Journée d’étude du 8 février 2012 – CNAM Paris
Intervention de JL AUDUC : L’accompagnement en Formation des enseignants
On m’a demandé de traité l’accompagnement en formation des enseignants, c’est un vrai défi, mais j’ai tenu à le faire parce que ce n’est pas parce qu’on est en train de démolir toute formation professionnelle des enseignants et que l’on a un ministre qui met l’accent sur le compagnonnage qu’il ne faut pas réfléchir sur la fonction d’accompagnement dans le processus de formation initiale et continuée, notamment à la lumière de ce que doit être le métier enseignant.
Il ne faut pas qu’une politique ministérielle rétrograde et anti-démocratique dévoie et empêche d’utiliser ce terme intéressant d’accompagnement.
C’est important de se projeter dans l’avenir c’est à dire de ne pas en rester à la situation de destruction massive que nous connaissons actuellement, puisque en ce moment même à l’Assemblée Nationale une proposition de loi du député GROSPERRIN a été mis d’urgence à l’inscription de l’Assemblée Nationale pour supprimer tous référentiels de référence, tout cadrage de la formation des enseignants, toute référence à une structure de formation autonome permettant de traiter cette question
J’entendais ce matin parler de l’enjeu du travail avec les familles.
Je pense que communiquer avec les familles nécessite des compétences relationnelles à travailler en formation, notamment sur la manière de mener un entretien.
Lorsque je m’occupais d’organiser le plan de formation des enseignants dans le cadre de l’ IUFM de Créteil, il y avait deux jours de formation prévus par groupes de 25 stagiaires sur la question du travail avec les familles notamment en abordant une question importante « Comment annoncer une mauvaise nouvelle à des familles ? ».
Cette année cela a été réduit à un cours magistral de 3heures, le mercredi ou le samedi matin pour 350 enseignants , c’est à dire qu’on est passé de la formation à l’information.
Il ne faut bien évidemment pas simplement prôner un retour à ce qu’il existait auparavant dans le domaine de la formation initiale des enseignants.
Nous avions en France, une formation qui auparavant se caractérisait notamment dans le second degré par une formation successive
D’abord la vérification des aptitudes disciplinaires et après la formation pédagogique qui apparaissait seconde et pour le second degré elle était d’autant plus seconde que, ce qu’on ne sait pas toujours, c’est que la première note pédagogique d’un professeur de lycées et collèges est fixée par rapport à sa place au concours et pas par le premier exercice dans une classe.
J’ai un regret, c’est que de 1980 à 2002 les différents gouvernements de gauche n’est pas touché au fait que la première note pédagogique d’un enseignant est déterminée par sa place au concours parce que cela donne une certaine suprématie à l’excellence disciplinaire par rapport à l’excellence pédagogique.
Je pense qu’au cœur de l’accompagnement, il y a le défi de conduire de pair « excellence pédagogique » et « excellence disciplinaire ».
Il ne faut pas les opposer mais les mener en parallèles.
Pourquoi ces excellences sont-elles importantes?
Nous avons aujourd’hui à former des enseignants qui aient le courage d’oser de prendre leurs responsabilités locales par rapport à la situation c’est à dire d’agir non pas en simple exécutant mais en concepteur.
Un enseignant lorsqu’il fait cours il prend en permanence des milliers de petites décisions, en toute autonomie et en toute responsabilité, pour oser il faut être en capacité d’avoir réfléchi seul et avec d’autres sur la pertinence des décisions prises au fur et à mesure, ce qu’il signifie que de ce point de vue là, il y à des mots pièges qu’il faut savoir éviter, trop souvent dans les textes réglementaires je lis « qu’enseigner c’est faire cours » alors pour moi enseigner c’est d’abord faire classe et ce n’est pas la même chose de faire cours ou de faire classe.
Faire cours c’est donner a penser qu’enseigner un savoir ne nécessite pas de réfléchir sur ceux à qui ont l’enseigne.
Faire classe c’est considérer que le cœur du métier enseignant c’est de mettre en apprentissage des élèves en faisant à l’intérieur de la classe des choix raisonnés par rapport à des situations complexes. Aider l’enseignant à faire classe c’est à mon avis un défi extrêmement important.
L’enseignant est un concepteur, il n’est pas qu’un simple exécutant, il prend lors de chaque séquence, lors de l’articulation entre les séquences, des dizaines, des centaines de microdécisions. Il n’est pas un simple exécutant d’où l’enjeu d’une véritable démarche réflexive en formation au travers notamment des analyses de pratiques.
Les enseignants débutants prennent aussi quotidiennement de multiples décisions dans d’autres buts que celui de l’enseignement disciplinaire : pour obtenir le calme en classe, pour capter leur attention, pour entretenir leur motivation ou préserver ses propres forces.
L’enseignant est aussi un aiguilleur. Dans le cas des élèves à besoins éducatifs spécifiques, il a à participer dans le cadre de son cœur de métier au diagnostic de la situation du jeune concerné, mais il n’a pas à donner au jeune et à sa famille l’impression qu’il est en capacité de traiter toutes les situations. Il doit les aiguiller vers les professionnels compétents dans les différents domaines concernés.
Etre enseignant, c’est bien connaître ceux qui peuvent compléter son action. Le partenariat, ce n’est pas se concurrencer, c’est agir en complémentarité, donc bien connaître son cœur de métier et le cœur de métier des professionnels qui peuvent agir pour accompagner le jeune.
Enseigner, c’est donc aussi connaître les autres professionnalités existant dans l’établissement, à l’extérieur de l’établissement, c’est reconnaître les familles dans leurs compétences, c’est donc bien connaître son cœur de métier et le cœur de métier des professionnels, des acteurs qui peuvent agir pour accompagner le jeune et cette fonction d’aiguilleur de l’enseignant que je relierais à celle de veilleur, c’est un enjeu important parce que cela signifie d’avoir des moments de formation en commun avec d’autres acteurs du système éducatif, d’autres acteurs du territoire.
Nous faisions nous à l’IUFM de Créteil, jusqu’à il y a deux ans, des formations communes entre enseignants, avec des magistrats, des personnels de la PJJ, des policiers, des éducateurs…..
Mais permettre à l’enseignant de ce s’assumer comme décideur, comme veilleur, comme aiguilleur, c’est aussi lui donner la possibilité du droit à l’erreur ces premières années de carrière et je suis là au cœur de l’enjeu que doit être un accompagnement c’est à dire permettre à l’enseignant d’expérimenter et d’oser mais on ne peut expérimenter et oser que si l’on ce sent en sécurité par rapport à son institution locale, rectorale ou nationale, il faut pouvoir à des moments expérimenter voir se tromper, mais pour cela ce sentir en sécurité est extrêmement important.
Idéalement, un enseignant est porteur d’une éthique professionnelle, d’une éthique de la responsabilité qui guide son action dans la classe en liant justesse et justice dans ses actes, en particulier dans ses pratiques d’évaluation, qui le place en situation de conjuguer sa liberté pédagogique avec le respect des orientations du projet de l’établissement conçu en cohérence avec la politique de l’institution.
C’est au nom de cette éthique professionnelle que l’enseignant peut se sentir en capacité d’oser prendre des risques pour adapter son enseignement aux réalités du terrain et mieux mettre les élèves en situation d’apprentissage, et leur permettre de construire leur réussite. Cette responsabilité, assumée devant les élèves et leurs familles, le professeur l’exerce en choisissant sa pédagogie.
Le défi d’une formation qui a pour finalité de permettre aux futurs enseignants de mieux faire réussir tous les élèves, c’est de leur permettre de « penser le local » en ayant présent à l’esprit la politique nationale de l’Institution auquel il appartient : l’éducation nationale qui doit assurer une même qualité d’enseignement sur tout le territoire dans le respect des programmes et des règlements nationaux.
Tout responsable de structure de formation doit avoir présent lorsqu’il construit un plan de formation que la certification demeure pour trop de stagiaires le seul but à atteindre et la peur fantasmée ou réelle de l’évaluation est un obstacle à la responsabilisation, à l’autonomie et à la prise de risque qui est pourtant un élément essentiel du métier enseignant.
Il faut permettre aux jeunes enseignants en formation de se construire une identité professionnelle qui s’appuie sur des savoirs, des savoir-faire , et des gestes professionnels.
Les moments d’analyses de pratiques , pour lesquels une grande politique de formation de formateurs est nécessaire, sont des moments décisifs pour que le professeur-stagiaire comprenne l’importance d’une posture réflexive , de mise à distance par rapport à ce qu’il a vécu dans sa classe.
L’analyse de pratiques doit permettre au stagiaire de :
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relier les apprentissages effectués en formation et de les éclairer par une mise en perspective ;
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se référer aux savoirs constitués pour mieux nommer et comprendre l’expérience de terrain ;
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faire des choix raisonnés face à des situations complexes en se dotant de repères conceptuels, méthodologiques et éthiques ;
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dégager le caractère multiple et hétérogène du métier enseignant.
Une formation axée quasi-exclusivement sur l’établissement peut être un danger si ce stage devient l’essentiel de la formation, car elle peut :
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conforter le stagiaire dans ses préjugés, dans ses idées préconçues sur le métier enseignant ;
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donner une seule vision des réponses à fournir par rapport à une situation sans les confronter avec d’autres réponses possibles ;
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privilégier l’approche territorial aux dépends d’un cadrage national ;
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en fait favoriser le conservatisme des démarches pédagogiques en ne permettant pas de réfléchir sur la pluralité des réponses pédagogiques possibles pour mettre en situation d’apprentissage les élèves ;
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conformer et formater le stagiaire sur des profils précis .
Ce qui veut que pour moi l’accompagnement en formation des enseignants doit être à tout prix différents de leur évaluation et c’est le principal péché du compagnonnage aujourd’hui tel que l’a voulu dans les textes le ministère.
Faire que l’accompagnateur soit aussi évaluateur, soit celui qui constitue le dossier du stagiaire.
Il faut séparer ces deux fonctions pour permettre à l’enseignant de se sentir capable de réfléchir sur son métier.
Si on confond évaluation et accompagnement, on est dans une situation où devenir enseignant peut signifier simplement, imiter, ce qui ne correspond pas à la construction d’une attitude permanente de recherche et d’interrogation.
L’innovation, c’est l’inverse de l’imitation. C’est se construire une attitude permanente de recherche et d’interrogation.
Légitimer en formation l’interrogation sur ses pratiques, sur celles de ses collègues, sur les programmes, les instructions officielles, c’est mettre l’enseignant en situation de se donner le droit d’inventer, d’innover.
Un échange avec ceux qui mènent des innovations peut permettre à des stagiaires de mieux comprendre sur quelles bases les choix ont été effectués, les aménagements mis en place, certaines approches privilégiées et de leur montrer que dans le système éducatif actuel , innover c’est possible et que cela donne de l’intérêt à l’exercice du métier enseignant.
Il peut rendre également possible une discussion riche sur les finalités poursuivies et les procédures d’évaluation mises en œuvre.
Une innovation ne peut réussir qu’à la condition que ceux qui la mènent l’ait construite de bout en bout et se la soit totalement appropriée.
Peut-être est-il important tout simplement que les enseignants prennent conscience qu’en fait ils innovent beaucoup plus qu’ils ne le pensent. Innover ce n’est pas tout bousculer mais être en capacité de micro changements dès que nécessaire.
Former à l’innovation, c’est former à un état d’esprit en pensant le métier comme jamais acquis tout en repérant les incontournables. Former à l’innovation c’est donner des repères clairs et stables à partir desquels on peut penser d’autres possibles, c’est apprendre à se situer clairement dans une institution pour innover au sein d’un cadre qui protège et pouvoir rendre compte de ses innovations.
L’éthique d’un enseignant pour être porteuse d’efficacité ne peut que reposer sur l’intime conviction que tout enfant est capable de réussir.
Pour s’accomplir, elle ne peut passer parfois que par l’innovation.
Une innovation qui est donc au cœur du métier enseignant, et ce faisant au cœur de la formation professionnelle des enseignants.
Il faut cependant faire attention de ne pas attendre trop et trop tôt des enseignants en formation, en première année d’exercice.
Il ne faut pas définir des exigences trop précoces, leur donner des réponses à des questions que dans leur approche progressive du métier, ils ne se posent pas encore.
Certains formateurs semblent hésiter à présenter aux débutants des pratiques pédagogiques de référence (des modèles) et à mettre à leur portée des savoir-faire efficients et rodés ou à valoriser les outils professionnels existants : manuels, logiciels, guides didactiques, etc.
Or, éluder tout cela sous prétexte de complexité et de diversité des situations d’enseignement ou, pire, railler les demandes de « recettes » formulées par les stagiaires conduit invariablement à l’effet inverse de celui recherché : les novices imitent leurs aînés sans aucune distance critique.
Cette attitude des formateurs n’est-elle pas le signe d’un manque de confiance dans la capacité de distanciation du jeune débutant ?
Des formateurs survalorisent d’autre part souvent l’innovation pédagogique et les possibilités réelles d’inventivité des débutants.
C’est un risque dans la formation de considérer les débutants comme des fers de lance de la transformation de l’école, comme une avant-garde pédagogique au lieu simplement de les aider à devenir des enseignants aptes à exercer leur métier.
Cela peut être contre-productif de charger des débutants de mettre en œuvre des techniques que les enseignants chevronnés ne maîtrisent pas.
Il ne faut pas proposer aux débutants des scénarios trop innovants et trop rares qui les empêcheront de trouver un collègue avec qui partager.
Peuvent-ils en effet, réellement concevoir des scénarios originaux avant de s’être appropriés les gestes de base du métier enseignant
Il y a trois grands enjeux par rapport à cette situation.
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Le 1er enjeu c’est celui d’une modification des concours de recrutement enseignants parce que leur contenu indique une certaine conception du métier enseignant.
Les contenus des concours de recrutement doivent cesser d’être tourné vers l’amont, mais s’inscrire dans les exigences nécessaires à l’exercice du métier choisi.
Les concours de recrutement doivent mieux être articulés au métier choisi par les étudiants. Les concours de recrutement aujourd’hui encore plus qu’avant pour tous les degrés d’enseignement, continuent pour leurs épreuves écrites, à être exclusivement tournés vers la formation universitaire reçue, et à ne pas comprendre des épreuves tournées vers l’aval, c’est-à-dire, vers le métier que leurs candidats souhaitent exercer.
Il faut reconnaître le fait qu’ « enseigner, c’est un métier », ce qui passe par la mise en place de véritables écoles professionnelles pour ce métier à l’image de ce qui existe par exemple, pour les magistrats, la police, les conservateurs du patrimoine, etc…Ces écoles conventionnées avec l’Université auraient le pilotage de la formation initiale et continue sur la base de cahiers des charges nationaux.
Il faut véritablement professionnaliser le métier enseignant dans le cadre d’un master permettant de travailler sur les contenus, mais également sur tout ce qui est indispensable aux enseignants pour, aux différents niveaux du système éducatif, permettre de mettre les élèves dans les meilleures conditions d’apprentissage possibles.
Le master devrait avoir deux années bien distinctes dans leurs formes et leurs statuts, comme cela existe dans d’autres secteurs de la fonction publique.
Les concours de recrutement d’enseignants doivent répondre à un triple défi :
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valider la connaissance des différents champs disciplinaires faisant partie des programmes d’enseignement ;
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déceler les qualités indispensables à l’exercice du métier enseignant
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commencer à travailler sur les compétences professionnelles nécessaires à l’enseignant
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Le second enjeu, c’est d’aider les enseignants à accompagner les élèves dans la construction de leur personnalité.
Ce qui passe par une formation non pas à la seule psychologie de l’enfant , mais à la psychologie de l’adolescent, du jeune adulte et de l’enfant, et par une réflexion sur les rites de passage à construire.
La psychologie de l’enfant concerne les 3 à 8-9 ans, je pense que dès 9 ans aujourd’hui que ce soit les petites lolita ou d’autres, c’est de psychologie du pré-adolescent, de l’adolescent qui s’impose. Cette démarche implique de réfléchir sur la sortie de l’enfance.
L’absence dans notre société de tout rite de passage de sortie de l’enfance est un des éléments de la crise des 10-14 ans qui est aujourd’hui extrêmement prégnante.
Pèsent sur les jeunes, la disparition de tous rituels d’intégration sociaux à un moment donné de leur vie et le flou régnant entre 16 et 25 ans autour de l’entrée dans l’âge adulte.
Cette société d’adolescence où l’on est préado, et post-ado, où se développe pour les trentenaires la notion « d’adulescence », ni tout à fait ado, ni tout à fait adulte, elle heurte, on le comprend bien, beaucoup plus la construction de l’identité masculine que celle de l’identité féminine où la rupture enfant/adulte est marquée par des transformations corporelles et le fait d’être devenue en capacité d’être mère.
Nous vivons aujourd’hui une société marquée par la confusion des âges, où on demande le plus souvent à ceux qui la composent de devenir mature de plus en plus tôt pour rester jeune de plus en plus tard. La société semble avoir des difficultés à accepter qu’on puisse grandir et devenir adulte.
On peut vraiment se demander si la société qui a inventé la notion d’adolescence ne fonctionne pas à l’image de celle-ci dans une situation de refus permanent de devenir adulte et donc « ancien » ou « vieux ». Le syndrome de l’adolescence peut se caractériser comme le moment où on renvoie à plus tard les décisions graves et où on vit sous la dictature du désir. Cette société d’adolescence où l’on est préado, et post-ado, où se développe pour les trentenaires la notion « d’adulescence », ni tout à fait ado, ni tout à fait adulte, elle heurte, on le comprend bien, beaucoup plus la construction de l’identité masculine que celle de l’identité féminine où la rupture enfant/adulte est marquée par des transformations corporelles et le fait d’être devenue en capacité d’être mère.
Dans la construction de sa personnalité, le jeune, spécifiquement le garçon, parce qu’il vit moins dans son corps le passage à l’âge adulte que les filles qui lorsqu’elles sont réglées savent qu’elles peuvent potentiellement être mère, a toujours eu besoin de rites d’initiation, de transmission et d’intégration. Ceux-ci ont été longtemps religieux (confirmation, communion solennelle) et civiques (les « trois jours » ; le service national). Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de rites d’initiation et de transmission, ce qui, la nature ayant horreur du vide, laissent le champ libre à des processus d’intégration réalisés dans le cadre de « bandes », de divers groupes, voire par des sectes ou des intégrismes religieux.
Si l’on veut éviter que le groupe, la bande, la communauté ne soit le seul élément initiatique repérable ,il faut rétablir des rituels d’intégration sociale, par exemple :
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pour marquer la sortie de l’enfance et l’entrée dans l’ère de la responsabilisation (13 ans est juridiquement en France ce moment)
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pour marquer l’entrée dans l’âge adulte, les établissements scolaires, les centres d’apprentissage, les mairies doivent organiser des cérémonies pour marquer ce moment décisif de rupture que représente « être majeur » avec les droits et obligations que cela représente1
Une enquête sur les sanctions au collège menée par Sylvie AYRAL « La fabrique des garçons »2 a montré que plus de 80% des violences en collège étaient le fait de garçons ce qui l’a amené à penser « que pour les garçons la sanction est un véritable rite de passage qui permet à l’heure de la construction de l’identité sexuée, d’affirmer avec force sa virilité, d’afficher les stéréotypes de la masculinité, de montrer que l’on ose défier l’autorité » :
« Dans treize collèges enquêtés récemment, aux caractéristiques socioscolaires très différentes, les garçons représentent de 74% à 89% des élèves punis et de 85,2% à 100% des élèves sanctionnés pour violence physique. ….Pourquoi cette surreprésentation masculine n’attire-t-elle pas l’attention des équipes éducatives alors que le ministère de l’Education Nationale réaffirme à chaque rentrée scolaire le principe de l’égalité des sexes et que les effets négatifs des punitions données de manière excessive sont démontrés depuis longtemps ?… Dans les faits, l’univers scolaire apparaît comme un lieu de confrontations intersexes et d’activation de stéréotypes de genre ( représentation de soi en tant qu’homme ou en temps que femme) plutôt que de coéducation des sexes. Garçons et filles partagent la classe en deux espaces distincts, ne mangent pas ensemble, ne fréquentent pas les mêmes endroits dans la cour, même si cela n’empêche ni les amitiés, ni les flirts, ni les amours qui se déroulent sur un fond de « guerre des sexes »………..
En définissant les infractions et en punissant les garçons, l’institution scolaire stigmatise ces derniers et les consacre collectivement dans leur « virilité ». Elle renforce l’inégalité entre sexes dans laquelle s’inscrit en creux l’invisibilité des filles. »3
Les familles se rendent-elles compte qu’un travail bien encadré sur les limites, les dangers, les risques calculés, peut permettre d’éviter que des jeunes n‘aillent rechercher ailleurs des sensations extrêmes, des violences contre soi-même : véhicules motorisés lancées à grande vitesse, voire prises de substances « grisantes » comme l’alcool, des médicaments ou des drogues….et que quelques plaies ou bosses, des déchirures ou des vêtements un peu abîmés, peuvent être le prix à payer pour que le jeune se confronte, en étant encadré par des professionnels, à l’aventure, aux risques, à ses limites, et n’essaient pas de leur faire seul ou en bandes, sans contrôle.
En effet, transgresser, c’est pour l’adolescent le moyen, une manière de prospecter les limites, de les tester, de se mesurer aux interdits. Il est donc important que l’adulte ne se laisse pas prendre à ce jeu de transgression qu’expérimente l’adolescent. Il ne s’agit pas d’être laxiste, mais de travailler sur les limites et les régulations possibles.
Quand on interdit au nom du « principe de précaution » dans une cour de récréation les jeux de balles, la possibilité de grimper ici ou là, dans un centre de loisirs, les campements « sauvages », les rallyes d’orientation nocturnes, bref tout ce qui peut amener à travailler avec le jeune les peurs et les dangers, qu’on ne s’étonne pas des résultats !
Pour quelques cas médiatisés, on empêche l’adolescent de se préparer à gérer efficacement son passage à la maturité.
.La psychologie du jeune adulte dans les lycées est marquée par l’énorme dichotomie entre ce qui fonctionne dans les établissements scolaires ou les programmes scolaires et leur vécu personnel et le discours sur leur autonomie.
Parler de « Convention des droits de l’enfant » à des adolescents futurs adultes est contre-productif pour des jeunes qui vont avoir une pleine responsabilité, le droit de vote…..
Il ne faut pas de comportement infantilisant par rapport à ces jeunes. En France nous manquons de psychologues de l’adolescence et des jeunes adultes.
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Le troisième enjeu est la construction d’une véritable alternance dans l’année de formation, un aller-retour retour théorie pratique, ce qui signifie une véritable réflexion sur ce que peut signifier l’accompagnement.
Avant de définir le contenu de toute formation il faut définir le métier enseignant.
Le métier d’enseignant ne se définit pas en soi mais par rapport aux enjeux sociétaux et aux défis à relever …
Le système éducatif français se caractérise, les évaluations PISA l’ont bien montré, par l’existence d’une élite très bien formée, sélectionnée et triée, mais dont, aujourd’hui, la faiblesse du nombre pose des questions par rapport aux besoins de l’économie et 15% des élèves, essentiellement des garçons, qui se retrouvent avec d’énormes difficultés.
Pour corriger cette situation et ainsi éviter de laisser trop d’élèves au bord du chemin, le système éducatif français a besoin de professionnels capables de transmettre et de prendre en compte la diversité des publics, de savoir organiser leur enseignement dans un environnement complexe : la diversité des publics d’élèves, la diversité des modèles éducatifs parentaux, les nouveaux moyens de communication, des devenirs professionnels en pleine évolution. Le métier s’est complexifié, la formation doit donc elle-même évoluer. Etre un enseignant compétent dans une situation de travail en 2012 ne signifie plus la même chose qu’être compétent en 1950 ou 1970. C’est bien là l’objet du débat : de quelles compétences l’école a-t-elle besoin pour jouer son rôle aujourd’hui et dans les années qui viennent
Il est nécessaire d’opérer un double déplacement :
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des savoirs disciplinaires universitaires vers les savoirs enseignés
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des savoirs enseignés vers la construction de ces savoirs par les élèves.
Bien connaître une discipline ne suffit pas pour que tous les élèves acquièrent des compétences, mais ne pas la connaître peut très vite contribuer à baisser ses exigences vis-à-vis des élèves.
Pour répondre aux défis posés par la formation des enseignants aux réalités d’aujourd’hui, trois principes doivent guider le travail d’appropriation , de réflexion autonome des stagiaires qui fera d’eux des professionnels accomplis :
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considérer que la formation commence seulement,
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développer un va-et-vient étroit entre expérience et formation ( théorie et pratique doivent être indissociables) ;
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reconnaître que sont conciliables adaptation aux divers publics et maintien des exigences nationales.
La recherche en Education doit non seulement jouer un rôle d’observatoire des pratiques enseignantes, mais construire un conservatoire de celles-ci afin de constituer des ressources pour les formateurs et l’ensemble des enseignants.
Il faut dans cette logique ne pas disqualifier les pratiques ordinaires. Agir ainsi, peut perturber le processus de socialisation professionnelle des enseignants débutants.
La pertinence d’une formation en alternance réside dans l’association progressive de trois composantes :
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L’action professionnalisante, d’où l’importance de l’organisation de différents types de stages permettant une découverte progressive de l’exercice du métier enseignant.
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La réussite de ces actions , ce qui implique pour le premier degré de reconnaître le rôle des maîtres-formateurs et dans le second degré , celui des conseillers pédagogiques.
Formés, expérimentés, reconnus, les maîtres –formateurs et les conseillers pédagogiques peuvent permettre aux stagiaires de se construire une identité professionnelle qui s’appuie sur des savoirs, des savoirs faire, des gestes professionnels
Le maître-formateur et le conseiller pédagogique peuvent permettre au futur enseignant d’être un acteur, un concepteur de projets d’école, de projets partenariaux et non un simple exécutant.
Dans le cadre des dix compétences définies par le texte de décembre 2006 pour l’exercice du métier enseignant, les maîtres-formateurs et les conseillers pédagogiques exercent leur triple fonction d’accueil, d’accompagnement et de suivi et de formation.
Ils ont un rôle privilégié à jouer pour des compétences comme :
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Concevoir et mettre en œuvre son enseignement
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Organiser le travail de la classe
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Prendre en compte la diversité des élèves
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Evaluer les élèves
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Travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école.
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La compréhension de l’action et des conditions de sa réussite, ce qui nécessite pour la structure de formation qui doit continuer à exister de donner aux futurs enseignants les moyens de redécrire leurs expériences hors de l’urgence de l’action quotidienne.
La prise en responsabilité d’une classe est souvent accompagnée chez le futur enseignant du sentiment de « ne pas être prêt », de « ne pas savoir faire ».
Il y a donc un véritable enjeu à réfléchir aux conseils adaptés au suivi des stages et à ajuster les enseignements délivrés dans la structure de formation aux besoins réels des futurs enseignants.
Les préoccupations des enseignants débutants sont, d’après les recherches, simultanément orientées dans trois directions :
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vers eux-mêmes : leur posture, leur estime de soi, leurs scénarios et leurs déroulements, leur maîtrise de la fatigue et de leur stress ;
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vers les élèves : la gestion du groupe, l’enrôlement dans les tâches, le maintien de l’attention, les processus d’apprentissage des élèves, la gestion de leurs erreurs ;
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vers les autres acteurs du métier : les maîtres formateurs, les formateurs, les inspecteurs, les collègues, les parents…..
La gestion de l’exercice du métier enseignant met effectivement en œuvre :
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des contenus disciplinaires à enseigner ;
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des scénarios didactiques ;
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la mise en apprentissage effectif des élèves ;
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Une réflexion sur la psychologie de l’enfant.
Cela rend indispensable pour être efficient, une pluralité d’intervenants qui ne se chevauchent pas, qui n’interviennent pas qu’en successifs, mais qui se coordonnent pour une formation véritablement professionnelles : Universitaires, formateurs IUFM, Maîtres formateurs, conseillers pédagogiques, chefs d’établissement, etc.
Frmer des enseignants en alternance, c’est les confronter à la globalité, à la complexité du métier de professeur des écoles, donc cela nécessite obligatoirement une approche différenciée, diversifiée.
Il s’agit de former et non de formater.
Hors nous somme dans une situation où notre système éducatif rend l’accompagnement difficile par le simple fait que grâce à l’immense effort des départements on a diminué la taille des collèges.
Cela veut dire que dans bon nombre de disciplines si vous avez un service à 15h ou à 18h en année de stagiaire, vous n’avez qu’un enseignant dans l’établissement, c’est le cas de 70% des collèges en Ile-de-France en Allemand, Espagnol, SVT, Sciences Physiques Technologiques, Éducation musicale, Arts plastiques, documentation et CPE.
C’est même au niveau national plus important puisqu’il faut, en gros, que le collège dépasse 600 élève pour que dans ces disciplines on ait deux enseignants ce qui veut dire que dans toutes les disciplines que je viens de citer, lorsqu’il y a eu création d’accompagnateur pour le stagiaire, il était certes dans la discipline du stagiaire, mais il était dans un autre collège ou en en lycée .
Le ministère de l’éducation nationale reconnaissait l’année dernière que ça concernait globalement 67% des jeunes enseignants de lycées et collèges.
La réponse à ces défis, à ces enjeux, concerne l’avenir et notamment tout le XXIe siècle.
50% des enseignants en poste actuellement vont partir en retraite entre 2012 et 2018.
Il y a là un levier important pour faire évoluer le métier enseignant.
Il faut aussi songer au fait qu’ un enseignant débutant en 2012 enseignera jusqu’en 2054 et cette année-là , il enseignera à des gens qui seront encore au travail en 2100.
Echouer à construire une formation initiale et continue efficace, ne pas lui donner les moyens de son efficacité, ce serait donc mettre en cause l’enseignement et l’économie de tout le XXIe siècle.
1 Rappelons qu’en 2002, le ministère de l’éducation nationale avait prévu de donner à chaque élève devenant majeur une brochure « Au XXIe siècle, qu’est-ce qu’être majeur ? » . Cette brochure est malheureusement resté dans les cartons. Elle est toujours téléchargeable sur le site du MEN.
2 Sylvie AYRAL La fabrique des garçons. PUF 2011
3 Sylvie AYRAL « Sanctions et genre au collège » Socio-logos, Revue de l’Association française de Sociologie, 5/2010. http://socio-logos.revues.org/2486