À l’occasion de la 20ème édition du colloque Université formation, éducation, orientation (Uféo) organisé par Aquitaine Cap métiers [1] les 9 et 10 juin, plusieurs spécialistes évoqué cette question récurrente : “Où va l’argent de la formation ?”…
“Très souvent, observe Michel Théry, ancien chef du département Formation et certification du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), quand les fameux milliards de la formation sont évoqués, on brasse beaucoup de choses différentes sans apporter une distinction claire, notamment entre formation initiale et formation continue. C’est d’ailleurs ce que relevait récemment la Dares [2] en dénonçant la prise en compte de l’apprentissage dans ces chiffres.”. Des confusions qui, selon les acteurs présents autour de la table ronde, contribuent à l’opacité du système de la formation.
L’argent de la formation va-t-il toujours à ceux qui en ont le moins besoin ? En partie, selon Michel Abhervé, professeur associé à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée. “Le système a longtemps contribué à accentuer les inégalités, notamment au travers du Dif [3], plutôt mobilisé par des hommes cadres dans les grandes entreprises.”
“Le problème de la demande des salariés n’est pas du tout réglé”
Partant du postulat que le besoin de formation n’est qu’une construction sociale et non pas un besoin inhérent à la personne, le professeur considère que le compte personnel de formation (CPF) ne semble pas apporter de solutions nouvelles pour mieux diriger les fonds de la formation.
“Le problème de la demande des salariés n’est pas du tout réglé, s’inquiète Michel Abhervé. Avec la suppression de l’obligation légale, les grandes entreprises qui faisaient déjà beaucoup de formation vont poursuivre leurs efforts. D’un autre côté, il n’est pas certain que celles qui n’en faisaient que trop peu s’emparent des nouveaux dispositifs pour accroître leurs dépenses. D’autant plus que la réforme restreint le champ des possibles avec l’établissement des listes éligibles. Cela contribue à rendre le droit à la formation virtuel.”
Et Michel Théry de renchérir : “Il n’y avait pas d’obstacle, à part dans l’esprit du concepteur, pour que les salariés mobilisent leur droit individuel à la formation, car la principale motivation pour se former, c’est l’intention de mieux faire son travail et la perspective d’une évolution ou d’une promotion. Je me demande pourquoi le CPF réussirait là où le Dif a échoué, alors même que l’on a pas tiré les conséquences de cet échec et au contraire baissé les prélèvements obligatoires ?”.
Rappelons toutefois qu’à la différence du Dif, le CPF est un dispositif qui connaît un financement dédié sur les fonds de la formation professionnelle, à hauteur de 0,2 %.