les cours, mais pas seulement les élèves, les professeurs et l’ensemble des personnels le sont aussi. Quant aux parents, ils évitent de venir dans les établissements.
Un drôle de climat scolaire s’installe alors et, même si personne ne va bien, il n’est pas d’usage dans les établissements de se poser un peu pour essayer de trouver les causes de ce désarroi. En effet, nous sommes en janvier, le mois de mars arrive vite, c’est à cette période que les principaux préparent la prochaine rentrée, les examens de juin, les accueils de CM2 au collège, etc. Chacun, du chef d’établissement aux élèves en passant par tous les personnels, reste dans ses préoccupations, bien différentes les unes des autres. Et c’est précisément à ces périodes que les signalements remontent en nombre au rectorat.
Ce que l’on peut en dire ? C’est que beaucoup de choses sont prévisibles et que l’on pourrait anticiper mais que personne ne le fait. Le "On verra bien l’année prochaine" reprend le dessus…
Pourquoi agir sur le climat scolaire ?
Mettre trois-cents enfants ensemble ne va pas de soi, énonce Catherine Veltcheff. Ce n’est pas naturel, et pour répondre à cette situation, il serait bien de penser à la façon de faire un collectif qui tienne la route. Aujourd’hui, les enquêtes sur la santé et Pisa qui renseigne sur la manière dont les élèves se sentent dans les structures scolaires sont des sources précieuses pour la mission interministérielle.
La violence est un phénomène endogène à l’institution, qui atteint souvent les mêmes élèves. Si 1 élève sur 10 la subit dans les zones banales, c’est un élève sur 7 qui en est la victime dans l’éducation prioritaire. En général, on a schéma suivant : 1 agresseur, 1 victime et des témoins. Ces derniers constatent que bien souvent les adultes ne réagissent pas et leur regard sur l’adulte devient méfiant. Généralement, les phénomènes de victimisation entraînent le décrochage non seulement de la victime mais aussi de l’agresseur. Ce sont des situations récurrentes que chacun connaît dans son établissement.
Lorsqu’une équipe décide vraiment de travailler sur le climat scolaire, les résultats scolaires s’améliorent, et cela, rapidement. Mais on améliore également le moral des enseignants et des élèves, ces élèves qui, en France, n’ont que très peu d’estime pour eux-mêmes. Trois chercheurs1 ont travaillé sur des cohortes pendant 15 ans dans des quartiers pauvres aux USA. Un travail systématique a été conduit sur le climat scolaire et les résultats sont positifs, malgré les facteurs socio-économiques initiaux.
La refondation a pris en compte ces questions et, aujourd’hui, le climat scolaire figure naturellement dans les textes officiels sur l’Éducation prioritaire.
Mais que faire ?
Beaucoup de choses étant prévisibles et connues, il serait opportun de s’orienter vers un travail collectif. On peut déminer ce qui commence dans une salle de classe. Le geste d’un élève qui lance une trousse à la tête d’un autre n’est pas un geste anodin. Cela devrait être pour l’adulte une prise d’information sur laquelle, ensuite, il devrait pouvoir échanger avec d’autres adultes, croiser avec ses collègues ce qu’il a perçu, ressenti et ce qu’il conviendrait de faire.
Et puis, ajoute Catherine Veltcheff, organiser son climat de classe, cela passe aussi par la façon de faire son cours, d’attribuer des notes, de remplir des bulletins, d’écrire des appréciations. Lorsque dans ma fonction d’IPR je sortais d’une classe, je me posais toujours la même question « Est-ce que j’ai vu des élèves heureux ? ».
Une équipe stable, cohérente améliore réellement le climat scolaire. En éducation prioritaire, une vigilance accrue des enseignants est nécessaire parce que les dégradations mineures peuvent se multiplier et entraîner une détérioration de l’ensemble du climat. Pour ce qui est du rapport avec la hiérarchie, dans le premier degré on constate une défiance à l’égard des IEN, que l’on estime trop éloignés du terrain, et le statut du directeur n’est pas clair. Dans le second degré, c’est différent, sans doute parce que la structure hiérarchique est plus beaucoup identifiable.
Mais, avant de se lancer dans l’action, il est essentiel que l’équipe s’accorde sur un diagnostic partagé. Ainsi, ce qui est grave pour un enseignant ne l’est pas forcément pour un autre. Il existe beaucoup d’instances de concertation et de décision dans les établissements mais elles ne sont pas toujours réunies à bon escient. En fonction des priorités d’action, plusieurs leviers sont disponibles :
– le projet d’établissement,
– les instances, le conseil pédagogique,
– le règlement intérieur : le faire vivre avec les adultes et avec les élèves,
– l’organisation de l’établissement : favoriser la prise en charge collective des élèves…
Il est nécessaire que les acteurs et pilotes soient vigilants et en capacité de croiser les informations et de trouver des réponses collectives. En France, nous sommes rétifs non seulement à mettre des procédures en place mais aussi à s’y tenir.
Pour appréhender le climat scolaire, nous avons identifié 7 facteurs et chacun pour sa classe, son établissement, en fonction de la réalité de son territoire, de ses difficultés, choisira l’entrée qu’il souhaite privilégier. Il s’agit de :
– la stratégie d’équipe
– la qualité de vie à l’école
– la justice scolaire
– les pratiques partenariales
– la coéducation
– la prévention des violences
– la coopération
La question essentielle qu’il convient de se poser "Est-ce que ce que l’on met en place va pouvoir garantir un bon climat scolaire ?"
Aujourd’hui, un travail commun entre le ministère de l’éducation nationale et l’ESEN va permettre la mise en place de formations. Un protocole sur 3 ans concernant le harcèlement se met actuellement en place dans les académies avec des référents pour accompagner les équipes. L’objectif est bien de construire une véritable politique de prévention de la violence.
DEBAT…