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Trois ministères se sont associés pour tirer un bilan du Service public d’orientation (SPO), et en passant ils proposent quelques aménagements des différents services concernés. Je m’intéresserai ici, bien entendu aux services d’orientation de l’éducation nationale.
Deux bilans différents
En janvier 2013, le Centre d’analyses stratégiques (CAS) publiait une note au premier ministre : Le service public de l’orientation tout au long de la vie . Ses auteurs le concluaient ainsi : « Le bilan du SPO reste encore contrasté au regard de la couverture territoriale qu’il assure. Pour autant, son déploiement doit être accéléré en poursuivant les efforts menés en termes de coordination et de partage de pratiques entre structures et professionnels de l’orientation. Il reste que la mise en place d’un service généraliste de premier accueil et de conseil individualisé en orientation en direction d’usagers “tout public” doit s’inscrire dans un accompagnement renforcé de la professionnalisation des acteurs de l’orientation. » J’avais émis quelques réserves à l’époque dans ce billet « Le CAS et le Service public d’orientation tout au long de la vie ».
La réponse vient maintenant (début avril 2013) d’un rapport commun de trois ministères de … 428 pages intitulé : Le service public de l’orientation : état des lieux et perspectives dans le cadre de la prochaine réforme de décentralisation. C’est du lourd ! Tellement que je vais me contenter de commenter les quelques pages de résumé et en particulier les pages 12 et 13. Si vous tenez à le consultez, allez là.
Position anti-interministérielle ?
Mais avant, savourons ces quelques lignes dans l’introduction, coup de pied de ministères à une tentative interministérielle ?
« Le service public de l’orientation : un bilan décevant
Au départ limité à un dispositif de labellisation destiné à l’orientation des publics engagés dans la vie active, le volet orientation de la loi du 24 novembre 2009 a été très largement construit au cours de la phase parlementaire. Le texte adopté porte sur l’orientation tout au long de la vie élargie à tous les publics. S’il affirme un droit individuel à l’information, au conseil et à l’accompagnement en orientation professionnelle, il inclut malheureusement au final de multiples ambiguïtés qui ont pesé sur la lisibilité puis sur le déploiement du service public de l’orientation. La focalisation des débats sur les modes opératoires plutôt que sur les finalités du dispositif n’a pas favorisé la clarification de ces dernières.
Le service public de l’orientation a été créé en 2009 indépendamment des nombreuses dispositions législatives préexistantes qui confiaient déjà des compétences en orientation à des organismes de service public, en particulier : centres d’information et d’orientation (CIO) du ministère de l’éducation nationale, universités, missions locales, Pôle emploi, organismes paritaires collecteurs agréés au titre du congé individuel de formation (OPACIF). La labellisation a été utilisée au motif d’améliorer la qualité de l’offre de service, pour déterminer l’appartenance ou non des différents organismes et services au SPO, ce qui n’a légitimement pas été compris. »
Rappel de quelques constats
Le chapitre 2.1.1. Les services académiques d’information et d’orientation, pp. 26-32, reprend les observations du rapport de l’IGAENR et de l’IGEN remis en octobre 2005 sur le fonctionnement des services de l’information et de l’orientation :
- non progression des effectifs et non renouvellement par la faiblesse du recrutement ;
- cumulation non hiérarchisée des missions ;
- absence de réel pilotage des services.
Et concernant le financement les rapporteurs précisent : «Les personnels des centres sont rémunérés par l’État depuis 1956. La moitié des CIO est toujours financée par les départements, l’État n’ayant pas mené à bien, pour des raisons budgétaires, son intention de les reprendre entièrement à sa charge. Les ressources des centres sont donc éminemment variables selon leur rattachement. » p. 26.
D’où la situation actuelle très risquée : les Conseils généraux se désengageant de ce financement, ni l’Etat ni les Régions ne semblent vouloir le prendre en charge en ces temps de crise. D’où de grandes inquiétudes de la part des personnels concernant les décisions possibles. Quelques idées sont présentées en ouverture du rapport. Je propose ici quelques extraits, pages 12-13.
Des propositions complémentaires de réforme des réseaux d’opérateurs
« Les régions sont appelées à inscrire leur action de coordination dans un paysage déjà structuré par l’existence de nombreux réseaux d’opérateurs en orientation. La mission ne propose pas de transfert partiel ou total des missions d’orientation aujourd’hui légalement exercées par ces opérateurs, mais d’ériger un cadre institutionnel permettant aux régions de jouer leur futur rôle de chef de file de l’orientation tout au long de la vie. Elle propose des transferts limités de moyens, permettant de renforcer la compétence de chef de file des régions : transfert des locaux et du fonctionnement des CIO, qui peut être assorti du transfert des directeurs et des personnels administratifs et de documentation de ces centres ; transfert à titre optionnel des financements des CRIJ par le ministère de la jeunesse ; transfert d’une part des crédits de fonctionnement des missions locales.
À l’éducation nationale, les services d’information et d’orientation se situent à l’interface d’une mission d’accueil, d’information et de conseil des publics scolaires et d’une fonction régalienne d’appui aux politiques pédagogiques et d’affectation des élèves. C’est la raison pour laquelle la mission ne préconise pas le transfert des COP aux régions. En effet, le scénario d’un découpage des compétences des COP en deux composantes, l’une de suivi psychologique des élèves et l’autre d’information et de conseil en orientation, ne serait adapté ni aux enjeux de réussite scolaire ni aux logiques métiers. A fortiori, un schéma d’autorité partagée entre le recteur et la région selon le lieu d’activité des COP – établissement scolaire ou CIO –, aggraverait la difficulté actuelle du pilotage.
La mission préconise le transfert de l’immobilier et du fonctionnement des CIO, pour sortir d’une situation historique complexe et très instable, ainsi que le transfert des directeurs et des personnels administratifs des CIO aux régions.
Quel que soit le scénario retenu, la mission recommande de regrouper les CIO et les délégations régionales de l’ONISEP (DRONISEP), qui jouent déjà un rôle d’outillage et d’animation de l’information, dans un groupement d’intérêt public (GIP) régional, opérateur de l’information et de l’orientation, coprésidé par le président du conseil régional et le(s) recteur(s) d’académie. Le réseau des CIO conserverait sa double vocation et gagnerait à la fois en structuration et en souplesse, tout en permettant à des partenaires extérieurs (dont le monde professionnel) d’adhérer au groupement d’intérêt public. Les personnels de l’État conserveraient leur statut au sein du GIP, et le pilotage conjoint État-région des CIO serait considérablement renforcé. »
Résultats
Les Conseillers sont donc conservés dans l’éducation nationale, mais les CIO sont transférés aux régions. Quels CIO ? Les CIO départementaux sont et seront sans doute supprimés au fur et à mesure du retrait des Conseils généraux dans leur financement. Reste les CIO d’état, soit la moitié des services. Dans la foulée, le rapport propose le transfert des personnels de direction (DCIO) et des personnels administratifs. Projet intéressant, peut-être, mais qui soulève des questions très bêtes :
- Qu’est-ce qu’un directeur d’une structure sans personnel ?
- Que peut faire la Région d’une structure immobilière conçue pour recevoir du public sans personnel pour le recevoir ?
Et concernant les conseillers d’orientation-psychologues, les CIO étant transférés aux régions, où peuvent-ils être nommés ? Mais dans les établissements scolaires ! En passant il faudra changer le statut de ce corps, puisqu’ils y sont considérés comme étant sous l’autorité du DCIO. Dans cette situation on peut craindre que la quasi-totalité des horaires de travail soit consacrée au travail auprès des élèves des établissements. Fini l’accueil d’un public plus varié au CIO, finie les réunions de centre permettant échanges, collaboration et développement du sentiment d’appartenance, finie les activités de partenariat avec d’autres organismes. On veut les ouvrir les COP à d’autres considérations que scolaires, mais on les enfermera dans les établissements. Et dans cette opération, si les frais immobiliers sont annulés, les frais de remboursement de déplacement eux vont exploser.
Une autre hypothèse risque de se présenter
Les régions ne semblent pas très favorables à l’idée de reprendre les CIO. Que faire alors ? Regroupement des personnels sur les CIO d’état, mais cela supposera d’élaborer un nouveau maillage territorial, une réflexion sur l’organisation et les fonctionnalités spatiales du CIO, et un financement du fonctionnement et des remboursements de transports.
Le nombre de fonctions de directions de CIO sera réduit de moitié, à 250. Or les DCIO représentent statutairement 15% du corps des conseillers d’orientation-psychologues et directeurs de CIO. Que faire du surplus ? A part modifier les statuts et attendre les départs en retraites (mais les deux dernières générations de DCIO recrutées sont relativement jeunes), il y a d’autres possibilités. Ces dernières années, notamment, les DCIO ont été amenés à participer à des mises en œuvre de politiques publiques qui leur ont permis de développer des compétence de chef de projets et de les faire reconnaître par les partenaires. Il serait donc possible de missionner une partie des DCIO sur des conduites de projets au niveau académique ou régional, la mise en œuvre d’un nouveau PDMF en serait peut-être facilité.
Bernard Desclaux